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De la Ghouta à Raqqa
Il y a quatre ans, le régime syrien lançait une attaque chimique sur la Ghouta de Damas qui faisait plus de 1400 victimes. Comme ça, d’un coup, en une nuit, des familles entières, des villages entiers, anéantis, sans aucune trace de sang. A l’époque, beaucoup ont appelé à une intervention internationales, pour qu’enfin cesse le bain de sang. N’avait-on pas annoncé que l’utilisation des armes chimiques serait une ligne rouge? On en voyait enfin le bout! Mais 2013 n’a pas été que l’année du premier massacre chimique conséquent, elle a également été l’année où nous avons cessé de croire aux lignes rouges, aux droits de l’Homme et aux institutions internationales, pour ceux d’entre nous qui avaient la naïveté d’encore y croire.
La réaction a tout d’abord été de rassurer Bachar, si frappes il y avait, elles seraient ciblées. Puis un compromis a été trouvé! Nous n’avons pas besoin d’intervenir, se dirent-ils, il suffit de lui faire livrer ses armes chimiques et le problème est résolu. Le message était claire, son tord n’était pas d’avoir massacré plus de 1400 personnes dans leur sommeil autant que de l’avoir fait avec des armes interdites. Continue seulement, disaient-ils, tout est permis sauf les armes chimiques! Les années se sont écoulées et avec elle les victimes, le plus souvent d’armes conventionnelles telles que par exemple les barils TNT ou les missiles guidés.
4 ans, 174 attaques aux armes chimiques et les déboires d’une coalition anti-terroriste plus tard, intervention il y a eu. Juste pas contre le régime . Alors que des bombes internationales pleuvent sur Raqua, faisant bien plus de victimes civiles que de victimes de Daesh, et que le boucher de Damas règne en maître absolu sur ce qu’il reste de son carnage, curieusement réhabilité dans son rôle de président, on ne peut s’empêcher de se poser la question, intervention, soit, mais pour qui?
C’est l’impunité des criminels de tout bords qui alimente le terrorisme et toutes les bombes du monde n’y changeront rien, bien au contraire. C’est avec beaucoup de retenue que l’on dénonce aujourd’hui les frappes anti-terroristes, peut-être par peur d’être accusés de soutenir le terrorisme. Mais nos pensées vont aux victimes de l’intervention internationale comme elles vont à celle de l’inaction internationale qui l’a précédée.
FSD
« Assad reste allié à l’Etat Islamique »
Article publié, par La Liberté le 22 septembre 2014, à l’occasion de la conférence de Noura al-Ameer à Lausanne le 18 septembre 2014. Conférence organisée par FSD.
FRAPPES EN SYRIE: L’opposition réclame aux Occidentaux des frappes contre le régime et le contrôle de l’espace aérien, insiste Noura al-Ameer, vice-présidente de la Coalition nationale syrienne. Interview.
PROPOS RECUEILLIS PAR
THIERRY JACOLET
Deux gars costauds en costard montent la garde sur la terrasse du café lausannois. La procédure habituelle pour les invités de l’ONU. Noura al-Ameer, vice- présidente de la Coalition nationale syrienne (CNS) depuis le début de l’année, regarde le duo qui veille sur elle, un sourire en coin, sous son foulard: «Je me sens privée de liberté…» Rien en comparaison avec ce que cette jeune activiste de 26 ans a vécu dans les geôles syriennes durant six mois en 2012, entre sévices corporels et torture psychologique (voir ci-dessous). Noura al- Ameer était récemment de passage en Suisse pour une conférence en marge de la session du Conseil des droits de l’homme à l’ONU. Interview.
Quel danger représente l’Etat islamique pour la révolution syrienne?
Noura al-Ameer: Le plus grand danger est qu’il réduise à néant toutes les aspirations du peuple syrien insurgé: la liberté, la justice, la démocratie, la dignité et l’égalité. Cette organisation s’est introduite en Syrie en avril 2013 pour «assassiner» le mouvement populaire. La révolution syrienne s’est retrouvée coincée entre la répression du régime d’al-Assad et les exactions de l’Etat islamique.
Quelle est la responsabilité du président syrien dans l’essor de l’EI?
Al-Assad, mais aussi l’Iran et le premier ministre irakien Nouri Maliki en ont la plus grande responsabilité. Le régime syrien a favorisé l’implantation et l’essor de ce mouvement terroriste en Syrie. Il a soutenu l’action d’al- Qaïda en Irak, dont l’Etat isla- mique est une émanation. Par ailleurs, des rapports certifient qu’al-Assad partage les bénéfices du pétrole syrien avec l’EI qui a pris le contrôle de puits. Ce qui offre à cette organisation des ressources financières supplémentaires à son développement.
Al-Assad a pourtant déclaré qu’il s’attaquerait à l’EI…
Il ne l’a jamais fait. Il épargne par exemple ces terroristes qui font le siège de Raqqa, alors qu’il frappe les civils de la ville. Depuis le début de la révolution, sa stratégie a été de dire qu’il combattait les terroristes. Ce qui est faux. Il dit ceci pour que la communauté internationale le laisse en place. Depuis l’attaque à l’arme chimique de la Ghouta en août 2013, il essaie de récupérer auprès des Occidentaux la légitimité qu’il a perdue.
Al-Assad et l’EI sont-ils des alliés de circonstance?
Oui, ils sont toujours «alliés». Jusqu’à maintenant, l’EI ne combat que l’opposition syrienne. Prenez ce qui se passe actuellement autour d’Alep. Il y a une coordination entre les mouvements de l’armée et ceux des forces de l’EI. Al-Assad s’approche d’Alep par le sud et l’EI par le nord-est pour faire le siège de la ville en mains rebelles. Depuis qu’il y a une coalition internationale contre l’EI, al-Assad se présente comme le partenaire des Occidentaux. Le but d’al-Assad est d’abord d’aider l’EI à exterminer l’armée rebelle pour en finir avec la révolution. Et après ils se battront entre eux pour le pouvoir.
A moins que l’EI ou Bachar al-Assad ne tombe avant. Croyez- vous au plan de la coalition internationale?
Jusqu’à maintenant, elle semble sérieuse dans son entreprise. La décision du congrès américain d’armer l’Armée syrienne libre (ASL) et de l’entraîner est une bonne nouvelle. Ce qui rassure, c’est que la coalition internationale a refusé qu’al-Assad soit partenaire et que l’Iran participe aux attaques. Mais il ne faut pas seulement éliminer l’EI: c’est l’occasion d’en finir avec toutes les sources du terrorisme.
Quel est le message de la Coalition nationale syrienne?
Nous demandons des frappes contre l’EI mais aussi contre les positions des forces d’al-Assad. Le terrorisme, c’est comme un serpent: Assad est la tête et l’EI la queue. S’attaquer à la queue ne résoudra rien. Il faut aussi couper la tête. La CNS souhaite aussi que la communauté internationale procède d’urgence à un contrôle du ciel pour empêcher al-Assad de bombarder les positions de l’ASL.
Comment jugez-vous l’attitude occidentale?
Il n’y a pas eu de soutien des Occidentaux à la révolution. Ils n’ont jamais répondu aux revendications du peuple syrien. L’exemple le plus flagrant est le massacre à l’arme chimique de la Ghouta, près de Damas, en août 2013. Malgré cela, les Occidentaux se sont satisfaits d’enlever une partie de l’arsenal chimique d’al-Assad sans rien faire pour la population qui souffre. Depuis, le régime continue les frappes avec des gaz mortels dans beaucoup d’endroits.
Mais Bachar devait évacuer du pays tout son arsenal chimique…
Des rapports font état de plus de 75 frappes avec du gaz depuis le massacre, alors que c’est interdit. Al-Assad a caché d’autres sites. Il en resterait encore trois avec armes chimiques. Ce dictateur criminel est aussi un manipulateur. Il ne fait pas que stocker mais fabrique encore des armes chimiques. Va-t-on l’épargner de nouveau pour qu’il sorte ces armes du pays?
Il a des craintes que sa chute crée un vide administratif et sécuritaire. Mais la CNS a déjà un plan très clair pour la période de transition qui ne va pas être calme ni facile. C’est une étape nécessaire pour passer à autre chose. Ce serait encore pire si cette période n’était pas accompagnée par des plans de justice transitionnelle, afin de s’occuper des suites juridiques des souffrances de la population.
Que peut faire la Coalition nationale syrienne?
Notre conviction est que le combat militaire qui aura lieu n’est pas suffisant et qu’il faut un combat politique en parallèle. Nous revendiquons la mise en place d’un mouvement politique avec comme base les résultats de Genève 1 (la formation d’un gouvernement d’union nationale, ndlr). Il y a deux feuilles de route: politique pour la période transitoire et administrative pour les institutions de l’Etat.
De la prison au combat politique
«J’attendais la révolution. Il fallait voir la répression quotidienne et les exactions que su- bissaient les Syriens.» Noura al-Ameer s’est engagée dans la contestation dès le début du soulèvement. Elle s’activait à élargir le soutien populaire du mouvement. Jusqu’à son arrestation en mars 2012 dans un bus. Six mois de prison plus tard, elle se réfugie en Turquie d’où elle poursuit depuis mai 2013 son combat. Un combat politique au sein de la Coalition nationale syrienne (CNS) dont elle est vice-présidente. Cet organe de l’opposition est reconnu par de nombreux pays comme seul représentant légitime du peuple syrien. Noura al-Ameer est responsable du dossier des droits de l’homme et de la coordination avec les organisations internationales. «Je continuerai de lutter aussi longtemps que la Syrie sera gouvernée par un dictateur criminel ou un Etat de non-droit.»
Genève 2, les conférences de paix ?!
Genève 2, les conférences de paix…
Genève 2, les conférences de paix ?!
Mais parlons-en de Genève 2 puisqu’on y est !
Genève 2, c’est la plus grande farce de notre époque
C’est les puissants qui font du troc
De la vie des Syriens…
C’est les puissants qui font du troc,
Puisque c’est par la menace, par le chantage,
Qu’ils ont convaincu l’opposition
De se rendre à ce dîner de cons
Alors même qu’ils annonçaient que
S’ils ne venaient pas
C’est sur l’aide humanitaire qu’ils devraient faire une croix…
Quand la vie humaine n’est plus qu’un argument
Je me pose des questions sur la légitimité
De ces gens
A parler
D’une solution politique pour la Syrie…
Je me pose des questions sur la légitimité
De ces gens
A parler
D’un nouveau gouvernement
Alors même qu’ils suggèrent de laisser la possibilité
A Assad de se représenter Aux prochaines élections…
Dîner de cons, disais-je…
Tueur en série, tueur en Syrie
C’est du pareil au même
C’est au TPI qu’ils appartiennent
Et non pas à la tête d’un pays
Quand l’opposition se voit contrainte de venir
Alors qu’aucune des conditions posées n’a été remplie
Juste pour ne pas laisser dire des âneries
Alors que les gens meurent de faim à Homs assiégée,
Au camp Al Yarmouk, à Muaaddamiya, et j’en oublie
Quand l’opposition se voit contrainte de venir
Alors que des enfants sont toujours enfermés, torturés, violés
Alors que les prisonniers d’opinions n’ont pas été relâchés
Alors qu’Alep se fait bombarder quotidiennement, et que l’armée
Y va avec des barryls de TNT
Parce qu’à quoi bon s’appliquer ?
Ils ne valent même pas de vraies bombes, ces gens-là…
Si l’opposition doit venir plaider sa cause tant bien que mal
Rappeler les raisons du soulèvement, rappeler que
La révolution était d’abord pacifique, et que
La population ne voulait tout d’abord que des réformes, et que
La réponse a été bombardement sur bombardement, et alle sur balle
Rappeler que
L’armement était non seulement nécessaire mais légitime…
Si l’opposition doit se défendre alors que le régime
N’a de limite que les armes chimiques
Et n’a pas à se justifier pour les bombardements, les tortures, la destruction
Le meurtre de la population…
Alors je ne sais plus que penser.
Je ne comprends pas pourquoi
La délégation du régime a encore de la légitimité
Ni pourquoi On tient encore à les écouter…
Ils se cacheront derrière des allégations
Ils diront que
C’est eux qui combattent le terrorisme en Syrie
Mais quel terrorisme ?
Celui qui est apparu après qu’Assad
A libéré les criminels ?
Celui qui est apparu alors qu’Assad
Créait assez d’instabilité dans le pays
Pour que tout un chacun puisse y entrer sans souci
Et se battre pour une cause
Qui diffère de celle
Pour laquelle
La population s’est soulevée…
Assad, Al Qaïda, c’est du pareil au même
C’est l’appât du pouvoir qui les traîne
Et le peuple n’a pas son mot à dire…
Genève 2, c’est du temps de gagné
Pour qu’un instant on puisse arrêter de compter
Les morts sur le terrains…
Ici, un mort de plus, un mort de moins…
Genève 2, c’est tout sauf le choix des Syriens.
Poème de Julie