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« Raqa est égorgée en silence » – Forum l’Autre Genève
Forum L’Autre Genève
Dans le cadre de ce forum qui a eu lieu les 27 et 28 mai 2016, la parole a été donnée à des représentant.e.s de la société civile syrienne que le régime syrien s’efforce de rendre invisible. Nous publions ici certaines de ces contributions.
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« Raqa est égorgée en silence »
Par Rima Alajaji
Rima ALAJAJI est une avocate et activiste de Raqa. Elle a participé aux manifestations contre le régime à Raqa, elle a été en outre active dans leur organisation. Suite à la brutale répression armée des forces de la dicature qui s’est abattue sur Homs, Alep et Deir -Ezzor, elle a contribué à l’aide humanitaire en faveur des déplacé·e·s (réfugiés internes).
Après l’arrivé de Daech à Raqa en été 2013, elle a de nouveau participé aux rassemblements contre les exactions de l’ »Etat islamique ». Elle a cependant dû fuir Raqa en janvier 2014 suite aux disparitions multiples d’activistes. Elle est aujourd’hui réfugiée en Suisse.
La société de Raqa
Raqa n’a jamais été la couveuse des baasistes comme on l’entendait souvent dire au début de la révolution. Cette conviction s’est installée suite au déplacement de Bachar Assad à Raqa pour assister à la prière de Eid al-Adha pendant la première année de la révolution. Raqa et ses habitants ne constituent pas plus une couveuse de Daech comme le font croire le régime et les médias occidentaux. Raqa n’est pas non plus un terrain fertile pour diffuser le chiisme comme se plait à l’affirmer l’ambassade d’Iran à travers la construction d’un complexe religieux chiite.
La ville de Raqqa, et sa campagne, forment un environnement fragile dont le visage n’est pas bien défini. Elle se montre ouverte aux nouveautés. Les habitants de Raqa pratiquent leur religion d’une façon populaire, simple, facile et aimable, sans aucune trace de règles strictes qui empêchent le mixage entre femmes et hommes. L’habillement varie des vêtements traditionnels aux vêtement modernes. Ses habitants sont accueillants et leurs maisons sont ouvertes aux visiteurs de la ville.
Raqa dans la révolution
Depuis le début de la révolution et malgré le black-out médiatique, Raqa s’est soulevée pour revendiquer la liberté et la chute du régime à travers des manifestations pacifiques et des sit-in. Le régime ne l’a pas épargnée et elle a subi la même répression que les autres villes : bombardements aveugles, arrestations et tirs à balles réelles sur les manifestants. J’ai moi-même participé au sit-in des avocats libres qui a eu lieu à l’intérieur de la cour de Raqa. Nos revendications comprenaient la libération des détenus, le retrait de l’armée de toutes les villes et l’arrêt des bombardements. Les forces de sécurité ont encerclé le palais de justice et ont arrêté tout le monde. Parmi les détenus, il y avait aussi une avocate nommée Rima qui était enceinte de sept mois qui a commencé à saigner à cause de la peur, ce qui ne lui a pas épargné la détention.

Manifestations à Raqa (L’activiste bien visible à gauche « Firas Al-Haj Saleh » a été kidnappé par Daech en été 2013, on est sans nouvelle de lui)
Raqa a joué un rôle important dans l’hébergement d’un million de Syriens venus d’Alep, de Deir-Ezzor, de Homs et de Rastan pour échapper à la mort sous les bombardements intenses que ces villes subissaient.
Ce grand nombre de déplacés internes a été accueilli et géré par les habitants de cette ville, les riches comme les pauvres, pour offrir l’aide nécessaire à leurs frères et sœurs. Alors que beaucoup de pays ont considéré comme une crise majeure l’arrivée d’un même nombre de réfugiés dans l’ensemble de leurs régions et ont tenu nombre de réunions et conventions pour y faire face.
En août 2012, Tal- Abyad, ville de la province de Raqa, a été la première région libérée de Syrie. Tal-Abyad est alors devenue un joyau de liberté et de vie civique. Ses habitants ont formé un conseil local d’administration de la ville. La jeunesse de la ville a commencé à diffuser la culture de la société civile. Une opération militaire a également été lancée par l’armée syrienne libre (ASL) pour la libération de Raqa.
Libération et gestion locale de Raqa
La bataille pour la libération de Raqa a commencé le 4 mars 2013 et elle s’est terminée avec le départ des forces du régime de la ville et la chute de la statue de Hafez Assad. Ceci lui a valu la colère du régime qui s’est abattue sur cette ville avec les barils explosifs et les missiles Scud. Les écoles étaient ciblées et de nombreux étudiants y ont trouvé la mort, mais aussi les hôpitaux et les infrastructures ont été ciblés. Les deux ponts sur le fleuve de l’Euphrate, qui reliaient la ville à la campagne ont également été bombardés, coupant aussi la route vers d’autres villes.
Ce fut un grand défi pour les habitants de Raqa. Toutefois un sentiment de liberté et une joie indicible régnaient parmi nous. Nous avons mis en place un Conseil local d’administration du gouvernorat et j’y ai siégé moi-même. La jeunesse s’est activée pour la création des collectifs de la société civile.
Cette situation a duré plusieurs mois, et cette expérience aurait pu être le noyau de la nouvelle Syrie si l’opposition avait assumé ses responsabilités.
Raqa sous contrôle de Daech
Il semble que la statue de Hafez, tombée en mars 2013, soit revenue sous une autre forme avec l’entrée des groupes extrémistes dans la ville. L’un des plus éminents dirigeants de Daech arrivé à Raqa était Abu Luqman, qui avait été détenu dans la prison de Seidnaya pour son appartenance au Jihadisme Salafiste et qui était parmi les jihadistes libérés par le régime quelques mois après le début de la révolution.
Abu Luqman et son groupe ont installé leur siège dans le bâtiment de l’administration du gouvernorat. Progressivement, ils ont commencé à opprimer les habitants de la ville et à interférer dans les décisions du Conseil local. Ils ont ensuite bloqué les rassemblements des jeunes et arrêté beaucoup des jeunes militants les plus importants, et ils ont confisqué leur matériel. Le voile intégral a été imposé pour les femmes de la ville, les étudiantes ont été empêchées de poursuivre leur formation et finalement les écoles et les universités ont été fermées définitivement privant ainsi l’ensemble de la jeunesse de formation.
Ils ont ciblé aussi un certain nombre d’avocats, de médecins et de politiciens comme M. Abdullah Khalil et le Dr Ismail Hamedh, ainsi que le Père Paolo Dall’Oglio quand il est venu à Raqa. Ce dernier s’est rendu à leur QG pour négocier avec eux la libération de certains kidnappés, mais il n’est jamais revenu.
Ils ont également liquidé les dirigeants les plus éminents de l’ASL. Ils ont brûlé les églises.Ils ont aussi infiltré les rangs des militants, ainsi que l’ASL.
Ils ont ensuite été rejoints par de nombreux immigrants, venus de plusieurs pays arabes et étrangers, et aussi des femmes, de nationalité française et britannique et d’autres pays. La mission de ces femmes était l’arrestation et la torture des femmes de la ville qui ne suivaient pas les instructions de Daech.
Finalement il ne restait plus que l’option militaire pour se débarrasser de cette organisation hostile.
Durant le premier mois de 2014, les bataillons de l’ASL et le mouvement d’Ahrar al-Sham ont lancé la bataille contre Daech, dans la ville, bataille qui a duré trois jours d’affilée. Ce fut une guerre des rues terrifiante. Nous ne pouvions pas sortir de la maison et nous restions loin des fenêtres à cause de l’intensité des tirs. A la fin, les cadavres étaient éparpillés dans les rues et empêchaient parfois les ambulances de s’approcher.
Suite à cette bataille, Daech a pris le contrôle sur Raqa et le reste de l’ASL s’est retirée. Il était clair à la fin que l’ASL avait été infiltrée par des membres de Daech.
A partir de ce jour, Raqa est devenue aux yeux du monde la capitale de Daech. Mais il est nécessaire de préciser ici un point important:
Raqa est considérée par Daech comme étant sa base , ceci à cause de ses caractéristiques géographiques et de ses richesses naturelles. Raqa donne accès, en Syrie , à cinq gouvernorats, elle a des ressources de pétrole, de gaz et d’eau, sans oublier ses barrages. Ces caractéristiques deviennent dès lors la malédiction de ses habitants. Cette malédiction qui lui a valu d’être considérée désormais comme la capitale de Daech, et la capitale du terrorisme. Mais quelle est la responsabilité des habitants de Raqa dans tout ça? Quel est le pourcentage des jeunes de Raqa dans les rangs de Daech?
Selon les dernières statistiques menées par la campagne « Raqa est égorgée en silence », croisées avec les statistiques du journaliste allemand Juergen Todenhöfer (le seul journaliste qui a pu interroger les membres de l’organisation), le nombre des membres de Daech en Syrie a atteint les 40’000, y compris combattants et gestionnaires. Quant aux dirigeants de l’organisation, ils viennent exclusivement d’Irak.
Le nombre de Syriens qui ont rejoint Daech est d’environ 10’000 originaires de Hama, Homs, Idlib et Raqa, dont environ 4’000 de Raqa seule. Cependant 12’000 membres de Daech sont basés à Raqa dont seulement 4’000 de la ville même, ce qui veut dire que 66% des membres de Daech à Raqa sont des étrangers.
Parmi ceux qui ont rejoint l’organisation à Raqa, certains étaient pro-régime avant l’arrivée de Daech, d’autres étaient marginalisés dans la société, d’autres recherchaient le pouvoir et enfin d’autres fuyaient la pauvreté. Il est à noter que la classe moyenne à Raqa, avant la révolution, est tombée dans la pauvreté et doit lutter pour sa survie dans la ville depuis l’arrivée de Daech. Les civils sont retenus à Raqa. Ceux qui tentent d’en sortir sont accusés de quitter la terre des Musulmans pour rejoindre la terre des infidèles. Ils doivent subir un interrogatoire prolongé et abusif mené par un dispositif d’ interrogation de très mauvaise réputation. A l’issue de cet interrogatoire, il est rare d’obtenir un laisser passer, ce qui rend les habitants de Raqa prisonniers de fait dans leur propre ville où ils n’arrivent même pas à trouver de quoi se nourrir.
Opération de libération… vraiment?
Actuellement, les Etats Unis lancent une opération militaire pour la «libération» de Raqa, en collaboration avec des forces au sol appelées «forces de la Syrie démocratique» qui ne portent même pas le drapeau de la révolution et qui sont de fait des forces proche du régime et de la Russie. Est-ce que cette opération vise vraiment à libérer Raqa ? Est-ce qu’on va assister bientôt à un concert d’Obama à Raqa semblable à celui de son ami Poutine à Palmyre? Le titre qui conviendrait alors serait « Daech, la vache laitière » ! Une telle «libération» ferait de Raqa une ville pilote, destinée à tester toutes les sortes d’organisations semblables à Daech, avec et sans barbes, portant différentes couleurs et parlant différentes langues.
Les habitants de Raqa ont pourtant appelé à l’aide avec force mais le monde ne les entend pas…
« Courez après Daesh »
Chronique de la Syrie
Dernièrement Christina Larssen, chef de la délégation de l’UE au Liban, s’exprimait sur la Syrie (L’Orient le jour, 9 mai 2016): ” Il est difficile de croire à une paix durable en Syrie avec l’actuel leadership en place. Toutefois il appartient au peuple syrien de décider qui va diriger le pays et de choisir son président ”.
Mais pour qu’il y ait choix il faudrait qu’il y ait vote. Ce vote cela fait cinq ans que le peuple syrien le réclame et que le régime “en place” y répond en se réélisant lui-même, tandis que la communauté internationale se contente de prendre acte: “…il appartient au peuple syrien de décider qui va diriger le pays…”. Cinq ans aussi que la diplomatie occidentale distille des avis le plus souvent contre-productifs. Cinq ans que la situation s’aggrave suite à l’inaction et à la mauvaise foi de la communauté internationale, qui préfère dresser des barrières contre les victimes des exactions du régime Assad et participer au marathon du désert “courez après Daech” plutôt que d’en sanctionner l’organisateur.
La solution en Syrie passe par l’éviction du régime “en place”. La sécurité des civils passe par une “no-fly” zone, et le futur démocratique du pays par un soutien approprié au drapeau vert-blanc-noir. La question n’est pas de savoir si c’est simple ou compliqué, c’est indispensable.
On parle aujourd’hui d’une hypothétique collaboration Etats-Unis-Russie pour une solution politique en Syrie. On l’attend! Pour les Etats-Unis, cela fait cinq ans qu’Obama nous explique ce qu’il ne fera pas en Syrie, est-il si important de savoir ce qu’il ne fera pas dans les sept mois à venir? Pour la Russie, après Fort Tartous elle a récemment fait construire Fort Hmeimim, puis Fort Al-Chayrat, et depuis quelques jours Fort Palmyre, elle a imposé le russe dans l’enseignement public en Syrie (peut-être dans l’idée d’une annexion future?), demain ce sera le porc dans l’assiette des cantines, l’impunité pénale lui a été promise par le fantoche de Damas, difficile d’être plus colonialiste! Mieux vaut donc ne pas rêver.
L’intervention russe a bien évidemment compliqué et aggravé la situation. Sans l’intervention de Putin, “Putinocchio” du théâtre diplomatique contemporain, Assad serait aujourd’hui sur le chemin du musée des horreurs, à placer entre Pol Pot et Idi Amin Dada. Mais soyons patients, la leçon reçue en Afghanistan devrait se répéter.
FSD
Venez écouter la voix des représentant.e.s de la société civile syrienne lors du Forum L’Autre Genève à l’université de Genève-Dufour, le 27 et 28 mai.
Mohamad Taha: « Les habitants de Palmyre dorment sur le sable et se couvrent avec le ciel »
Traduction par FSD de l’interview de Mohamad Taha sur les ondes de Monte Carlo International le 24 mars 2016 par la journaliste Samira Walnabi:
http://www.mc-doualiya.com/chronicles/interviews-mcd/20160324-%D8%B3%D9%88%D8%B1%D9%8A%D8%A7
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Mohamad Taha:
« Les habitants de Palmyre dorment sur le sable et se couvrent avec le ciel »
S.W.: Mohamed Taha, archéologue et habitant de la ville de Palmyre, soyez le bienvenu parmi nous sur les ondes de Monte Carlo International.
M.T. : Bonjour à vous et à ceux qui nous écoutent.
S.W. : Dites-nous ce qui se passe maintenant dans la ville de Palmyre. Ce témoignage est celui de l’un des fils de la ville.

A statement by Palmyra Revolution Coordination, 22.03.2016
« Russia is destroying our city and civilisation » https://www.facebook.com/revo.palmyra3/photos/pb.410518082406470.-2207520000.1458938658./487834724674805/?type=3&theater
M.T. : Ce qui se passe maintenant dans la ville de Palmyre n’a pa commencé hier, cela dure depuis plus d’un mois. Les bombardements de l’aviation, les missiles, y compris des missiles Scud et des bombes à sous-munitions bombardent continuellement Palmyre depuis un mois.
En commun accord avec la Russie, le régime syrien a décidé de récupérer la ville après l’avoir remise à Daech il y a trois cent sept jours. Le but est d’envoyer le message qu’il est capable de récupérer des territoires, de vaincre Daech, et de protéger le patrimoine syrien, dont les antiquités de Palmyre, qui constituent une partie importante du patrimoine de l’humanité. Rien n’est plus faux, car le régime a contribué lui même a détruire Palmyre la ville antique et Daech n’a fait que compléter la destruction ensuite. Aujourd’hui les batailles, que le régime mène avec l’artillerie lourde et les chars , se déroulent au coeur de la ville antique, et se concentrent maintenant dans la vallée des tombes. Tout ce qui n’avait pas été pillé ou détruit auparavant est pillé et détruit en ce moment même.
L’avancement des troupes terrestres du régime est le fruit de la campagne de bombardements aériens constants depuis plus d’un mois. Depuis quinze jours, les activistes de Palmyre ont documenté plus de mille deux cents raids de bombardements aériens, de missiles à longue portée et de Scuds.
Les habitants de la ville avaient déjà commencé à fuir Palmyre et il ne restait plus que 200 familles en ville. Daech a ordonné hier à tout le monde de quitter la ville et les a emmenés dans une zone désertique, à 15 km de Palmyre, appelée la Vallée Rouge, et il les a laissés là-bas où ils ont passé la nuit. Les gens qui ont tenté de louer des voitures, ont été bombardés par l’aviation russe et beaucoup parmi eux ont trouvé la mort ou ont été blessés. En conséquence les propriétaires de voitures n’osent plus déplacer ces gens jetés en plein désert vers Raqua, qui est la seule destination possible pour eux.
Pour la situation militaire, bien sûr, nous avons vu beaucoup de choses et beaucoup entendu. C’est une guerre médiatique entre le régime et Daech … Le régime publie des photos et des vidéos sur ses progrès et Daech y répond et chacun d’eux publie des images prouvant qu’il contrôle toujours la ville …
Lors du dernier contact que j’ai eu avec Palmyre, avant que les communications ne soient coupées complètement avec la ville, il y a trois heures, j’ai obtenu les informations suivantes:
Le régime tente d’avancer vers la ville depuis l’ouest, le sud-ouest et le sud.
De l’ouest et du sud-ouest, le régime est arrivé durant la nuit à atteindre le palais de Musa dans la région d’Al-Eweyneh, à environ cinq kilomètres de la ville. Et puis il a avancé vers la ville, mais Daech a fait une contre-attaque militaire et a forcé le régime à se replier sur la région d’Al-Eweyneh. Il est donc à cinq kilomètres de la ville.
Le régime contrôle le mont Hayan, côté sud-ouest à 8 km de la ville . Et le mont Tar au nord-ouest de la ville à 3 km.
Il y a des combats très féroces qui ont lieu dans la vallée antique des tombes avec usage d’ artillerie lourde, d’ explosifs et des bombardements de l’aviation. La ville est presque complètement vide à l’exception de ceux qui ne peuvent pas en sortir.
La plupart des quartiers et des maisons de la ville ont été minées par Daech. Son plan est de faire exploser la ville si les forces du régime réussissent à la prendre. Ils l’ont déjà fait dans plusieurs régions du nord de la Syrie.
Il n’y a plus d’habitants à Palmyre. Il y a 200 familles abandonnées depuis hier dans le désert à 15 km de la ville, sans nourriture, sans tentes et sans abri, qui dorment à la belle étoile.
S.W. : Quel est l’appel que vous, Mohamed Taha archéologue de Palmyre et fils de cette ville antique, souhaitez adresser aujourd’hui au monde entier?
M.T. : En fait nous sommes fatigués de faire des appels au secours auxquels personne ne répond jamais. La tragédie du peuple de Palmyre fait partie de celle que le peuple syrien tout entier vit depuis plus de cinq ans et devant laquelle la communauté internationale ferme les yeux et bouche les oreilles. Personne ne veut résoudre le problème vraiment et nous ne savons pas ce que cette communauté internationale attend pour agir. Les gens sur place nous ont même demandé de ne plus lancer d’appels, parce qu’ ils savent qu’ils ne donneraient aucun résultat.
Mais la communauté internationale doit arrêter d’appliquer deux poids, deux mesures et doit au moins regarder la souffrance humaine en face . Les gens là-bas sont des êtres humains et les êtres humains sur la terre sont tous égaux. La vie d’un être humain à Palmyre n’a pas moins de valeur que celle d’un être humain en France ou en Belgique ou ailleurs. Ce ci dit avec tout notre respect pour tous les êtres humains et notre condamnation de chaque action qui affecte les civils partout dans le monde.
Mais ce qui se passe en Syrie n’a pas de précédent dans l’histoire et ce qui se passe à Palmyre en particulier fait pleurer même ses pierres. Ces pierres qui ont fait se soulever des voix du monde tout entier quand Daech a détruit une partie d’entre elles. Ces même voix qui s’étaient tues lorsque les forces du régime syrien avaient détruit certaines de ces pierres. Comme si ces crimes étaient pardonnables si le criminel est le régime syrien et ne le seraient pas si le criminel est Daech. Les deux, le régime syrien et Daech, sont des criminels, nous sommes tous d’accord sur cela, mais nous ne devrions pas tolérer le deux poids ,deux mesures.
En tant qu’archéologue j’aime bien sûr mon métier, tout comme j’aime ma ville ville natale où j’ai grandi au milieu de ses antiquités. Toutefois, je me soucie aujourd’hui des habitants de Palmyre qui sont les miens qui se trouvent actuellement dans la vallée Rouge et qui sont sans rien et dont la seule couverture est le ciel. Tous ceux qui peuvent leur faire parvenir de l’aide, aussi minime soit elle, nous les en remercions. Un mot de solidarité est aussi le bienvenu, parce que ce qu’ils ont vécu est indescriptible avec des mots et aucune photo ou vidéo n’est capable d’exprimer leur souffrance. Parmi eux des enfants qui, pendant des mois, n’ont entendu que les voix des roquettes. Mais aussi des femmes qui ont perdu leurs enfants et leurs maris. Ces gens ne sont en aucun cas coupables de quoi que ce soit. Ils n’ont pas choisi Daech. Le régime diffuse, par ses médias et à tort, des propagandes qui stipulent que les habitants de Palmyre sont tous des membres de Daech, ce qui est dénué de la moindre véracité. Les habitants de Palmyre n’avaient pas choisi la d’être dominés par le régime Assad qui les tuait et les arrêtait, et en moins de trois jours, le régime a remis la ville à Daech. Ceci malgré la présence de 15’000 militaires, de l’aéroport militaire de Palmyre, mais aussi la présence de deux autres aéroports militaires à une distance qui ne dépasse pas 40 km. Malgré tout cela, Daech a pu prendre le centre de Palmyre facilement.
S.W. :Merci beaucoup Mohamad Taha.
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Lire aussi le témoignage de l’ancien procureur général de Palmyre:
La vérité sur la chute de Palmyre (1/4)
La vérité sur la chute de Palmyre (2/4)
La vérité sur la chute de Palmyre (4/4)
Le 20 mai 2015 Daech (Etat Islamique) s’empare de Palmyre, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, après le retrait de l’armée syrienne d’Assad, préparé une semaine plus tôt. Le convoi de Daech traverse le désert en toute tranquillité sans qu’il soit ciblé par l’aviation d’Assad ou de la coalition internationale. Le 30 mai, Daech fait exploser la prison de Palmyre qui recèle la triste mémoire de tortures sauvages et d’exécutions sommaires des prisonniers des années huitante. Bien plus tard, Daech commence à détruire certains sites archéologiques de Palmyre.
Récemment l’ancien procureur général de Palmyre, Mohamad Qassim Nasser, quitte la Syrie, fait défection et n’hésite pas à livrer des détails révélateurs relatifs à la relation entre Daech et le régime Assad et à l’implication du régime dans la chute de Palmyre.
Il est utile de rappeler ici que Palmyre a rejoint la révolution syrienne très rapidement et qu’elle a été l’un de ses bastions (voir Un oeil sur la Syrie, 21 mai 2015).
FSD publie ici une traduction de l’interview de M. Q. Nasser. Source : http://www.rp-syria.com/blog/archives/56010
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Ex-responsable syrien révèle des détails étonnants sur
la chute dePalmyre et la relation entre
Daech et le régime Assad
(4e partie 4/4)
Trafic d’armes entre le régime et Daech
Sur le sujet des trafics d’armes entre le régime et Daech, le juge a expliqué: «Etant procureur général, j’ai appris de Cheikh Mahmoud Hamoudi, un ami proche à Palmyra, que Mohamad Jaber, officier des forces du régime, faisait du trafic d’armes avec des éléments de Daech, ceci de deux manières. La première correspond à une vente directe d’armes aux éléments de Daech, par contrebande se faisant la nuit, le payement se faisant par le biais d’intermédiaires entre lui-même et Daech ». Pour la deuxième méthode, Nasser a souligné: «elle a été plus souvent utilisée, entre l’officier Mohammed Jaber et Daech, par le biais d’intermédiaires, y compris le Cheikh Hamoudi. L’intermédiaire se mettait d’accord avec Daech sur le genre d’armes souhaitées, la qualité, la quantité et le prix. Les armes et munitions demandées par Daech étaient stockées en un lieu convenu ou un barrage de sécurité. Ensuite Daech attaquait le lieu choisi ou le barrage de sécurité sous contrôle de la Brigade des faucons du désert (milice pro-régime), dirigée par Jaber. Dès que l’attaque survenait, Jaber donnait l’ordre à ses hommes de se retirer pour sauver leur vie. Ensuite les éléments de Daech prenaient le contrôle du lieu et le transfert des armes s’effectuait vers leurs positions. Une fois l’opération terminée et le stock d’armes vidé, la brigade des faucons du désert reprenait le contrôle du lieu. Ensuite, l’intermédiaire entre les deux parties se chargeait du transfert des millions de dollars de Daech à l’officier Jaber. Tous les officiers dans la ville de Palmyre et tous les fonctionnaires sont au courant de ces manoeuvres de Jaber, mais personne ne fait d’objection. »
Concernant les informations à propos d’opérations d’armement directes entre le régime et Daech, le procureur général a déclaré « A Palmyre, en plus des intermédiaires que j’ai cités et qui facilitent l’armement des éléments de Daech, le régime arme directement certains éléments de Daech, qui touchent des salaires mensuels afin de protéger les installations pétrolières, les champs de pétrole et de gaz, les pipelines et les fournitures de gaz et de pétrole en provenance de l’est de la Syrie (contrôlé par Daech) vers les zones de contrôle du régime à l’ouest ».
La fuite de Palmyre
Parlant de sa fuite de Palmyre avant sa chute entre les mains de Daech, le procureur général a déclaré: « les officiers des services de renseignement du régime m’ont assuré que Daech allait commencer par attaquer Al-Sokhna, puis se déplacerait vers Palmyra. Ils m’ont conseillé de quitter Palmyre avec ma famille dès que Daech arrive à Al-Sokhna et de prendre la route vers Homs. C’est effectivement ce qui est arrivé, Daech a attaqué Al-Sokhna, et le lendemain, j’ai rencontré tous les officiers responsables à Palmyre et je suis resté jusqu’au soir dans la ville. Ensuite j’ai quitté Palmyre la nuit, secrètement, avec ma famille, dans la voiture de l’un de mes parents. Nous avons essuyé des tirs et nous avons survécu miraculeusement. Je n’ai informé personne de ma décision de quitter Palmyre de peur d’être liquidé par le régime, comme ils (les forces du régime) avaient déjà liquidé des officiers sunnites à Palmyre, ou bien leur avaient interdit de la quitter. Je suis allé à Damas, puis à Homs, où j’ ai pratiqué en tant que procureur général jusqu’à la fin de 2015. À la fin de l’année, j’ai réussi à fuir de Damas vers la Turquie et j’ai voulu raconter au monde entier ce que j’ai vu et vécu en Syrie. »
Il ajoute: « au début de la révolution, j’ai été témoin de la révolution pacifique et du meurtre de manifestants pacifiques, à Homs, qui sont sortis dans les rues par centaines de milliers de manière pacifique, et ils ne portaient même pas un bâton. Le régime n’hésitait pas à tuer les manifestants et il nous demandait de certifier leurs corps, et de dire devant la presse qu’ils avaient été tués par des éléments infiltrés. Nous n’avions pas le moyen de faire quoique ce soit ».
Sa vision pour l’avenir de la Syrie
Le procureur général a conclu son discours en expliquant sa vision de la situation actuelle et de l’avenir de la Syrie: « je veux dire que je suis récemment sorti de la Syrie, et que par mon travail et mes contacts avec toutes les parties et composantes de la société syrienne, aussi bien les partisans de Bachar Assad que ses opposants, je peux affirmer que la plupart de ceux qui sont en Syrie, les intellectuels et les hommes politiques, sont opposés au régime, mais il vivent dans la peur et la terreur. La Syrie est devenue une grande prison, moi-même, avant de sortir de Syrie, j’ai dû d’abord faire évacuer tous mes parents et ma famille et je suis le dernier de la famille à avoir fui. Parce que, quand il y a défection d’un employé du régime, les services de renseignement pourchasse tous les membres de sa famille ».
Il ajoute: « Avant l’intervention et l’agression de la Russie contre la Syrie, le régime était dans ses derniers jours, il se désagrégeait de l’intérieur, la corruption était généralisée à toute la société, la livre syrienne s’effondrait, le moral des partisans du régime et de son armée baissait, surtout avec la croissance du nombre de morts dans leurs rangs, sur les différents fronts de combat. Ils étaient en très mauvaise posture et nous nous attendions à la chute d’Assad d’un moment à l’autre, soit tué par l’un de ses gardes du corps, ou prenant son sac et s’enfuyant. Cependant, le début de la dernière agression russe a donné un soutien moral aux partisans du régime, mais ce soutien reste fragile. »
Nasser continue: « Ce que j’ai à dire, et que le monde entier et Bachar Assad m’écoutent, c’est que tout le peuple syrien ressent de la haine contre Bachar, qui a tué les Sunnites, et a utilisé les Alaouites comme combustible, ce qui a abouti au décès de milliers de leurs jeunes hommes. Les Alaouites (éléments des forces du régime) qui se trouvent sur les barrages de sécurité maudissent Assad, mais il est pour eux un mal nécessaire, les partisans qui désirent encore dire une louange pour Bachar, disent aujourd’hui «que Dieu bénisse son père». En fait tout le monde déteste et insulte Assad. Ils savent tous qu’à un moment ou à un autre ils risquent d’être tués ou contraints de fuir, et tout le monde attend ce moment, tout le monde sait qu’Assad est déjà vaincu. Je pense pour ma part qu’il est un serviteur de l’Iran et reçoit ses ordres de ce pays, y compris celui de rester en Syrie jusqu’à l’expiration de son rôle. S’il le pouvait, il prendrait son sac et quitterait le pays ».

« Devant ce peuple, tu n’as pas d’autre alternative que le départ », Panneau de Kafranbel en mars 2016!
Lire aussi:
La vérité sur la chute de Palmyre (3/4)
La vérité sur la chute de Palmyre (3/4)
Le 20 mai 2015 Daech (Etat Islamique) s’empare de Palmyre, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, après le retrait de l’armée syrienne d’Assad, préparé une semaine plus tôt. Le convoi de Daech traverse le désert en toute tranquillité sans qu’il soit ciblé par l’aviation d’Assad ou de la coalition internationale. Le 30 mai, Daech fait exploser la prison de Palmyre qui recèle la triste mémoire de tortures sauvages et d’exécutions sommaires des prisonniers des années huitante. Bien plus tard, Daech commence à détruire certains sites archéologiques de Palmyre.
Récemment l’ancien procureur général de Palmyre, Mohamad Qassim Nasser, quitte la Syrie, fait défection et n’hésite pas à livrer des détails révélateurs relatifs à la relation entre Daech et le régime Assad et à l’implication du régime dans la chute de Palmyre.
Il est utile de rappeler ici que Palmyre a rejoint la révolution syrienne très rapidement et qu’elle a été l’un de ses bastions (voir Un oeil sur la Syrie, 21 mai 2015).
FSD publie ici une traduction de l’interview de M. Q. Nasser. Source : http://www.rp-syria.com/blog/archives/56010
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Ex-responsable syrien révèle des détails étonnants sur
la chute dePalmyre et la relation entre
Daech et le régime Assad
(3e partie 3/4)
Infiltrations et intermédiaires
« Quelle est la vérité concernant les informations affirmant que le régime libère les prisonniers pour les inciter à rejoindre Daech?» A cette question, le procureur général a répondu «ce que j’ai vu et que j’ai pu suivre par mon travail à la Cour de Palmyra, c’est que beaucoup d’hommes recherchés contre lesquels des mandats d’arrêt avaient été émis, pour des affaires pénales judiciaires de vol et de fraude, ont été arrêtés par la branche du service de renseignement du désert mais ensuite libérés pour rejoindre Raqua et et les régions de Daech, sans qu’ils soient traduits en justice. Avec le temps je me suis rendu compte que les services de renseignement les recrutaient, en particulier les criminels, pour leur servir d’agents à l’intérieur de Daech. »
Quant à savoir s’il estimait que la Russie était au courant de la relation entre Daech et le régime Nasser a dit: «Pendant mon séjour à Palmyre j’ai eu la certitude que la Russie a été pleinement informée des détails de ce qui se passait, parce que des dizaines d’experts russes, étaient présents à l’aéroport militaire de Palmyre, en plus des experts iraniens, ils facilitaient le travail de l’armée du régime à l’aéroport de Palmyre, et dans d’autres régions. Ces experts allaient, sous la protection de Daech, dans les champs de pétrole et les installations de gaz, pour effectuer des réparations et des opérations de maintenance des installations qui étaient sous le contrôle de Daech. Ceci confirme que la Russie aide Daech à continuer de pomper le pétrole et le gaz en provenance de “ses” régions pour les acheminer vers les régions sous contrôle du régime. »
Il a poursuivi: «La relation est claire puisque les experts russes entrent sous la protection d’éléments de Daech dans les installations pétrolières dans les zones sous son(celui de Daech) contrôle, effectuent les réparations des installations avec des pièces de rechange livrées par la Russie, et retournent sous la protection de Daech vers les zones du régime, ce qui confirme que la Russie était un partenaire dans le soutien à Daech ». Ce sont les paroles du procureur général.
Nasser a évoqué un sujet qui n’a été abordé que rarement auparavant en disant « le régime est désireux d’établir des dossiers judiciaires et sécuritaires pour tous les accidents, les dommages et les dysfonctionnements qui survenaient dans les champs de pétrole et les installations pour plusieurs raisons. La plus importante de ces raisons est que le régime doit présenter des dossiers pour les compagnies d’assurance afin obtenir des compensations pour les pannes et les frais de réparation. Mais le régime visait également à réduire les vols, parce qu’il est connu que les services de renseignement, et tous ceux qui travaillent dans le secteur pétrolier en Syrie, essayent d’utiliser le détournement, le vol et la modification des spécifications des pièces, pour voler l’argent du peuple. Alors le régime procède à l’établissement de dossiers et enregistre les noms et les témoignages des travailleurs qui sont actifs dans la maintenance de ces terminaux pétroliers. Il enregistre également la valeur des dommages, et ensuite on m’envoyait ces dossiers à moi comme procureur général à Palmyre. Je transférais à mon tour ces dossiers au comité de sécurité, et je déposais plainte contre les auteurs des attaques contre les installations pétrolières, et je demandais aux autorités compétentes de procéder à leur arrestation et d’enquêter dans ces dossiers. « .
A la question « Qui payait les salaires des travailleurs dans le domaine pétrolier dans les régions de Daech? » le juge a répondu: « Tous les travailleurs dans les champs de pétrole sous le contrôle de Daech étaient des employés du ministère syrien du pétrole, qui travaillaient sous la protection des éléments de Daech, et ils touchaient leurs salaires, leurs indemnités et les primes du régime, et cela continue aujourd’hui encore, et je mets le ministère au défi de prouver le contraire « .
Concernant les noms d’intermédiaires connus dans les opérations commerciales entre le régime et «Daech», le procureur général a souligné «Toutes les opérations d’échange commercial et particulièrement de vente de pétrole, de gaz et de protection des installations pétrolières, se faisaient via des courtiers et des intermédiaires dans la région de Palmyra et son désert. Ces derniers peuvent communiquer entre les deux parties, et garantissent des profits pour les deux parties. Les plus importants de ces intermédiaires sont Faisal Qatran, Cheikh dans la ville d’Al-Sokhna, Cheikh Mahmoud Hamoudi, un entrepreneur et homme d’affaires de Palmyre, c’est un ami personnel et partenaire de l’actuel ministre du Pétrole Sulaiman Abbas. Il y a aussi Mounir Zoubi, un entrepreneur de Palmyre, et Jamil Karkutli un entrepreneur dans le domaine du pétrole de Deir Ezzor (à l’est). Ces courtiers et intermédiaires étaient en contact avec des éléments de Daech, car ils sont de la région. Ils avaient des contacts avec des éléments de l’intérieur de l’organisation, ils les recrutaient et leur payaient des salaires D’autre part ils avaient des liens avec le chef du renseignement militaire à Palmyre, avec le palais présidentiel, et avec les hommes d’affaires les plus influents. Parmi ces derniers on mentionne George Hassoani, qui supervise les intermédiaires, un homme d’affaires syrien et russe, qui leur fournit les liquidités pour les transmettre à Daech « .
A propos de Muhanna Hassan, dont le nom a été récemment rapporté dans les médias, Nasser a expliqué, «il est un homme d’affaires d’Al-Sokhna, un marchand de céréales de longue date dans la région orientale de la Syrie. Il m’a assuré qu’en 2013 et 2014 il avait acheté l’ensemble de la récolte de blé et d’orge cultivés dans les zones de Daech en Syrie et en Irak, pour le régime, et il a transféré des milliers de tonnes de blé et d’orge des zones de Daech aux zones du régime, il a aussi effectué le transfert de dizaines de millions de dollars du régime, comme rétribution pour de ces livraisons ».
Expansion chiite iranienne
Dans un autre contexte, le juge a donné des informations sur la façon de saisir les territoires sunnites en Syrie, par des chiites et par l’Iran. Il a dit «Avant ma nomination à Palmyre, j’étais juge de paix à Darya et à Moadamyieh (deux villes à proximité de Damas qui sont actuellement contrôlées par l’opposition). A travers mon travail à Darya, je fus témoin du massacre de Darya commis par le régime contre des centaines de civils opposants non armés (Août 2012), et après la destruction de Darya, le meurtre de ses habitants, et le déplacement de centaines de milliers de résidents de Darya et Moadamyieh, les chiites et les Iraniens ont commencé à initier des procès dans les tribunaux des régions de Darya et de Moadamyieh, et dans une grande partie de la campagne de Damas, qui sont parmi les régions chaudes, pour faire confirmer la vente de terrains dans ces deux villes. ».
Il a poursuivi en disant: «Les chiites disaient qu’ils avaient acheté les terres des propriétaires qui ont fui leurs terres, ou sont morts en détention, les propriétaires fonciers n’étaient pas présents. Ceux qui revendiquaient la terre initiaient les procès en l’absence des vrais propriétaires et apportaient de fausses procurations obtenues par un notaire de Damas , ou de la banlieue de Damas, ils apportaient des contrats de vente fictifs, et ils venaient nous voir en disant que la propriété a été achetée à ses habitants avant qu’ils ne la quittent ou avant d’être arrêtés ou tués. »
Il a poursuivi: « Au début, en tant que juges, nous répondions à ces demandes en disant que la notification était non valable, vu que le propriétaire d’origine n’était pas présent. Ensuite Bachar Assad a promulgué une loi facilitant, aux Iraniens et à leurs partisans, le vol et le pillage du territoire syrien, c’ est la loi n° 25 de 2013, qui permet, dans les régions chaudes, la notification à la partie attaquée en justice (le propriétaire en l’occurence) par publication dans les journaux, en cas d’absence devant le tribunal. Assad a donc permis aux Iraniens de forcer le jugement en leur faveur, dans le cadre de ces procès. Cette loi est honteuse et elle a suscité la surprise et la consternation de tous les travailleurs de la communauté juridique. »
Lire aussi:
La vérité sur la chute de Palmyre (1/4)
Le 20 mai 2015 Daech (Etat Islamique) s’empare de Palmyre, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, après le retrait de l’armée syrienne d’Assad, préparé une semaine plus tôt. Le convoi de Daech traverse le désert en toute tranquillité sans qu’il soit ciblé par l’aviation d’Assad ou de la coalition internationale. Le 30 mai, Daech fait exploser la prison de Palmyre qui recèle la triste mémoire de tortures sauvages et d’exécutions sommaires des prisonniers des années huitante. Bien plus tard, Daech commence à détruire certains sites archéologiques de Palmyre.
Récemment l’ancien procureur général de Palmyre, Mohamad Qassim Nasser, quitte la Syrie, fait défection et n’hésite pas à livrer des détails révélateurs relatifs à la relation entre Daech et le régime Assad et à l’implication du régime dans la chute de Palmyre.
Il est utile de rappeler ici que Palmyre a rejoint la révolution syrienne très rapidement et qu’elle a été l’un de ses bastions (voir Un oeil sur la Syrie, 21 mai 2015).
FSD publie ici une traduction de l’interview de M. Q. Nasser. Source : http://www.rp-syria.com/blog/archives/56010
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Ex-responsable syrien révèle des détails étonnants sur
la chute dePalmyre et la relation entre
Daech et le régime Assad
(1ère partie 1/4)

Ex-procureur général de Palmyre, Mohamad Qassim Nasser, révèle la relation de Daech avec le régime Assad et la chute de Palmyre. Voir: https://www.youtube.com/watch?v=Vc0GMptFLfs
Ancien procureur général de la ville de Palmyre en Syrie, le juge Mohamad Qassim Nasser a révélé les détails des dernières heures avant la chute, entre les mains de Daech (Etat Islamique), de cette ville inscrite sur la Liste du patrimoine mondial. Il a également apporté des «preuves» concernant les relations que le régime syrien entretient avec Daech et comment il a facilité l’opération de la prise de contrôle de Palmyre par Daech l’an dernier. Il a parlé d’un plan commun entre la Russie et le régime pour rayer Palmyre de la carte, à des fins multiples.
Nasser dit au début de son interview, en se présentant «Je suis de Palmyre, j’ai été nommé procureur général de la ville début 2013 et je suis resté à ce poste jusqu’au milieu de 2015, moment où Daech a attaqué la ville. Ensuite j’ai été transféré à la ville de Homs (le siège du gouvernorat du même nom et dont Palmyre dépend administrativement) et j’y ai exercé mes fonctions jusqu’à la fin de 2015 où j’ai quitté la Syrie. La fonction que j’ai occupé est considérée comme étant le poste gouvernemental le plus important et le plus élevé à Palmyre selon la loi syrienne. »
Il a souligné que lors de son travail en tant que procureur général à Palmyre, pendant environ trois ans, et vu sa compétence juridique, il a été chargé de vérifier les corps des détenus politiques et des manifestants qui avaient été arrêtés par les services de renseignement du régime, en particulier la branche de la sécurité militaire de Palmyre. Il était aussi chargé d’interrogatoires des détenus, et de certifier les corps de ceux qui mouraient sous la torture dans la branche du désert (branche de la sécurité du régime qui a une mauvaise réputation à Palmyre) .
Un témoin de la criminalité
L’ancien procureur général dit «J’ai vu et certifié des dizaines de cadavres de prisonniers et opposants syriens pacifiques, qui étaient dans les caves des prisons de la branche du désert. Ils venaient de tous les gouvernorats syriens, leurs crimes étaient de s’opposer au régime criminel de Bachar, en demandant la liberté. Ils étaient pacifiques et nous n’avions aucune preuve de l’existence d’une arme sur eux, et ce qui se passait dans les prisons et les cachots de la branche de sécurité est inimaginable pour l’esprit humain, pourtant cela se passait dans les faits ».
Il ajoute « Les geôliers battaient, brûlaient, torturaient et même crucifiaient les prisonniers politiques jusqu’à la mort. Les odeurs du sang et de la chair en décomposition et les maladies se propageaient dans les caves de ces prisons sales. Souvent les détenus mouraient sous la torture brutale, et on me convoquait avec le médecin légiste pour certifier les corps. Nous avions l’obligation de rédiger des rapports qui exonèrent les criminels en indiquant des causes naturelles de mort. La raison était toujours déjà prête, comme un arrêt cardiaque ou un AVC ou une insuffisance rénale, et puis les geôliers enterraient secrètement les corps des détenus dans un cimetière de la ville de Palmyre et sous le couvert de l’obscurité souvent. Ils creusaient des tombes collectives et les enterraient les uns sur les autres ».
Relation du régime avec Daech
Le procureur général a cité des «preuves» relatives aux rumeurs selon lesquelles il existe une relation entre le régime syrien et Daech. Il dit «J’ai été témoin et j’ai documenté l’existence de cette relation, par ma position et mes missions à Palmyre. J’étais en contact avec les officiers et les dirigeants du régime à Palmyre, et j’étais informé par les documents judiciaires et ceux de la sécurité que je recevais et qui concernaient tous les domaines. Cela m’a permis de connaître et d’apprendre ce qui se passait sur la coopération mutuelle et les échanges commerciaux entre Daech et le régime. »
Dans les détails, Nasser cite » Le commerce a prospéré entre les zones sous contrôle de Daech et celui du régime syrien pendant les trois ans où j’étais procureur général, entre 2013 et 2015. Le commerce a prospéré dans le domaine du pétrole et du gaz, du blé, de l’orge et de l’élevage. Mais aussi le commerce de la nourriture, des vêtements, des médicaments et toutes sortes d’autres commerces existaient entre eux. »
Sur la présence des personnes travaillant pour le régime et qui servent sous les ordres de Daech, il déclare: «Grâce à mes relations et ma communication constante avec les officiers de sécurité à Palmyre, le général Mazen Abdul Latif, chef de la direction de la sécurité de l’Etat à Palmyre, m’a dit qu’ils ont des bras et des agents au sein de Daech, et qu’ils sont en mesure d’influencer les décisions de Daech, et que leurs agents sont en contact permanent avec eux, et qu’ils les informent de tout ce qui se passe au sein de Daech. Par exemple, il m’a dit en fanfaronnant que leurs agents au sein de Daech oeuvraient pour l’organisation des opérations terroristes à l’intérieur de la Turquie, cette conversation a eu lieu au début de 2015, et que la Turquie payerait cher pour son intervention en Syrie et qu’elle serait touchée par le feu du terrorisme de la part de Daech ; et qu’en Europe, et particulièrement la France et son président François Hollande, qui est hostile à Assad et cherche à le renverser, paieraient cher sa position, et que leurs agents à Raqqa (le siège principal de Daech en Syrie) agiraient bientôt. »
Il a également ajouté que le chef de la branche du renseignement du régime lui a dit, littéralement, « Hollande viendra pour embrasser la chaussure de Bachar Assad pour qu’il accepte de combattre Daech. »
A la question « Est-ce que Daech est au courant de l’existence des agents du régime en son sein?”, il a répondu: «Je ne sais pas explicitement, mais les officiers de la sécurité se vantaient souvent de leurs réalisations, et du fait qu’ils connaissaient les détails de ce qui se passait à Raqqa, et qu’ils étaient capables d’atteindre n’importe qui à Raqqa et dans les autres régions de Daech et qu’ils influençaient la décision des dirigeants du groupe. Mais s’ils voulaient l’éliminer, ils étaient en mesure d’y mettre fin en quelques semaines, mais qu’ils en profitaient. Tout le monde voit cette organisation qui fausse la réputation de la Révolution syrienne, et menace le monde entier. Ils en ont besoin pour que le régime reste ».

Le régime syrien : « Cherche le terroriste » ! (caricature d’Ali Farzat)
Source: http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/01/14/la-syrie-le-terrorisme-et-la-tuerie-de-charlie-hebdo/