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Une semaine au Liban, parmi les Syriens
Beyrouth
Ma récente visite au Liban a commencé par une brève visite de deux jours à Beyrouth. A cette occasion j’ai pu rencontrer des amis autour d’un souper sur la terrasse d’un restaurant à al-Hamra. A la fin du repas, tout le monde est parti et alors que j’attendais la facture deux fillettes de 13 ans environ sont passées à côté de notre table sur la terrasse. Elles se sont arrêtées en me disant « stp ma tante on meurt de faim, pourrions nous manger les restes ? ». Comme de coutumes, il y a toujours des restes lors d’un repas syrien partagé. Surprise par la question, je me suis empressée de les inviter: « asseyez-vous et mangez ». L’une d’elles avait l’air vraiment affamée et l’autre était sur la retenue. Je leur ai demandé d’où elles venaient, elles ont répondu de Damas en Syrie. Toutes les deux étaient vêtues de vêtements propres et donnaient l’impression de faire partie de la classe moyenne syrienne. Je n’ai pas caché mon inquiétude de les voir tard la nuit et seules à al-Hamra. Elles m’ont expliqué qu’elles ne pourraient pas rentrer avant d’avoir récolté 10’000 livres (environ 6.50 USD) chacune comme contribution au loyer. A la table voisine deux hommes ont commandé des frites et des boissons sucrées pour les deux fillettes, ce qui m’a d’autant plus inquiétée. Mille questions traversaient mon esprit et je n’osais plus quitter la table avant de les voir prendre leurs frites et déguerpir sans contrepartie à cette offre. L’une d’elles m’a dit : « Tu peux rentrer ma tante… Tu n’y peux rien. C’est notre vie à présent. Que pourrais-tu y faire ? On doit rester encore un moment à al-Hamra». Quelle désillusion et quelle souffrance !
Finalement elles ont quitté la table et elles ont rejoint un garçon de dix ans environ qui vendait quelques colliers de jasmin, sans doute syrien lui aussi.
La Bekaa
J’ai pris le transport public pour me rendre dans la région de la Bekaa. Quelques barrages de sécurité nous ont ralentis sur la route mais sans vérification systématique des identités ni des bagages. A l’arrivée, j’ai visité le centre d’une organisation qui a pour objectif de faire une étude de terrain relative à la situation des réfugiés syriens et de leur apporter l’aide nécessaire. Selon les données récoltées la majorité des réfugiés syriens auraient perdu tous leurs biens (destruction totale de leurs habitations, véhicules, champs, etc.) et la majorité de leurs enfants n’auraient jamais suivi une éducation scolaire ou bien celle-ci a été complètement interrompue. Lors de cette visite j’ai entendu les préoccupations des travailleurs du centre concernant l’augmentation de la violence familiale, surtout contre les enfants. Je n’ai pas été surprise, car lorsque les besoins de base de l’être humain ne sont pas satisfaits on ne doit pas s’attendre à ce qu’il soit patient avec ses enfants. Quand tous ces besoins manquent (alimentation, habitation, sécurité, survie, dignité, liens familiaux, rêve d’un futur, etc.) les Syriens sont envahis par toutes sortes de sentiments négatifs.
En sortant du centre j’ai pu faire un tour en voiture dans la région et j’ai pu voir les camps de réfugiés syriens parsemés un peu partout dans les environs. Parmi les réfugiés qui trouvent un abri dans ces camps certains sont formés, d’autres étaient étudiants à l’université. La vie au Liban est extrêmement chère et la présence d’un grand nombre de réfugiés syriens a fait exploser les prix. Par exemple: le loyer mensuel d’une chambre dans un très mauvais état avec une salle de bain que l’on n’accepterait pas dans des circonstances normales est de 200 USD. Mais encore, le loyer de l’emplacement d’une tente 5×4 m (20m2) est de 60 USD par mois ! En effet, l’augmentation de la demande laisse la porte ouverte à toutes sortes d’exploitations de la misère syrienne. Le propriétaire d’un terrain qui avait accepté de louer l’emplacement d’un camp de huit mobile-homes pour mille USD par an la première année, demande aujourd’hui six fois plus pour le loyer de la 2e année, laissant les familles dans la crainte de se retrouver à nouveau sans abri. J’ai pu rencontrer l’intermédiaire du propriétaire, Cheikh A., et discuter avec lui de ces familles et de leur crainte. Il m’a confirmé que c’était bien la réalité. Toutefois, il nous a promis de tout faire pour trouver des donateurs qui pourraient prendre en charge ces frais. J’ai également rencontré les réfugiés qui vivaient cette situation et j’ai entendu leur souffrance. Ils disaient avoir quitté leurs villes ou quartiers en pensant partir pour une courte durée mais les mois passent sans qu’ils puissent retourner chez eux. Certains avaient fui al-Qousseir pour Yabroud en juin 2013, par la suite ils ont dû vivre l’exode une 2e fois lorsque Yabroud a été ciblée par Assad, pour se retrouver dans un camp à la Bekaa. Les hommes de ce camp nous ont dit que c’est la peur que leurs filles subissent la violence sexuelle qui les a poussés à quitter la Syrie. Ils ont tout laissé derrière eux: maisons, champs, bijoux et argent et des fois même leurs cartes d’identité. Ces hommes avaient les larmes aux yeux en m’expliquant ce qu’ils ont dû vivre mais aussi leur désarroi de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles. Les femmes de Daraya nous ont raconté l’horreur dont elles avaient été témoins avant de fuir, les bébés tués par les Shabbiha en leur tordant le cou ou alors en leur écartant les jambes pour déchirer leurs corps en deux parties ! De tels récits j’en avais lu les témoignages, mais de voir ces gens en face de moi avec tout leur bagage d’horreur est bien plus éprouvant.
Les réfugiés syriens au Liban inscrits auprès du UNHCR reçoivent 1 Dollar US par personne et par jour comme aide de cette organisation. L’une de ces femmes m’a informé que cette année plusieurs familles s’étaient trouvées privées de cette aide minimale à cause du manque de moyens ! (Le UNHCR ne dispose actuellement que de 22% des fonds nécessaires pour répondre à la crise syrienne).
J’ai également visité un camp dont les tentes sont montées entre deux champs cultivés. Il semble que le propriétaire n’autorise que les familles qui ont des filles à y installer leurs tentes. Il engage par la suite les filles et femmes pour travailler dans les champs à un tarif réduit. Plus généralement, les femmes syriennes réfugiées au Liban semblent trouver beaucoup plus facilement un travail que les hommes (ménage, préparation des légumes avant leur conditionnement, dans les champs, dans l’enseignement pour les enfants, etc.). Un père de famille nous a raconté sa souffrance en Syrie, qui l’a poussé à sortir sa famille du pays, puis ici. Il vient d’un village du nord de Hama qui était bombardé par le régime toutes les nuits dès 23h00.
Ma rencontre avec des activistes pour le soutien psychologique :
Lors de ma visite et d’une formation à l’attention de ces activistes, j’ai rencontré des syriens qui ont fui la Syrie seuls ou en famille. J’ai entendu la douleur des Syriens de se sentir loin des leurs; leurs familles sont éparpillées à travers le monde. Dans ces circonstances douloureuses les liens familiaux absents sont souvent remplacés par des liens d’amitiés aussi forts que ceux de la famille. Ces Syriennes et Syriens musulmans pratiquants montrent une grande ouverture à l’autre. Ils communiquent et partagent leurs opinions et parfois des rires entre hommes et femmes bien qu’avec une certaine pudeur. Un jeune homme a par exemple rencontré deux femmes qui remplacent pour lui ses sœurs et inversement. Tous sont contents d’avoir enfin pu construire des relations avec d’autres syriens grâce à la révolution… l’un d’eux remercie même Bachar pour avoir poussé les Syriens à découvrir ces nouveaux liens.
Les associations syriennes pour l’aide sociale, psychologique et les soutiens en tous genres sont nombreuses. Les syriens et syriennes formés y trouvent parfois un emploi même si le salaire reste très modeste et couvre bien souvent à peine leur loyer. Ils y trouvent une activité qui leur permet d’apporter une aide aux autres syriens ! Le plus pénible pour tous les réfugiés syriens reste cependant l’absence de perspectives d’avenir !
A. Q.
Le 21 avril, il y a un an
Mémoire de la Révolution
Il y a tout juste un an, le 21 avril 2013, a eu lieu le massacre de plus de 400 civils à Jdaydeh-Artouz, aux environs de Damas. Un an après, rien n’a changé, sauf peut-être l’utilisation par le régime des armes chimiques et de la famine comme arme de répression. Ni le régime ni la communauté internationale n’ont changé d’attitude… Les peuples du monde restent tout aussi silencieux!!!
Nous avons choisi de republier un article qui a été publié il y a un an à cette occasion dans Le Temps et repris par le blog Un Oeil sur la Syrie.
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Le 21 avril 2013, le régime syrien a commis un nouveau massacre à Jdaydeh-Artouz, au sud-ouest de Damas. Des centaines de civils ont ainsi trouvé la mort de la façon la plus barbare, certains tués à l’arme blanche, à la hache ou exécutés par balle, d’autres brûlés vifs. Ce jour-là, des familles entières ont été exterminées: femmes, enfants et vieillards en majorité. Ce massacre a été perpétré, comme tous les massacres précédents, après que leur village eut été assiégé et bombardé par l’armée du régime, la garde républicaine, les forces de « sécurité » et les chabiha (milices armées du régime).
A ce jour, nous n’avons pourtant vu que quelques articles dans la presse occidentale, relatant que 80 personnes avaient été tuées dans ce village, alors même que, sur les pages des réseaux sociaux, les hommes du régime se vantent d’en avoir tué 400 ! De leur côté, les comités locaux de coordination ont annoncé 566 martyrs en Syrie ce jour-là, dont 483 morts dans Damas et ses environs, la majorité à Jdaydeh-Artouz.
Sur Facebook, les Syriens expriment leur amertume et leur incompréhension. Ils ont l’impression que la communauté internationale, par son silence assourdissant, leur fait payer un prix extrêmement élevé en vies humaines leurs revendications en termes de droits humains ; et que cette communauté internationale vient ensuite leur proposer de l’aide humanitaire, distribuée au compte-gouttes, par l’intermédiaire et au bon vouloir du tueur, le régime lui-même (via le CICR).
Le massacre du 21 avril fait suite et n’est que la conséquence de la réunion des « amis » de la Syrie, qui a eu lieu à Istanbul la veille et qui a renouvelé son assurance au régime syrien qu’aucune action ne serait entreprise contre lui.
Durant cette réunion, les Américains ont offert au conseil militaire de l’Armée syrienne libre (ASL) une aide militaire non létale, alors que l’ASL doit faire face aux missiles balistiques et à toutes sortes de bombes interdites (à sous-munitions, à clous, à tête chimique et autres « vacuum weapons »). Cette aide lui sera certainement utile pour autant que le peuple et l’ASL parviennent à rester en vie malgré toutes les tentatives d’extermination massive.
Sur les pages syriennes des réseaux sociaux, nous voyons apparaître des pancartes de la rue syrienne qui disent: « Aujourd’hui, il n’y a eu que 300 personnes tuées par le régime, mais sans armes chimiques, alors, SVP, il n’y a pas de quoi déranger la communauté internationale ». D’autres pages publient une caricature de l’aide internationale, symbolisée par une paire de chaussures offerte à l’opposition, personnifiée par un cul-de-jatte! L’aide humanitaire supplémentaire offerte par les Etats-Unis, le 20 avril 2013, s’élève à environ 25 millions de dollars, ce qui représente un versement unique de 5 dollars par personne, et ce au regard de 1 million de réfugiés dans les pays voisins et de 4 millions de déplacés internes. Quelle farce !
Trois morts à Boston ont mobilisé toute l’attention des médias occidentaux et suscité une multitude de minutes de silence. Des centaines de morts en Syrie en un jour, massacrés sauvagement, n’ont même pas fait l’objet d’une annonce correcte, et aucune manifestation populaire n’est venue condamner ces crimes.
Le silence des médias et des gouvernements rend l’Occident complice des crimes contre l’humanité en Syrie, honte à eux.
Aujourd’hui, une catastrophe humanitaire sans précédent est provoquée par un régime mafieux et criminel – qui, depuis quarante ans, confisque la moitié du PIB syrien – prêt à détruire la Syrie et exterminer une bonne partie de la population pour rester au pouvoir. Ceci avec l’aide et le renfort de la Russie, de l’Iran, de Hezbollah, et la complicité tacite de ceux qui sont en position d’agir et de condamner.
L’ONU et le Conseil de sécurité ont failli à leur devoir de protéger les civils en Syrie et sont ainsi devenus complices de crimes contre l’humanité. Les Etats-Unis sont quant à eux davantage intéressés au pétrole du Golan – ils ont signé un contrat avec Israël en février de cette année – qu’à la protection des civils syriens. Ainsi refusent-ils d’utiliser les missiles patriotes pour protéger les civils du nord de la Syrie.
La population syrienne n’a ni protection directe, ni couloir humanitaire pour se sauver si nécessaire, ni zone sécurisée, ni aide militaire pour pouvoir se protéger. Au contraire, un embargo d’armes a été imposé à l’ASL alors que les armes affluent toujours de la Russie et de l’Iran à destination du régime.
Aujourd’hui, en Syrie, patrie du premier alphabet, il n’y a pas que les humains qui sont en danger, mais la mémoire de l’humanité tout entière, car les sites historiques sont bombardés et pillés. André Parrot, archéologue et ancien directeur du Louvre, disait: « Chaque homme a deux patries: la sienne et la Syrie ». Citoyennes et citoyens du monde entier, ne laissez pas Assad détruire votre deuxième patrie, ne le laissez pas vous priver de votre mémoire commune… Descendez dans les rues et exigez de vos gouvernements qu’ils agissent vite pour sauver la Syrie !
De l’homme et de l’institution
Lettre ouverte à la conseillère fédérale S. Sommaruga, cheffe du DFJP
Madame la conseillère fédérale,
Le 14.12.2013 T. part de Zürich au volant d’un camion d’aide humanitaire qui fait partie d’un convoi humanitaire partant de Suisse et d’Allemagne à destination de Deir Ezzor en Syrie, convoi dont il est le responsable.
Résidant en Suisse avec son épouse et ses enfants depuis 23 ans, titulaire d’un diplôme de théologie de l’Islam, T. a souvent exercé le métier de chauffeur, il a un revenu modeste et effectue régulièrement le trajet vers la Syrie, à titre de chauffeur bénévole.
Ce trajet là a un caractère particulier parce que suite aux mesures d’allègements des formalités décidées par le conseil fédéral le 04.09.13 T. a pu déposer une demande de visa pour sa famille restée en Syrie à Deir Ezzor, qu’il s’attend à retrouver en Suisse à son retour.
Arrivé à Tal-Abyad, le convoi s’engage en Syrie et se dirige vers Deir Ezzor, à 400 km à l’intérieur du pays. Le 21.12.2013 à Tal-Abyad il est stoppé par une patrouille d’EIIL (Etat Islamique de l’Irak et du Levant). T. est arrêté et détenu pendant deux jours. Libéré le 23.12.2013 il continue sa route jusqu’à l’est de Deir Ezzor où il livre le convoi. Il sera de retour en Suisse le 24.01.2014.
En Suisse la réponse à la demande de visa arrive le 07.02.2014, elle est négative (celle déposée précédemment à Beyrouth pour la famille du frère de T. a elle aussi été refusée et un recours est en cours). Pour quel motif? Deir Ezzor est pratiquement détruite et la ville natale T., Mou Hassan a été ciblée par plus de 18’000 roquettes et bombes, la plupart de sa famille n’a plus de maison. A Mou Hassan 17 de ses cousins ont trouvé la mort.
La demande de visa initiale a été déposée fin septembre 2013 à l’ambassade suisse à Ankara, ensuite il a fallu recommencer quelques semaines plus tard auprès du consulat suisse à Istanbul, ceci à la demande de l’ambassade. Sans moyens, la famille de T. se déplace en bus et retourne à chaque fois à Tal-Abyad, en Syrie, craignant de passer une période d’attente prolongée en Turquie.
Notons aussi que les mesures d’allègement ne stipulent plus, à cette époque, de vérification de solvabilité de la famille résidant en Suisse, T. y réside depuis plus de 23 ans, il y est arrivé en tant que réfugié politique, sa famille est bien intégrée, reste le revenu modeste…
Il est vrai que le nombre des membres de la famille de T. est important (trois sœurs avec leurs familles et la famille de deux frères, soit 22 personnes qui ont déposé leur demande à Istanbul dont 14 enfants, et 5 personnes à Beyrouth dont 4 enfants) ; une famille qui a tout perdu en Syrie et qui mérite certainement d’être accueillie avec au moins un permis humanitaire F .
Beaucoup de Syriens se retrouvent aujourd’hui en train d’essayer, parfois à grand risque, de trouver un pays d’accueil temporaire. La plupart ne souhaitent pas en effet devenir des réfugiés mais juste pouvoir rentrer plus tard dans un pays, le leur, avec la garantie du respect de leurs droits les plus basiques. Tous auraient préféré avoir le soutien de l’Occident pendant les six mois de révolte pacifique. Aujourd’hui, ils subissent la violence et la mort dans leur propre pays et sont rejetés par tous les pays du monde, sauf quelques-uns qui les tolèrent dans des camps qui manquent des moyens de survie élémentaires dignes d’un être humain.
Nous vous demandons par la présente de tenir compte de la situation intolérable qui prévaut actuellement en Syrie, une situation qui n’est que le résultat de la tolérance de la communauté internationale vis-à-vis d’un régime criminel mafieux, et de reconsidérer le cas de la famille de T., dont la demande est parfaitement légitime et en conformité avec les mesures d’allègement des formalités décidées par le conseil fédéral le 04.09.14. Après tout il n’est peut-être pas indispensable que l’immigration syrienne en Suisse se limite à la jet-set pro-Assad, certes très riche, mais dont les valeurs ont assez peu à voir avec la liberté, la dignité et la démocratie, alors que T. jouit lui d’un grand respect dans notre communauté immigrée, pour sa solidarité, pour sa disponibilité et pour son courage toujours désintéressés.
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à notre cause, nous vous prions d’agréer, Madame la conseillère fédérale, nos salutations distinguées.
Présidente de FSD
Lettre ouverte de FSD au Conseiller Fédéral M. D. Burkhalter Chef du DFAE en Suisse
Pour que les droits humains reçoivent l’attention qu’ils méritent: appel au boycott du régime syrien, à une aide humanitaire plus efficace et à intensifier les efforts pour soumettre le dossier de la Syrie au TPI
Monsieur le conseiller fédéral,
Alors que la Suisse s’apprête à recevoir la conférence « Genève 2 » il nous parait essentiel d’alerter une fois de plus sur la réalité syrienne dont l’aspect le plus important est aujourd’hui une tragédie humanitaire orchestrée par le régime mafieux des Assad, à seule fin de garder le contrôle sur une économie totalement corrompue, ceci avec la complicité de la Russie, de l’Iran et de leurs alliés, et la complicité tacite de l’occident.
Le conflit syrien ne se résume pas à des combats entre un régime surarmé, assisté par l’Iran et la Russie, et des groupes d’opposition. L’élément oublié c’est toute la population prise en otage par le régime. 20 millions d’individus, réduits à bricoler les solutions les plus abracadabrantes pour aider les leurs, comme des lâchers de lapins et de pigeons, pour essayer de faire entrer un peu de nourriture dans les zones assiégées et affamées par le régime, intentionnellement.
L’aide humanitaire prétendument organisée à destination de tous les syriens avec l’aide des ONG et de la Croix Rouge, et même du régime, n’arrive jamais à ceux qui en ont besoin. C’est un fait qu’on nous confirme chaque jour. Il y a volonté de la part du régime d’exterminer par la faim et par le manque de soins. Cette catastrophe humanitaire se poursuivra tant qu’une quelconque légitimité sera laissée au régime Assad. Ce régime doit être boycotté.
La détention est l’un des aspects de la catastrophe. Une campagne mondiale en faveur des détenus syriens, a eu lieu du 29.10 au 05.11.2013. Le but étant de jeter un peu de lumière sur le dossier de la détention qui est l’un des dossiers les plus sombres et les plus douloureux. Des familles entières se trouvent privées de liberté et sujettes à la torture dans les sous-sols des centres des services de « sécurité » syriens, souvent à dix dans une cellule de 2m2. Les accusations peuvent être aussi superficielles que « tentative de rompre le siège en apportant un pain » ou « apporter quelques jouets à l’attention des enfants des zones assiégées ». Quant aux conditions inhumaines de détention et aux méthodes effrayantes de torture, elles ont fait l’objet de plusieurs rapports des organisations de défense des droits humains, mais les responsables profitent toujours de l’impunité et même de légitimité.
Nous demandons à la Suisse, au nom des tous les syriens démocrates et de leurs sympathisants qui sont venus à notre rencontre dans les rues de Lausanne, Genève, Bâle et Zurich:
– de fermer les représentations et de renvoyer les diplomates du régime syrien pour faire comprendre au régime syrien qu’il est illégitime et forcer Assad à accepter un transfert de pouvoir. Tant qu’on tolérera un seul représentant de ce gouvernement mafieux la catastrophe perdurera. L’alternative à ce régime mafieux n’est pas l’extrémisme, c’est la démocratie et chaque jour ses chances reculent…
– d’œuvrer à l’établissement de couloirs humanitaires sécurisés pour faciliter l’accès aux civils et aux blessés. Les difficultés souvent évoquées pour ce faire ne sont que des excuses, Israël vole sans difficulté majeure dans le ciel syrien, un pont aérien est possible, et l’accès par le Nord est possible aussi…La Croix Rouge quant à elle travaille avec le régime, seul responsable de la situation, elle n’a aucun accès aux régions assiégées.
– d’oeuvrer pour que seul le conseil des droits de l’homme soit éligible pour le transfert du dossier syrien devant le TPI. Lorsqu’il s’agit de crimes contre l’humanité à large échelle, comme c’est le cas en Syrie, l’impunité devient insupportable et seule la justice peut amener à une solution en vue d’une Syrie démocratique. La Suisse a, nous le savons, déjà entrepris des démarches dans ce sens, mais seul le résultat compte in fine.
Nous vous remercions du soutien que vous avez déjà manifesté au peuple syrien et de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre.
Veuillez agréer, Monsieur le conseiller fédéral, nos salutations les distinguées.
Pour le comité de FemmeS pour la Démocratie
Sa présidente
Annexe: Pétition, 250 signatures de soutien