Archives Mensuelles: avril 2014
Le 25 avril, il y a deux ans et trois ans
Mémoire de la Révolution
Depuis 2011 le régime syrien a utilisé la thèse des gangs armés et des salafistes pour justifier une réaction armée de sa part. Plus tard Assad lui même a reconnu que les six premiers mois les manifestations étaient pacifiques. Il y a deux et trois ans, les groupes extrémistes, tels que Jabhat al-nosra et l’Etat Islamique de l’Irak et du Levant n’existaient pas non plus!!!
Revenons en arrière, de deux et trois ans pour revisiter les évènements!
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Il y a tout juste trois ans, le 25 avril 2011:
« Le 25 avril a été un massacre, les villes de Jableh, Daraa et Latakié ont été encerclées puis attaquées par des tanks. Les snipers placés sur les toits ont plus que jamais été utilisés, les forces de sécurité tiraient de manière parfaitement aléatoire sur les gens, personne n’osait plus sortir de chez soi. Une partie des forces armées a refusé de tirer sur la population et s’est jointe à elle, malgré cela on compte plus de vingt morts rien qu’à Daraa et au moins treize à Jableh. L’électricité et les réseaux mobiles ont été coupés à Daraa. .
Les événements en Syrie font craindre un nouveau massacre comme celui des années huitante, le gouvernement a enclenché une vraie guerre contre son propre peuple : il ne cherche même plus à se cacher derrière les gangs armés. O’Bama a appelé Assad à arrêter les violences et à faire les réformes promises. »
Il y a tout juste deux ans, le 25 avril 2012:
Suite à la résolution du Conseil de Sécurité 2043 du 21 avril qui a décidé de l’envoi de 300 observateurs en Syrie, seuls 11 observateurs sont arrivés en Syrie.
Ce jour là 102 personnes ont trouvé la mort en Syrie dont 71 à Hama suite à l’utilisation de SCUD.
Ce jour là Kofi Annan a annoncé que le régime syrien n’a pas retiré tous les tanks. Il a ajouté que le régime punissait les personnes qui entraient en contact avec les observateurs.
FSD
Le 21 avril, il y a un an
Mémoire de la Révolution
Il y a tout juste un an, le 21 avril 2013, a eu lieu le massacre de plus de 400 civils à Jdaydeh-Artouz, aux environs de Damas. Un an après, rien n’a changé, sauf peut-être l’utilisation par le régime des armes chimiques et de la famine comme arme de répression. Ni le régime ni la communauté internationale n’ont changé d’attitude… Les peuples du monde restent tout aussi silencieux!!!
Nous avons choisi de republier un article qui a été publié il y a un an à cette occasion dans Le Temps et repris par le blog Un Oeil sur la Syrie.
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Le 21 avril 2013, le régime syrien a commis un nouveau massacre à Jdaydeh-Artouz, au sud-ouest de Damas. Des centaines de civils ont ainsi trouvé la mort de la façon la plus barbare, certains tués à l’arme blanche, à la hache ou exécutés par balle, d’autres brûlés vifs. Ce jour-là, des familles entières ont été exterminées: femmes, enfants et vieillards en majorité. Ce massacre a été perpétré, comme tous les massacres précédents, après que leur village eut été assiégé et bombardé par l’armée du régime, la garde républicaine, les forces de « sécurité » et les chabiha (milices armées du régime).
A ce jour, nous n’avons pourtant vu que quelques articles dans la presse occidentale, relatant que 80 personnes avaient été tuées dans ce village, alors même que, sur les pages des réseaux sociaux, les hommes du régime se vantent d’en avoir tué 400 ! De leur côté, les comités locaux de coordination ont annoncé 566 martyrs en Syrie ce jour-là, dont 483 morts dans Damas et ses environs, la majorité à Jdaydeh-Artouz.
Sur Facebook, les Syriens expriment leur amertume et leur incompréhension. Ils ont l’impression que la communauté internationale, par son silence assourdissant, leur fait payer un prix extrêmement élevé en vies humaines leurs revendications en termes de droits humains ; et que cette communauté internationale vient ensuite leur proposer de l’aide humanitaire, distribuée au compte-gouttes, par l’intermédiaire et au bon vouloir du tueur, le régime lui-même (via le CICR).
Le massacre du 21 avril fait suite et n’est que la conséquence de la réunion des « amis » de la Syrie, qui a eu lieu à Istanbul la veille et qui a renouvelé son assurance au régime syrien qu’aucune action ne serait entreprise contre lui.
Durant cette réunion, les Américains ont offert au conseil militaire de l’Armée syrienne libre (ASL) une aide militaire non létale, alors que l’ASL doit faire face aux missiles balistiques et à toutes sortes de bombes interdites (à sous-munitions, à clous, à tête chimique et autres « vacuum weapons »). Cette aide lui sera certainement utile pour autant que le peuple et l’ASL parviennent à rester en vie malgré toutes les tentatives d’extermination massive.
Sur les pages syriennes des réseaux sociaux, nous voyons apparaître des pancartes de la rue syrienne qui disent: « Aujourd’hui, il n’y a eu que 300 personnes tuées par le régime, mais sans armes chimiques, alors, SVP, il n’y a pas de quoi déranger la communauté internationale ». D’autres pages publient une caricature de l’aide internationale, symbolisée par une paire de chaussures offerte à l’opposition, personnifiée par un cul-de-jatte! L’aide humanitaire supplémentaire offerte par les Etats-Unis, le 20 avril 2013, s’élève à environ 25 millions de dollars, ce qui représente un versement unique de 5 dollars par personne, et ce au regard de 1 million de réfugiés dans les pays voisins et de 4 millions de déplacés internes. Quelle farce !
Trois morts à Boston ont mobilisé toute l’attention des médias occidentaux et suscité une multitude de minutes de silence. Des centaines de morts en Syrie en un jour, massacrés sauvagement, n’ont même pas fait l’objet d’une annonce correcte, et aucune manifestation populaire n’est venue condamner ces crimes.
Le silence des médias et des gouvernements rend l’Occident complice des crimes contre l’humanité en Syrie, honte à eux.
Aujourd’hui, une catastrophe humanitaire sans précédent est provoquée par un régime mafieux et criminel – qui, depuis quarante ans, confisque la moitié du PIB syrien – prêt à détruire la Syrie et exterminer une bonne partie de la population pour rester au pouvoir. Ceci avec l’aide et le renfort de la Russie, de l’Iran, de Hezbollah, et la complicité tacite de ceux qui sont en position d’agir et de condamner.
L’ONU et le Conseil de sécurité ont failli à leur devoir de protéger les civils en Syrie et sont ainsi devenus complices de crimes contre l’humanité. Les Etats-Unis sont quant à eux davantage intéressés au pétrole du Golan – ils ont signé un contrat avec Israël en février de cette année – qu’à la protection des civils syriens. Ainsi refusent-ils d’utiliser les missiles patriotes pour protéger les civils du nord de la Syrie.
La population syrienne n’a ni protection directe, ni couloir humanitaire pour se sauver si nécessaire, ni zone sécurisée, ni aide militaire pour pouvoir se protéger. Au contraire, un embargo d’armes a été imposé à l’ASL alors que les armes affluent toujours de la Russie et de l’Iran à destination du régime.
Aujourd’hui, en Syrie, patrie du premier alphabet, il n’y a pas que les humains qui sont en danger, mais la mémoire de l’humanité tout entière, car les sites historiques sont bombardés et pillés. André Parrot, archéologue et ancien directeur du Louvre, disait: « Chaque homme a deux patries: la sienne et la Syrie ». Citoyennes et citoyens du monde entier, ne laissez pas Assad détruire votre deuxième patrie, ne le laissez pas vous priver de votre mémoire commune… Descendez dans les rues et exigez de vos gouvernements qu’ils agissent vite pour sauver la Syrie !
Le 20 avril, il y a deux et trois ans
Mémoire de la Révolution
Il y a tout juste trois ans, le 20 avril 2011 :
- les Homsis enterraient les morts du massacre de l’Horloge.
- Un opposant de longue date, Mahmoud Issa, s’est fait arrêter. Il avait osé donner une interview à al-Jazeera relative au sit-in de l’Horloge
- Une manifestation a eu lieu à l’université d’Alep qui avait été réprimée et une trentaine de manifestants ont été arrêtés.
Il y a tout juste deux ans, le 20 avril 2012 :
Lors du Vendredi « la victoire pour nous, et la défaite pour Assad », 836 manifestations ont eu lieu à travers le pays, ceci suite au cessez-le-feu du 12 avril 2012 décrété par le plan de paix de Kofi Annan et l’arrivée de six observateurs de l’ONU. Même si ce cessez-le-feu n’a pas été respecté par le régime, il y a eu une baisse relative de la répression militaire qui a permis aux Syriens de sortir dans les rues.
FSD
Pour que le 18 avril soit la journée internationale de HOMS
Chronique de la Syrie
Homs subit ces jours une opération militaire effroyable sur la ville assiégée depuis deux ans. Après l’assassinat du père Francis qui avait choisi de rester avec la population affamée, le régime a entrepris de niveler Homs assiégée et d’exterminer jusqu’ aux derniers habitants. Leur tort aura été d’avoir demandé la liberté, la dignité, la démocratie et la justice sociale. Ces valeurs que vous prétendez les vôtres. Les syriens avaient cru un moment que l’occident est une terre de valeurs et que l’ONU en est le gardien, quelle erreur! L’ONU n’est que l’observateur paralysé des crimes mafieux perpétrés par ses propres membres sous son nez et glorifiés sur ses bancs sous le nom de lutte contre le terrorisme. Son rôle se limite aujourd’hui à préparer les excuses qu’elle présentera dans 20 ans, comme pour le Rwanda.
Pendant ce temps, aujourd’hui, même les quartiers de Homs qui sont restés sous contrôle du régime mais qui avaient participé aux protestations pacifiques subissent des bombardements de mortiers massifs et quotidiens. Les snipers du régime y ciblent tous ceux qui osent encore mettre un pied dehors. Une ambiance de guerre intense règne à Homs. Une guerre qui oppose le régime Assad et ses associés russe et iranien, et ses milices étrangères (du Liban, de l’Irak, de l’Iran, de l’Afganistan, de la Grèce, et bien d’autres) à la population de Homs.
L’association FemmeS pour la Démocratie répond ici à l’appel des activistes de Homs et organise un rassemblement le 18 avril 2014 à 16h00 à la place du Port à Ouchy pour commémorer la journée de 18 avril comme journée internationale de Homs, mais aussi pour manifester notre solidarité avec Homs qui subit aujourd’hui une opération militaire sans précédent.
Cette journée commémore le sit-in du 18 avril 2011 où les habitants de Homs, de tous âge et de toutes appartenances, se sont rassemblés pacifiquement sur la place de l’Horloge. Malheureusement, ce rassemblement s’est terminé très tard la nuit par les tirs des forces de « sécurité » sur les manifestants. Cette nuit là, beaucoup ne sont pas rentrés chez eux, parce qu’on comptait les morts par dizaines, tout comme les détenus et les disparus.
Ce jour là la souffrance de Homs a commencé ; Homs est devenue une ville blessée, dont les blessures ne cessent d’augmenter. Ce jour là restera à jamais lié, dans la mémoire des Homsis, au massacre de la place de l’Horloge.
Nous avons choisi de partager avec vous un témoignage d’une Homsi sur ce sit-in et un témoignage d’un ancien officier dans l’armée du régime sur la répression meurtrière qui a sévi cette nuit là.
« J’étais au lit, malade, quand le téléphone a sonné. Mon père nous a appelés pour nous informer du rassemblement : « des milliers de gens sont rassemblés sur la place de l’Horloge… Dépêchez-vous pour vous joindre à nous. »
J’ai oublié ma maladie, je me suis habillée rapidement, nous avons préparé quelques panneaux et nous y sommes allés. Nous sommes arrivés au moment de la prière du coucher du soleil. La scène était si incroyable que nous avions les larmes aux yeux.
La place était pleine de citoyens de toutes les religions et de toutes les classes sociales. J’ai été étonnée de voir des gens que je ne pensais pas rencontrer à cette occasion. J’étais si heureuse et fière. Je ne peux pas oublier les moments où les gens nous ont ouvert des passages pour nous les femmes pour atteindre l’Horloge.
Soudainement, mon père a paru fatigué, avec un visage pâle. J’ai demandé de l’aide. Trois médecins l’examinaient sur la place quand mon frère est arrivé. Nous nous sommes inquiétés pour mon père, mais il nous a demandé de rester avec les gens au sit-in, tandis qu’il retournait à la maison avec ma mère, répondant aux instructions des médecins.
Malheureusement, notre bonheur a été troublé quand ma mère nous a appelé pour nous informer que mon père devrait être hospitalisé. Il avait un caillot. Ces émotions lui ont causé une crise cardiaque. Il a été choqué d’entendre les gens chantant d’une seule voix pour la liberté et pour la chute du régime: « Le Peuple veut renverser le régime ». Son coeur ne pouvait pas supporter un tel bonheur. Il a eu besoin de chirurgie.
À 2h00 du matin, les tirs des mitrailleuses ont commencé. C’était la première fois de ma vie que j’entendais des tirs… Je suis devenue folle. Inconsciemment je hurlais en pleurant: « ils sont morts… Ils sont tous morts… Ils les ont tués ». Les gens s’enfuyaient en courant dans les rues. Ce jour est devenu une tragédie dans les coeurs des citoyens de Homs.
Je suis restée éveillée toute la nuit, je priais pour que les Homsis soient saufs avant de recevoir la pire nouvelle : mon cousin Wassim a été tué. La meilleure personne de la famille est décédée.
Le choc de cette tragédie était très fort, mais il nous a rendus encore plus forts.
Et voilà, cette journée du 18 avril 2011 était la meilleure journée de ma vie et elle est devenue la pire!!! Que l’âme de mon cousin Wassim Tammam Kroma reste en paix. ».
Témoignage du Général Ahmad Tlass [extrait] :
« Il s’était produit exactement la même chose à Homs, provoquant la mort d’un grand nombre de citoyens pacifiques dans des conditions identiques.
Des jeunes s’étaient rassemblés, le 18 avril, pour un sit-in au centre de la ville, au pied de la vieille horloge. Tous les responsables concernés par la sécurité se trouvaient à la Direction de la Police, à proximité immédiate. Des émissaires sont allés négocier avec ceux qui occupaient les lieux pour les convaincre d’évacuer la place. Ils étaient quelques milliers, entre 5 000 et 10 000 peut-être. Ils ont refusé de partir. Vers le milieu de la nuit, nous avons tenu une réunion avec le général Mounir Adanov, qui était déjà là, pour décider de ce qu’il y avait lieu de faire. On a à nouveau demandé aux jeunes de quitter la place en empruntant les rues qu’ils voulaient. Mais, alors que les discussions se poursuivaient, des agents des moukhabarat jawiyeh – le Service de sécurité de l’Armée de l’Air – qui avaient été dépêchés depuis Damas pour « disperser des voyous », ont commencé à mitrailler la foule. Ils ont fait des dizaines de morts. Ils obéissaient à l’ordre de tirer à vue qui leur avait été donné par de hauts responsables de la sécurité. Il s’agit encore une fois de ces officiers invisibles aux regards, mais suffisamment puissants pour donner directement des instructions à des éléments à leur dévotion. Certains de ces éléments sont des agents des différents Services de renseignements. Mais ils peuvent être aussi des fonctionnaires d’autres ministères, comme celui de l’Education. Il s’agit ni plus ni moins que, comme je l’ai déjà dit, d’un état dans l’Etat. »
FSD
Le Mythe « Assad protecteur des minorités » et les Druzes
Chronique de la Syrie
Le mythe selon lequel le régime Assad serait le protecteur des minorités vient à nouveau d’être mis à mal avec le relancement de la révolte populaire pacifique depuis al-Sweida, dans le sud syrien, fief de la communauté druze en Syrie.
Depuis le 7 avril 2014, cette révolte prend une forme semblable à celle qui a commencé à Daraa il y a trois ans. Suite à la pression des services de renseignement pour employer l’image religieuse des Druzes dans la dite « campagne présidentielle » du dictateur sanguinaire Bachar Assad, les Cheikhs druzes n’ont pas supporté cette humiliation supplémentaire et se sont révoltés en refusant cet usage de leur image et en faisant face aux forces de sécurité. L’un d’eux a alors été arrêté ce qui a enflammé encore plus ce mouvement qui a atteint toute la communauté : les jeunes, les religieux, les ingénieurs, les avocats, etc [1]. Ils revendiquent désormais tous la dignité, la liberté et l’unité du territoire syrien. Le mouvement pacifique de la société civile en Syrie serait-il relancé depuis cette ville druze qui était restée plutôt calme jusqu’ici, malgré le fait qu’elle compte de nombreux détenu(e)s et martyrs parmi ses habitants?
Ce mouvement est remarquable et d’autant plus courageux que les Druzes savent aujourd’hui à quel point le régime syrien est féroce, ce dernier les a d’ailleurs déjà menaçés de bombardements (qui ne sont donc semble-t-il plus réservés aux terroristes). Ils savent aussi qu’ils ne pourront pas s’attendre à une aide quelconque de la communauté internationale, dont l’image ressort d’autant plus minable face à ce courage.
Rappelons ici que l’histoire syrienne a été marquée par le courage et le patriotisme des Druzes syriens, qui furent les héros de la Grande Révolution Syrienne de 1925, contre les Français.
FSD
[1] Ces faits sont confirmés par Mme Taghrid Al Hajali, la Ministre de la culture et la famille au gouvernement provisoire de l’opposition syrienne et qui originaire d’al-Sweida.