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Les Syriens Patriotes et Révolutionnaires disent « Non à Sotchi »

Chronique de la Syrie

Suite à l’annonce par la Russie de la tenue de la conférence de Sotchi pour le dialogue national syrien, le 30 janvier 2018, une conférence sans frontières a été organisée le 20 janvier rassemblant des Syriens de l’intérieur ou en exil pour unifier leur position concernant Sotchi. Cette conférence a eu lieu simultanément dans 32 villes à travers le monde, dont 11 localités en Syrie, avec son centre à Paris. Une diffusion centralisée simultanée a été effectuée sur Facebook. Le but de cette conférence sans frontières était d’envoyer un message clair « Les Syriens disent Non à Sotchi! » au comité de négociation, aux Russes et à la communauté internationale. FSD publie ci-après le communiqué final de cette conférence.

Voici quelques photos de cette conférence sans frontières (source: page Facebook de la SNRC):

Plus de détails de la conférence, en particulier pour la partie qui a eu lieu à Paris, se trouvent dans l’article ici.

 

Communiqué final du Forum des Syriens Patriotes et Révolutionnaires

Alors que le peuple syrien a tout sacrifié depuis sept ans, pour obtenir son droit légitime à la liberté, la dignité et la justice, la Russie, l’une des causes de notre malheur, organise une conférence à la fin du mois de janvier 2018 dans la ville balnéaire de Sotchi, pour un soidisant « dialogue national syrien ». Le véritable objectif de cette conférence est de réhabiliter le régime d’al-Assad. Quelques réformes constitutionnelles sans consistance seront offertes à un régime qui n’a jamais respecté aucune constitution. Sur cette base, des élections seront organisées qui permettront à Bachar al-Assad de se représenter pour un nouveau mandat au lieu d’être traduit devant une cour de justice internationale pour répondre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dont il est responsable.

Ces crimes sont documentés par l’ONU et des organisations internationales des Droits de l’Homme, en particulier concernant l’utilisation de l’arme chimique. La conférence de Sotchi cherchera à confisquer le dossier syrien, jusqu’à présent sous la supervision de l’ONU, pour le mettre aux mains de l’alliance irano-russe. Ses promoteurs comptent ainsi contourner la résolution 2254 du Conseil de Sécurité. Cette dernière avait été votée suivant les dispositions du Communiqué de Genève du 30 juin 2012 qui prévoit une transition politique dirigée par un organe de consensus disposant des pleins pouvoirs.

L’opposition syrienne doit faire face à des défis et dangers qui menacent l’avenir de la Syrie occupée par des pays étrangers et spoliée par des milices dont les objectifs extrémistes et terroristes sont en totale contradiction avec les raisons pour lesquelles le peuple syrien s’est soulevé. Confronté à cette situation, quand les forces de l’opposition syrienne se trouvent affaiblies et dépendantes d’intérêts étrangers, il devient impératif de revenir aux fondamentaux de la Révolution et à ses valeurs.

Les participants de la rencontre se sont donc mis d’accord sur les points suivants :

D’abord, ils déclarent leur opposition à la conférence de Sotchi et à tout ce qui en découlera. Ils affirment que ceux qui y participent ne représentent ni le peuple syrien ni les institutions de la Révolution Syrienne. Dès maintenant, les représentants de cette dernière annoncent qu’ils vont former un front révolutionnaire national contre ladite conférence, ou toute autre la suivant avec l’intention de réhabiliter le régime d’Assad, de le soustraire aux résolutions onusiennes et de légitimer la présence de forces d’occupation sur le sol syrien. Par conséquent, le 20 janvier 2018, les Syriens qui se sont mobilisés contre la conférence de Sotchi ont déclaré retirer le privilège de représenter la Révolution à toute personne ou organisation prenant part à cette conférence. Enfin, ils décrètent :

Soutenir la poursuite de leur combat pour un changement réclamé par les Syriens et basé sur les fondements de la Révolution. Ces fondements sont la fin de la tyrannie d’Assad, l’édification de l’État de droit, l’instauration de l’égalité des citoyens et la mise sur pied d’un système politique démocratique et pluraliste, d’autant plus nécessaires que l’esprit de la Révolution a subi de graves atteintes.

Appeler à la tenue d’une conférence des forces révolutionnaires. Celle-ci sera suivie d’une table ronde, sous l’égide de l’ONU, pour entamer un dialogue national avec toutes les organisations syriennes qui acceptent de s’engager dans ce processus.

Créer un Comité de suivi et des relations extérieures chargé de communiquer avec les institutions concernées de la communauté internationale au sujet du déficit de représentativité des groupes, personnes et autorités présents à la conférence de Sotchi. De la nécessité, finalement, pour la stabilité de la Syrie, de la région et du reste du monde, de donner la priorité aux aspirations et souhaits du peuple syrien sur les intérêts étrangers conflictuels qui se manifestent.

Soutenir un processus juridique visant à mettre en place une justice de transition présentant des garanties de légalité et d’équitabilité pour punir tous les crimes commis contre le peuple syrien.

Exiger de la communauté internationale la mise en œuvre de moyens efficaces pour mettre un terme aux attaques délibérées contre les civils, pour lever le siège des zones assiégées, pour ouvrir des couloirs humanitaires et pour faire parvenir les aides nécessaires. Enfin, pour obtenir la libération des détenus du régime d’Assad et enquêter sur le sort des disparus, ce conformément aux résolutions de l’ONU.

Exiger de la communauté internationale qu’elle fasse pression sur les Etats concernés pour obtenir le retrait des troupes et forces étrangères. Pour, qu’en outre, la responsabilité des Etats soit clairement reconnue pour les crimes, cas de torture et actions génocidaires dont les troupes envoyées par eux en Syrie se sont rendues coupables. Enfin, pour que le principe des réparations financières soit institué et confirmé.

Non à l’ouverture par la Suisse d’un bureau humanitaire à Damas!

Depuis le début de la révolution syrienne le régime Assad a choisi d’utiliser la répression barbare, les arrestations massives, la torture, le tir à balles réelles sur les manifestants pacifiques, la persécution des manifestants blessés et des médecins qui les soignaient, la punition collective des régions de protestation, etc. En réponse à cette répression, la Suisse, pays défenseur des droits humains, fût parmi les premiers pays démocratiques à avoir rappelé son ambassadeur à Damas en 2011 avant de fermer sa représentation au printemps 2012. Elle se trouve aujourd’hui parmi les premiers pays qui font un pas vers la normalisation des relations avec le régime dictatorial sanguinaire et responsable de crimes  de guerre épouvantables et de crimes contre l’humanité. Ce pas c’est l’ouverture d’un bureau d’aide humanitaire de la Suisse à Damas même.

FSD et la communauté syrienne de Suisse a alors réagi en adressant une lettre ouverte, reproduite ci-après, au Conseiller fédéral Ignazio Cassis, chef du DFAE, pour exprimer sa grande déception.

Les cartons de l’aide humanitaire ciblés par l’aviation du régime le 15.11.2017, peu de temps après leur entrée à Douma assiégée. Photo de la page FB d’un résident de Douma. Voir aussi à ce sujet l’article du Point.

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Monsieur le Conseiller fédéral,

Par un communiqué de presse du DFAE du 21.12.2017 nous avons appris à notre grande déception que la Suisse a ouvert un bureau d’aide humanitaire à Damas même. Cette démarche ne peut que réjouir Assad, le boucher de Damas, qui se voit aujourd’hui en voie de réhabilitation auprès de la communauté internationale ; cependant, elle ne contribuera en rien à l’amélioration de l’efficacité de l’aide humanitaire suisse en Syrie.

En effet, chacun sait que depuis 2011 le CICR n’a jamais obtenu d’accès aux détenus en Syrie, sauf pour des visites toilettées à son intention. En outre, la plupart de l’aide humanitaire internationale est allée dans les poches du régime, directement ou après revente sur les marchés locaux, ceci malgré la présence sur place des organisations de l’ONU, et cet état de fait va en empirant.

Vouloir composer aujourd’hui avec le régime syrien répond à une logique à court terme sans intérêt pour l’aide humanitaire, pour la paix, pour le Moyen-Orient, pour la Suisse, pour le Monde, et insultante pour la justice. Accessoirement, c’est aussi le plus sûr moyen de contribuer à la pérennisation du terrorisme. Le régime syrien est un régime mafieux, Assad est un promoteur du terrorisme, on ne peut tendre la main à ce genre de régime sans renier ses propres valeurs et devenir, en quelque sorte, complice des crimes qu’il continue à perpétrer contre sa population.

Le régime syrien est aujourd’hui un régime fantoche. Dès fin 2012, à l’agonie, il a dû faire appel à l’aide de la Russie et de l’Iran pour se maintenir en place contre une révolution populaire sans extrémisme. Il n’est aujourd’hui que le pantin sans légitimité de ses deux parrains, devenus depuis des envahisseurs. Moins de 15% du peuple syrien lui accorde encore une quelconque légitimité, en majorité par crainte ou par intérêt, moins de 10% si l’on inclut la diaspora[1].

La Russie ment en prétendant s’attaquer au terrorisme, elle ne vise qu’à étouffer la révolution populaire, en ciblant les civils[2] dans les régions de protestation, qui constituent la vraie alternative à Assad, avec des noyaux de démocratie instaurés dans ces régions dès leur indépendance du régime. Le plus grand mensonge russe concerne aujourd’hui la formation de zones de désescalade, toutes bombardées à tour de rôle. Actuellement c’est la Ghouta de Damas et Idleb qui sont sous les bombes du garant russe, provoquant de nouveaux déplacements forcés des populations.

Si la Suisse souhaite vraiment apporter son aide pour soulager la population civile, elle serait certainement plus utile en oeuvrant pour une réelle solution politique qui permette aux Syriens d’avoir une vraie transition politique, sans le régime Assad, pour construire leur futur Etat démocratique basé sur le principe de la citoyenneté pour tous. Aucune autre solution ne mettra fin à la violence, aucune autre solution ne permettra au peuple syrien de vivre dignement en Syrie. Ceci ne sera possible que si les pays occidentaux, y compris la Suisse, font passer les droits humains de la population syrienne devant leurs intérêts à court terme et font pression sur la Russie et de l’Iran pour obtenir le départ du régime syrien et des élections libres.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations les meilleures.

[1] Avant la révolution, la diaspora syrienne comptait déjà au moins 18 millions de personnes alors que la population à l’intérieur de la Syrie comptait 23 millions ; ceci est un indicateur fort du disfonctionnement du pays.

[2] En 2017 seulement, 900 institutions civiles ont été ciblées, en majorité par l’aviation russo-assadienne http://aa.com.tr/en/middle-east/syria-nearly-900-civil-facilities-targeted-in-2017/1025533