Rassemblement pour la liberté des détenu.es

Le régime Assad, en même temps qu’il écrase dès 2011 des manifestations non violentes, s’emploie depuis avec méthode à instaurer au sein de la population syrienne un sentiment de terreur pour interdire toute forme de protestation. Outre les assassinats massifs, les « disparitions » constituent tout autant un élément central de sa politique répressive, plongeant les proches des victimes dans la douleur et l’incertitude.

Des dizaines de milliers de personnes persécutées languissent dans des centres de détention et il n’existe encore aucun mécanisme fiable permettant aux familles d’apprendre ce qui est arrivé à leurs proches ni de connaître où ils se trouvent.

Pourtant, l’Assemblée générale de l’ONU a créé le 29 juin 2023 une «institution indépendante» pour «clarifier» le sort des milliers de personnes disparues en Syrie depuis plus de 12 ans.

Tableau de l’artiste syrien Hassan Abu-Shaker

Dans le cadre de cette semaine des détenu.es organisée par l’Union des Coordinations de Syriens à Travers le Monde, le collectif des Femmes Syriennes pour la Démocratie organise un rassemblement 

le samedi 20 janvier 2024 de 15h00 à 16h00

à Genève devant le Palais Wilson (Haut Commissariat pour les Droits Humains), côté lac.

Nous demandons que la lumière soit faite sur le sort des disparu.es et des détenu.es et nous exigeons leur libération!

Venez nombreux vous joindre à nous pour qu’enfin leur voix soit entendue!

Apportez avec vous, si possible, des photos de détenu.es et disparu.es en Syrie et les drapeaux de la révolution.

Avec le soutien de l’Union des Coordinations de Syriens à Travers le Monde, alencontre.org

L’étreinte d’une mère protège-t-elle d’un missile?! (3/3)

Journal écrit sous les bombardements à Gaza

Par Issam Hajjaj, publié en arabe, en partie, sur le site Daraj le 19.10.2023

Issam Hajja nous envoie son journal écrit pendant le génocide(1) qui se déroule à Gaza depuis le 7 octobre 2023, traduit par FSD. 

(1) Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau des Droits de l’Homme à New-York.

Manifestation de solidarité avec Gaza devant le palais fédéral le 04.11.2023

Lundi, le 23.10.2023

Il est deux heures après minuit. Je suis secoué d’éveils répétés par bruit des obus qui m’entourent, malgré une somnolence mortelle. Mon cœur souffre de notre condition. Peut-être que la mort sera facile. Peut-être avons-nous perdu la dignité de la mort, ou nous nous y sommes habitués.

Mon cœur ne m’a jamais fait autant mal qu’aujourd’hui et je ne savais pas qu’il existe une douleur pire que celle de perdre quelqu’un.

L’image de Kenzi, quatre ans, ne m’a jamais quitté, l’innocence de son rire et son visage blanc. Kenzi s’est fait voler la main droite par l’occupant, elle a été complètement sectionnée. Son crâne a été brisé, son bassin a été brisé, et nous avons tous été brisés par cela.

Nos destinées sont écrites, ô Dieu, et il n’y a aucune objection à votre sagesse, mais Kenzi méritait-elle cela ?

À 21 heures, Kenzi subissait une opération au bassin et nous ne savons pas quel en a été le résultat. Peut-être que Kenzi a besoin d’une voix pour parler à sa place lorsque ses amis l’appellent pour jouer afin qu’elle puisse dire : « L’occupant m’a volé mes pieds  » Peut-être qu’elle a besoin de quelqu’un pour porter ses pensées innocentes. Lorsque le crâne de Kenzi a été fracturé, nous avons trouvé une photo d’une balançoire sur le sol. Des enfants y jouaient, mais elle n’en faisait pas partie.

Je vis avec l’idée de la mort depuis des jours. J’ai l’impression d’être enfoncé dans la boue. Je nous sens comme dans un gros mensonge auquel je n’arrive pas à croire. J’ai déjà dit que je n’avais pas peur de la mort, mais j’ai peur de me sentir vivant.

Si le monde m’écoutait une minute, ma question serait : pourquoi devons-nous mourir d’une manière si atroce ?

Aujourd’hui, je me sens different des dix-nuits et jours passés. Je suis désemparé, j’ai l’impression que des obus me rongent le cœur. J’ai été très dur avec moi-même tous ces jours, vide de sentiment et j’ai réagi à la douleur des autres en pleurant quelquefois seulement.

Tout ce que je voulais dans ma vie, c’était un peu de sécurité et la réalisation du rêve de ma mère : une maison en rez-de-chaussée avec une cheminée en pierre émergeant du toit de la maison.

Je ne sais pas ce qui nous arrive. Je vis une tragédie avec moi-même.

Mercredi, le 25.10.2023

L’hiver approche. Mes amis et moi avions l’habitude de comparer les rues de la ville de Gaza aux rues de Paris, en nous moquant des mauvaises infrastructures de la ville. En hiver, les quartiers résidentiels sont inondés, l’eau pénètre dans les maisons et parfois les gens doivent se déplacer d’un endroit à l’autre sur des planches. Les canalisations d’égouts sont alors inondées et une odeur nauséabonde commence à se répandre dans toute la zone.

Ceux qui aiment l’hiver l’attendent, tout comme les amoureux qui espèrent vivre un moment unique de leurs sentiments sous la pluie. Parfois, ils arrivent à vivre cette expérience, mais elle est très éphémère, car ils volent leur amour à leurs pères. Ici on ne reconnaît les amants que par le mariage : eux ils volent des baisers et des câlins dans les rues étroites ou dans les cages d’escaliers.

Cette fois, ils correspondent via des messages téléphoniques sous les bombardements israéliens, sans embrassades. Ils font la queue pendant des heures pour de l’eau potable ou devant les boulangeries pour avoir du pain. Il fera très froid, des maisons complètement détruites, des maisons avec des toits et des murs troués, et sans câlins pour atténuer le froid.

De nombreuses familles installent des tentes dans la partie sud de la bande de Gaza.

J’ai appris que les rues de Paris sont pleines de rats et de punaises de lit et que les rues de Gaza seraient plus belles sans ce que fait l’occupation.

De l’endroit surplombant la majesté de Dieu dans le ciel aux dévastations causées par l’occupant, le temps est couvert depuis l’après-midi et la pluie approche, une scène qu’attendent beaucoup d’amoureux de l’hiver et ceux qui ne supportent pas l’été. Cette phrase me manque sur les réseaux sociaux à cause de la température du temps : « Heureux, amoureux de l’été » malgré la contradiction dans le discours. Par exemple, si les amoureux de l’été arrêtaient d’aimer l’été, l’été cesserait-il d’arriver ? Les sons qui détruisent le ciel et la terre de Dieu sont énormes. Je me sens très fatigué à cause du manque de sommeil. Mes oreilles sifflent et ma tête bourdonne.

De cette fenêtre on peut voir, là où la fumée monte, il y a une maison à trois étages qui a été bombardée il y a une semaine, il y avait 8 personnes dedans, et personne n’est venu les en sortir. Aujourd’hui, la Défense Civile est venue et a sortis 4 d’entre eux tombés en martyrs, et 4 y sont restés, car la Défense Civile a fui les lieux, parce que l’occupation continue de bombarder et qu’ils n’ont que le choix de fuir ou mourir.

De la cage d’escalier à l’horizon lointain où la miséricorde de Dieu est plus grande que la miséricorde des humains, je me sens faible. Il semble que la grippe m’aie frappé. Comme d’habitude, je n’aime pas utiliser de médicaments pour m’aider à me remettre. La maladie arrive et puis s’en va comme elle est venue. Je me rétablis tout seul sans intervention car je connais ma capacité à guérir et je n’ai pas confiance dans la fabrication des médicaments. Pour préserver votre santé, vous ne devez pas faire entrer des corps étrangers que vous ne connaissez pas. Pour vous protéger des abandons, vous devez vous entourer de terres saines. J’ai la gorge sèche. Le citronnier derrière la maison m’a offert un fruit pour me faire passer mon impression de gris. 

J’ai l’impression d’être en couple avec une fille qui ne sait pas ce qu’elle veut. Parfois elle veut que nous soyons amis et d’autres fois, elle veut que nous soyons amants, même si nous restons longtemps bloqués et que les trous dans nos cœurs continuent de nous brûler. Au seizième jour de l’agression contre Gaza je me sens en zone grise, je ne suis ni en lieu sûr, ni mort.

Vendredi, le 27.10.2023 :

Vendredi, à 18h15, la séance de palabres chez ma tante s’est transformée en fosse commune. L’occupant israélien a bombardé la maison au-dessus de nos têtes sans avertissement.

Je parlais à mon oncle Adham de Berlin au moment de l’attaque de la maison. Un moment j’étais assis sur une chaise sur le toit de la maison avec ma famille. Un moment plus tard je me suis retrouvé sous les décombres. Je ne sais pas quand nous avons été fauchés. J’ai perdu connaissance pendant quelques secondes, puis j’ai ouvert les yeux. J’avais l’impression d’avoir été enterré vivant parmi des tonnes de fumée dans ma bouche. Le nuage de fumée que je voyais quand les maisons se faisaient bombarder, je m’y trouvais.

J’ai commencé à chercher qui était avec moi au moment de l’attaque : ma sœur, ma cousine, mon cousin, je les ai trouvés et j’ai appelé  mon amie Rif en Jordanie et mon oncle pour que le monde soit au courant de cette attaque barbare. Je suis descendu l’escalier dix minutes plus tard dans un nuage de fumée après que mon frère ait appelé du rez-de-chaussée pour nous m’informer que la voie était libre. Nous sommes descendus au rez-de-chaussée et avons vérifié la présence de tous dans la maison. Tout le monde a dit oui sauf mon père. Nous avons commencé à appeler et à creuser partout jusqu’à ce qu’il entende notre voix. Nous avons commencé à transporter des débris avec nos mains et nos corps brisés pour le faire sortir, les voisins sont accourus nous faire sortir de la maison car il était probable que nous allions être bombardés à nouveau, comme c’est leur habitude sur toutes les maisons. On s’en fichait et nous avons passé une heure à creuser et déblayer les décombres à mains nues jusqu’à le faire sortir. Tout le monde a pris la décision en un instant : on ne sortira pas sans lui car on le sait très bien les secouristes ont peur de la nuit et les ambulances ne fonctionnent pas, et personne ne viendra à lui avant quelques jours en raison du grand nombre de victimes chaque jour.

Nous avons amenés les femmes chez le voisin. Nous avons porté mon père sur la civière et l’avons emmené directement aux urgences de l’hôpital Al-Shifa. À l’hôpital, ils ont prodigué les premiers soins pour une fracture au pied droit et à la main gauche.

Mon père est resté plus de trois heures après que nous l’ayons sorti des décombres sur le sol de l’hôpital sans rien sous son corps pour alléger sa douleur. J’en suis devenu fou et j’ai pris ce que je pouvais prendre autour de moi, parfois par la force et parfois en douceur, pour le soulager. Après plus de cinq heures, nous avons obtenu un matelas pour alléger sa douleur. Au bout d’une heure, il a reçu des points de sutures sans anesthésie à cause du manque de matériel médical et parce que l’anesthésie est réservée à des cas plus sévères que le sien.

L’hôpital Al-Shifa est plein de monde partout, dans les rues, dans les ruelles arrières. Beaucoup ont fui pour se réfugier à l’hôpital, beaucoup de blessés, beaucoup de morts sont au milieu d’une tente dans la cour de l’hôpital. On sent leur odeur à chaque seconde. A l’intérieur de la tente il y a un plateau, un plateau de morceaux de corps, des morceaux de corps d’enfants de Gaza dans un grand plateau.

Le lendemain, ils ont transféré mon père à l’hôpital européen pour lui faire opérer le pied et la main. Après le deuxième diagnostic, nous avons appris que son œil gauche présentait une hémorragie interne, une déchirure de l’iris et une luxation du cristallin. Trois jours sans diagnostic clair de son état, et le lendemain l’opération doit avoir lieu. La main peut avoir un problème nerveux. Le pied aura une plaque. Le fémur aussi théoriquement.

Je m’appelle Issam Hani Hajjaj de Gaza. J’ai quitté ma maison à al-Shujaiya avec ma famille avant qu’elle ne soit bombardée, pour me rendre chez ma tante dans le quartier de al-Zaytoun, et la maison de ma tante a été bombardée sur nous. Je m’appelle Issam de Gaza. J’ai été blessé à la tête et à l’épaule droite. Je n’ai pas encore été examiné car je suis capable de bouger et parce qu’il y a des gens qui sont blessés plus sévèrement que moi. Mon frère s’appelle Ahmed. Son dos a été brûlé. Le nom de ma sœur est Shaima. Elle a miraculeusement échappé à la mort et s’est blessée au pied. Le nom de mon cousin est Ahmed. Il a 8 ans et sa tête a été blessée. Ma tante m’a dit toute une nuit : « Appelle cette histoire le cimetière de la vie, Issam » et ensuite nous avons miraculeusement survécu à ce cimetière … Nous sommes revenus à la maison le lendemain matin et nous l’avons vue, la maison, alors nous avons compris que nous étions des miraculés en sursis grâce à Dieu.

Dimanche, le 29.10.2023 :

Un jour après que la maison ait été bombardée sur nos têtes, j’ai pensé que j’allais écrire sur ce qui s’était passé, puis je me suis dit que rien ne décrirait ce qui nous était arrivé et que mon sentiment de trahison serait écrasant, d’avoir trahi toute la peur, les cris et la mort, en les réduisant à quelques mots. Ce serait trahir ces sentiments.

Il fallait bien que l’un de nous tienne le coup et ne pleure pas. Je sais que pleurer est une miséricorde, mais il n’y a pas le choix. La vie vous impose parfois ce que vous ne pouvez pas supporter. Tout le monde a pleuré et quand mon tour est venu, j’ai retenu mes larmes comme si j’étais mon propre geôlier.

Le troisième jour après le bombardement, j’aurais aimé pleurer comme tout le monde, j’aurais aimé tout trahir et verser mes larmes. Tous mes sentiments piégés, coincés dans ma poitrine. Les cris de mes frères et de mes sœurs. Le regard de ma sœur quand elle a dit à l’ambulancier que mon père était sous les décombres, qu’il vienne et qu’il le sorte. Les pleurs et les cris de ma mère pour mon père. Les regards hagards, le tremblement de leurs mains et tous les gestes avec lesquels nous nous sommes rassurés.

J’aurais aimé pleurer si fort à en oublier qui j’étais.

Lundi, le 30.10.2023 :

Une femme crie aux patients de l’hôpital, elle supplie qu’on lui avance la date de son opération, une pause de plaque à la main gauche.

Mon père n’a toujours pas été opéré. Trois jours après le bombardement de la maison sur nos têtes, il a besoin d’une intervention chirurgicale. L’infirmière lui a demandé de jeûner, pour préparer l’opération, il y a deux jours.

Je suis allé chez le médecin et je lui ai demandé la date de l’opération. Il m’a dit, je ne connais pas la date exacte de l’opération de ton père, ce sera peut-être dans une heure, peut-être demain. Le nombre de blessés augmente à chaque instant et nous arrêtons les opérations pour les urgences. Une autre infirmière dans le couloir plus loin a déclaré au personnel médical :  » S’il n’y a pas d’anesthésiant pour les patients, je ne travaillerai pas. Je ne veux pas torturer les gens. « 

70 cas de fractures nécessitent la pause de plaques chaque  jour, et ici chacun attend son tour. Cet endroit ressemble à une morgue qui ferait la course pour avaler le plus grand nombre de tonnes de chair.

Les infirmières et les médecins sont devenus distants. La froideur des réponses aux questions des patients est douloureuse. Le peuple palestinien vit un état dénué d’âme, un état de grisaille. Vous voulez pleurer mais vous ne le pouvez pas, et en même temps, vous ne pouvez pas vous effondrer.

Depuis trois jours je n’ai pas mangé de pain, jusqu’à aujourd’hui. L’hôpital ici est loin du centre de Khan Yunis et les patients ont besoin d’une alimentation saine. Il y a quelques jours, l’armée a menacé de bombarder un restaurant au centre de Khan Yunis parce qu’il donne de la nourriture aux gens gratuitement.

Mon père dit qu’il ne veux prendre la place de personne. Si l’opération a lieu aujourd’hui, il continuera son jeûne. Si c’est demain, il rompra son jeûne avec des biscuits en attendant.

Encore une fois, j’ai l’impression de trahir tous ces sentiments en écrivant sur ce sujet car c’est plus fort que d’écrire, il suffit de crier.

L’étreinte d’une mère protège-t-elle d’un missile?! (2/3)

Journal écrit sous les bombardements à Gaza

Par Issam Hajjaj, publié en arabe, en partie, sur le site Daraj le 19.10.2023

Issam Hajja nous envoie son journal écrit pendant le génocide(1) qui se déroule à Gaza depuis le 7 octobre 2023, traduit par FSD. 

(1) Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau des Droits de l’Homme à New-York.

Photo de la rue où habitait Issam et sa famille à al-Shuja’iya après leur départ pour fuir les bombardement

Partie 2/3

Lundi, le 16.10.2023

Le vortex du déplacement nous accompagne chaque jour dans un nouvel endroit, et comme le disait Amer Hlehel dans le monodrame « Taha » sur le déplacement forcé des Palestiniens en 1948 : « Nous mangeons, buvons et dormons, mais nous ne voulons pas manger, boire et dormir, nous voulons y retourner. » Taha est revenu du Liban en Palestine, même si le prix du retour était la mort.

Suite à la demande de l’armée israélienne adressée aux habitants de la bande de Gaza de se déplacer du nord vers le sud, au-delà de la vallée de Gaza, la situation s’est intensifiée hier et les gens ont quitté leurs maisons et nous aussi avons quitté la nôtre pour nous mettre à l’abri. En chemin, ils nous ont bombardés. Plus d’une centaine de personnes ont été tuées sur ce trajet, alors que les gens fuyaient la mort vers leur destin.

Nous sommes arrivés dans une maison dans le sud avec une colère dans la poitrine et un chagrin indescriptibles. Nous nous sommes assis sur des chaises en mousse. Quelques instants plus tard, j’ai dit à voix haute : « J’en suis là (et j’ai montré mon nez- signe de ras-le-bol) et je rentrerai à la maison demain ». Ma mère a dit : « En 1948, ceux qui sont restés jusqu’à ce moment n’avaient pas pris la route de l’exode, et l’objectif des Israéliens était l’intimidation. »

Le matin, nous sommes rentrés à la maison et nous essayons maintenant d’obtenir un litre d’essence pour faire fonctionner le générateur électrique, remplir les réservoirs d’eau et charger les batteries afin de pouvoir communiquer avec le monde et savoir ce qui se passe autour de nous. Le propriétaire de la station nous a dit de sang-froid : « On m’a ordonné de ne pas vendre d’essence. » Nous sommes retournés chez ma tante à al-Zaytoun. La maison de ma tante est située près de notre quartier al-Shuja’iya. Cette fois-ci, nous pourrions perdre définitivement la communication avec l’extérieur, mais nous ne quitterons pas la maison, que nous mourrions ou que nous nous en ressortirions vivants.

Mardi, le 17.10.2023

Je n’ai pas peur de la mort, et si le missile doit nous tomber dessus, qu’il soit très cruel et ne laisse rien de moi. La vie est très étroite et la peur te consume si tu la laisses vivre en toi. Elle coule dans ton sang comme un poison.

Nous ne voulons pas nous battre et nous n’aimons pas la mort ni l’odeur du sang, mais c’est ce que le monde nous a imposé. Nous laisserons derrière nous les pensées que nous confions à nos amis, ce que nous avons écrit et tous les voeux sortis de nos coeurs et restés pendants dans nos conversations.

Quiconque qui reste en vie doit bien comprendre que le monde occidental, et une grande partie du monde arabe, n’ont pas vraiment conscience de ce qui nous arrive et ne comprennent pas correctement le cours des événements.

Par conséquent, je vous appelle à œuvrer pour libérer nos esprits arabes de la pensée coloniale afin d’en enlever la poussière accumulée. Je vous appelle à comprendre l’occupation de la pensée et la façon dont elle joue avec les mots. Un seul mot avec un concept erroné peut atteindre les peuples d’une façon qui balaie nos droits.

Les pays qui se réclament de la liberté d’opinion et d’expression sont parmi les premiers à empêcher leurs peuples de soutenir Gaza et la Palestine, et ils savent très bien que leurs dirigeants sont la raison de ce qui nous arrive parce que ce sont eux qui ont implanté Israël au Moyen-Orient.

Nous avons été témoins de beaucoup de morts et il n’y a plus de place pour la peur de la mort, mais nous avons peur de nous sentir vivants.

Cet entêtement les tue, les provoque jusqu’à la folie. Comment un peuple peut-il aimer son pays jusqu’à la mort, comment peut-il donner sa vie pour dire « non » face à l’injustice ?

Depuis des jours, des pourparlers ont lieu pour une trêve humanitaire pour l’entrée de nourriture et de fournitures médicales dans la bande de Gaza, et chaque fois que la population a l’espoir d’ouvrir le passage terrestre de Rafah pour que l’aide puisse entrer, l’occupant bombarde violemment le passage et toutes les rues y menant. Il y a une pénurie de fournitures médicales et l’occupant exige également l’évacuation des hôpitaux. Tout ce qui se passe indique que l’occupant veut humilier le peuple palestinien. Où vont les hôpitaux ? Où vont les blessés et les malades ? Quel désastre nous arriverait-il si nous faisions cela ? Nous subissons déjà des attaques fascistes.

Hier, le ministère de la Santé a ouvert des fosses communes. Les morts sont enterrés sans connaître leurs noms. Leurs familles sont sous les décombres et personne ne les reconnaît car ils sont en morceaux. Nous nous rapprochons d’une catastrophe environnementale et de la propagation des maladies. La première fosse a rassemblé 75 corps et la seconde 35. Tous ceux qui sont morts étaient innocents. Nous sommes innocents. Le peuple palestinien est soumis à un génocide.

Mercredi, le 18.10.2023

Mon amie dit qu’octobre c’est le mois favorable aux Amoureux. En octobre, le temps passe d’une chaleur intense à des brises froides, et quand nous sortons pour passer la soirée entre ami-es, nous prenons un vêtement chaud avec nous pour nous protéger de la brise froide. Celui qui n’en a pas se protège par l’épaule de son ami jusqu’à son retour, pour s’abriter derrière les murs.

La nuit dernière a été très cruelle : l’armée d’occupation a fait du mois d’octobre des amoureux, le mois de la mort des amis. Hier à sept heures du soir, l’occupant a bombardé l’hôpital al-Ma’madani de la bande de Gaza, tuant plus de 500 personnes et en blessant des milliers. Parmi eux, mon ami Mohamad Qariqa qui y a trouvé la mort. Mohamad était un jeune homme grand et beau dont les peintures artistiques exprimaient la brutalité de l’occupation. Mohamad a quitté sa maison à al-Shuja’iya pour se mettre à l’abri des bombardements à l’hôpital al-Ma’madani. Il a laissé toutes ses peintures chez lui, y a laissé son âme et s’est enfui, ne sachant pas que la mort l’attendait.

L’occupant nie le massacre qu’elle a commis et affirme que c’est « Hamas » qui l’a fait, mais l’étendue des destructions dans l’hôpital montre clairement et prouve que c’est les Israéliens qui ont commis ce massacre, et personne d’autre ne pouvait le faire.

La dignité s’est tarie de la face du monde à mesure qu’ils regardaient ce qui se passait. L’arabisme et l’humanisme se sont taris du cœur des gens. Même l’existence de l’Organisation des Droits de l’Homme est devenue comme inexistante parce que les palestiniens, selon elle, ne sont pas des êtres humains.

Aujourd’hui, les jeunes tombent amoureux à Paris, à Berlin et à Barcelone. Mohamad n’était dans aucune de ces villes, mais à l’hôpital al-Ma’madani pour dire au monde : Mes peintures témoignent qu’octobre est le mois de la mort!

Jeudi, le 19.10.2023

Les poules de mon ami Munir, les poules d’ici.

Mon ami Munir a comparé les poules palestiniennes, qui savent s’adapter en toutes circonstances, à des personnes libérées des toxines de la civilisation moderne, et les poules israéliennes aux élèves des écoles et les salles de classe comme des cages dans lesquelles les élèves apprennent. Chaque matin, les poules sortent de la maison des voisins, à la recherche de leur pitance. Elles connaissent bien la maison et y reviennent quand elles sont fatiguées. J’ai pris cette photo à 12h15, alors que je volais un peu d’air et de lumière du soleil. Je n’y suis pas resté longtemps, les poules m’ont poussé à écrire vite et m’ont ainsi protégé des bombardements. Cinq minutes après avoir pris la photo, il y a eu un bombardement près de chez nous et des pierres sont tombées sur nos têtes. Nous pourrions bientôt entendre aux nouvelles de dernière minute que l’armée d’occupation cible les poules de la voisine après avoir exterminé les habitants de Gaza.

La mort se rapproche, les signes de vie disparaissent ici, l’espace de ma mémoire est maintenant plein et je suis sur le point d’oublier les visages de mes amis et les rues de la ville dans lesquelles on se promenait. On prenait la voiture, on descendait au centre ville pour voir les magasins  et suivre des yeux les passants. Maintenant tout a été détruit. Il n’y a plus de rues sur lesquelles déambuler. Les mosquées et les églises ont été détruites, bombardées par l’occupant sioniste.

A 23 heures, au lieu de sentir le parfum des fleurs plantées à la porte de la maison, on sent l’odeur des cendres et du phosphore blanc.

Il y a deux jours nous apprenions que notre maison avait été partiellement bombardée. Aujourd’hui, nous avons appris qu’elle l’avait été entièrement. Nous ne pouvons vérifier l’information, mais nous apprenons aux nouvelles que le quartier de al-Shuja’iya est devenu une ville fantôme, comme l’a décrit le journaliste.

La maison, ce balcon où je dors avec vue sur les jardins des voisins, c’est l’endroit où je veille tard avec les amis, jusqu’à l’aube. On entend les voix des voisins jusqu’à tard. Ce lieu, témoin de toutes mes cicatrices, où j’ai écrit jusqu’à ce que mes doigts me fassent mal. Les canapés turquoises que ma mère a acheté il y a un mois – ma mère a bon goût en tout. Le carrelage mural que mon père avait récemment posé. Le bruit de nos cris qui y résonnent.

Chaque fois qu’un ami entre sur mon balcon, il dit : « quelqu’un a peint le mur en noir. »

Maintenant, toute la maison est en cendre, noire.

Vendredi, le 20.10.2023

À pas lourds, ils m’emmènent à mon ancien refuge, aux recoins de mes souvenirs, et à mes retours après chaque nuit épuisante hors de la maison, lieu des problèmes familiaux et des retrouvailles qui réchauffent le coeur.

La voix lointaine de ma mère nous dit de rapporter de la farine.

Nous sommes rentrés chez nous en voiture. 300 mètres avant de l’atteindre la voiture s’est arrêtée à cause de la route défoncée. Quand j’ai vu la rue, mon visage s’est fermé et mes yeux se sont éteints. Le commentaire du journaliste à la radio selon lequel al-Shuja’iya était devenue une ville fantôme était terriblement vrai. Le choc est apparu sur nos visages et nous a envahi sans crier gare. Sur la route les maisons des voisins étaient vides, certaines d’entre elles à terre et d’autres semblaient s’être érodées avec le temps après avoir été abandonnées, mais la vérité est qu’elles ont été abandonnées par leurs propriétaires pour survivre aux bombardements.

Notre maison est devant moi maintenant. J’ai vu la partie supérieure de la maison vide, tout ce qui se trouvait au sol a été jeté dans la rue par l’explosion. Le mur de la maison était au sol. Dans la maison, il n’y avait plus ni portes ni fenêtres. Mon balcon a été détruit. Le balcon de mon père ainsi qu’une partie du toit de la maison ont été détruits. L’explosion a eu raison de tout. 

Le balcon du père de Issam

Nous avons passé 10 minutes dans la maison et aux environs. Je connais bien la politique de la terre brûlée, je savais que tout ce qui y bougeait serait bombardé et que mes chances de survie seraient de 1%, mais je voulais y aller.

Mon cousin était avec nous. Quand je l’ai regardé, j’ai vu la couleur de son visage changer à cause de la peur. Je me suis souvenu de ce moment, avant de quitter la maison de ma tante, quand elle m’a dit : « Je ne veux pas boire d’eau, pour ne pas porter la culpabilité de ce qui arrivera.» Je me suis alors souvenu que nous étions sortis chercher de l’eau potable.

J’ai appelé mon frère pour ne pas porter la culpabilité de la perte de quiconque, et nous avons quitté la zone en direction de la maison de ma tante, le visage gris.

Il est presque minuit. Le bruit des explosions ne s’est pas calmé depuis 14 jours. Mon frère et moi dormons dans la cage d’escalier. Le reste de la famille dort également à l’intérieur de la maison, près de la cage d’escalier. Nous sommes 16 dans la maison. Chacun de nous a sa propre histoire qu’il racontera un jour. Tout le monde dort sauf l’un de nous qui ne dort que quand nous nous réveillons.

Personne ne sait quand le missile tombera sur la maison. Nous ne savons pas quand la situation va s’aggraver. Nous devrons peut-être déménager une troisième fois. Une personne doit veiller pendant que nous dormons, pour nous réveiller si nous devons nous sauver.

J’avais les yeux collés par le sommeil quand un obus est tombé à proximité, il a décidé de perturber mon sommeil. Les pierres ont heurté la porte de la cage d’escalier.

Je voudrais tant dormir l’esprit tranquille sans ressentir le besoin de fuir un obus qui me poursuit partout où je vais.

Je m’appelle Issam, je viens de Gaza, je tente de dormir dans la cage d’escalier, je réclame auprès de l’organisation des droits de l’homme mon droit de dormir sans que les obus n’attaquent ma maison. Ceci n’a pas de sens.


A venir: La maison de la tante de Issam Hajjaj, où ils ont trouvé refuge, a été bombardée le 27 octobre et plusieurs parmi elleux ont été bléssé-es.

L’étreinte d’une mère protège-t-elle d’un missile?! (1/3)

Journal écrit sous les bombardements à Gaza

Par Issam Hajjaj, publié en arabe, en partie, sur le site Daraj le 19.10.2023

Issam Hajja nous envoie son journal écrit pendant le génocide(1) qui se déroule à Gaza depuis le 7 octobre 2023, traduit par FSD. 

(1) Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau des Droits de l’Homme à New-York.


Tableau de Mahmoud Salameh, artist palestinien syrien

Partie 1/3

Nous ne voulons pas nous battre et nous n’aimons pas la mort ni l’odeur du sang, mais c’est ce que le monde nous a imposé. Nous laisserons derrière nous les pensées que nous confions à nos amis, ce que nous avons écrit et tous les voeux sortis de nos coeurs et restés pendants dans nos conversations.

Je m’appelle Issam Hani HAJJAJ, originaire de Palestine. Je suis né dans le quartier de al-Shuja’iya à Gaza. J’ai 27 ans. J’ai étudié la littérature anglaise et j’écris de la poésie depuis 2014. J’ai travaillé comme formateur en écriture créative pour les enfants de la bande de Gaza. et je travaille depuis 2020 en tant que coordinateur sur le projet « Voisinage », avec l’éducateur Munir Fasheh. Le projet est un moyen éducatif alternatif pour les universités et les écoles, ces institutions qui tentent de propager, en Palestine mais aussi ailleurs, des toxines par le biais de programmes scolaires traditionnels rigides. J’ai vécu 6 guerres dans la bande de Gaza. De nombreux amis et parents ont été tués par l’occupant israélien, parce que nous défendons notre droit à la vie, qui nous a été retiré par l’occupant.

J’écris pour que le monde apprenne la légitimité de la cause palestinienne, mais aussi les crimes et les massacres que l’occupant commet depuis 75 ans. J’écris pour que le monde sache que nous sommes privés de nos droits les plus fondamentaux à la vie et à la sécurité. J’écris aussi pour dire qu’il m’est impossible de voyager et donc d’informer le monde de ma juste cause sauf à travers mes mots. J’écris pour que le monde connaisse notre véritable histoire, pour raconter que l’occupation israélienne déforme notre image devant le monde tout entier et que nous avons le droit de nous défendre.

J’écris derrière les vitres qui surplombent notre jardin tapissé de dattes qui tombent du palmier. Ce palmier a été planté il y a de nombreuses années par mon grand-père, décédé il y a deux ans à l’âge de 80 ans, plus âgé que l’occupation israélienne. J’aurais aimé dire que ma matinée ressemble au jasmin qui couvre notre maison, mais les sons des bombardements vous arrachent le moindre sentiment de douceur et jettent la frayeur dans votre cœur. Les cris des enfants courant vers les bras de leurs mères, pensant que cette étreinte les protègera des avions de l’occupant, mais si même les pierres sont détruites, que pourra contre un missile l’étreinte d’une mère ?!

J’adore écrire et en écrivant j’ai l’impression de posséder le monde. J’ai une collection de poèmes qui n’a pas encore été publiée et j’écris actuellement un livret sur le récit palestinien et sur la manière d’exporter le récit palestinien dans le monde, sans distorsion. Si je devais me définir en un mot, ce serait « le méditant ». Je réfléchis au passé afin de construire une nouvelle compréhension du présent et d’être partenaire dans la création de sens. Mon ami Mounir Fasheh et moi-même travaillons avec plusieurs groupes à travers le monde pour introduire formellement le programme « Voisinage » (en arabe: Mujawara) dans les universités et les écoles. L’Université de Birzeit a accepté le principe d’intégrer le « Mujawara » comme partie officielle de ses méthodes. De par ce programme, nous travaillons à libérer la pensée, et non à la liberté de pensée, et à apprendre à connaître les êtres que nous sommes et à nous accorder la reconnaissance, ceci grâce à la sagesse.

Je rêve que mon histoire parvienne au monde. Je suis maintenant assiégé à Gaza dans le quartier al-Zaytoun avec ma famille et celle de ma tante, après avoir tous été déplacés de notre maison à al-Shuja’iya.

Photo de Issam Hajjaj

Samedi, le 07.10.2023

Une nouvelle menaçe Gaza toute entière, suivie par le début des bombardements israéliens. Bombardements aléatoires, sans pitié ni avertissement. L’occupant israélien prétend devant le monde qu’il met en garde les civils avant de bombarder leurs maisons, et que tout ce qui est bombardé est lié à la résistance! Mais ceux qui sont morts étaient en majorité des enfants et des femmes, et ils étaient dans leurs maisons. Leur seul défaut est qu’ils sont Palestiniens! Aujourd’hui, tu seras tué devant le monde tout entier, juste parce que tu te défends.

Pendant la journée, il y a un calme relatif, mais tout peut s’embraser d’un instant à l’autre. La nuit, lorsque les lumières de la ville s’éteignent, contre notre volonté, les routes prennent feu sous les explosions et des flammes s’en élèvent. Le délai entre deux explosions n’excède pas cinq à dix minutes, et on peut imaginer le bruit de l’explosion, cent fois plus fort la nuit que le jour, tandis que des êtres déjà pétrifiés sont frappés par la mort qui tombe de partout.

Dimanche, le 08.10.2023

Ceux qui ont survécu ont survécu, ceux qui sont morts sont partis mais leur souvenir reste. Un autre jour commence avec encore plus de brutalité. L’armée israélienne envoie des messages aux Palestiniens de Gaza leur disant de se rendre dans les abris connus; elle informe le monde entier qu’elle les traite avec humanité (en leur  indiquant les abris). Mais ce que le monde ne sait pas, c’est qu’il n’y a pas d’abris à Gaza! L’absence d’abris pousse la population à se réfugier dans les écoles de l’UNRWA, qui sont également ciblées. A quatre heures de l’après-midi, l’armée ordonne aux gens de se rendre au centre de la bande de Gaza, et la nuit venue, elle commence à bombarder le centre de la bande de Gaza. La nuit, elle leur ordonne de quitter leurs maisons, puis elle bombarde de nouveau le centre de la bande de Gaza! C’est quoi cette folie ? Quelle forme de terreur l’occupant tente-t-il de semer dans les cœurs des enfants et des mères ?

Lundi, le 09.10.2023

Je sens une odeur bizarre, j’ai l’impression que mes poumons vont exploser à tout moment, j’ai des douleurs étranges dans tout mon corps, cela signifie qu’on nous a frappés avec du phosphore, interdit au niveau international! L’armée israélienne demande une nouvelle fois aux habitants de la bande de Gaza de partir pour l’Égypte et, au même moment, elle bombarde le passage terrestre de Rafah (le passage avec l’Egypte). Il n’y a ni eau, ni électricité, ni internet, tandis que le centre de la ville, où convergent les flux de la population, a été complètement détruit, et toute aide a été interrompue, et le monde reste silencieux sur ce massacre. 

D’ici, nous disons au monde entier : vous ne savez peut-être pas que c’est notre droit de nous défendre, peu importe à quel point vous essayez de déformer l’image du Palestinien dans le monde. C’est notre droit, depuis que l’occupant sioniste a commencé à nous tuer et à nous imposer des déplacement forcés, en 1948, et à nous voler nos terres. Les dirigeants du monde le savent et ils ont également leur part de responsabilité dans cette occupation. Certaines personnes savent ce qui se passe, tandis que d’autres, la plupart, sont absentes et ne connaissent pas la vérité, mais cela ne peut en aucun cas annuler notre droit à nous défendre, quoi qu’il arrive!

Mon grand-père, qui a planté des palmiers devant notre maison avant sa mort, a refusé de quitter la maison lors de chaque agression contre la bande de Gaza, et nous ne partirons pas non plus par la force.

Mercredi, le 11.10.2023

Il est dix heures du soir, mon frère et moi sommes allongés parterre, vers les escaliers de la maison, et la porte devant nous est entrouverte pour que la brise puisse entrer et que nous puissions sentir un peu nos âmes. Il est dix heures, ce qui signifie que le rythme des bombardements a commencé à s’intensifier et que les bruits sont devenus plus forts qu’ils ne le sont pendant la journée. Nous entendons également des cris au loin, peut-être la voix d’un civil dont la maison a été bombardée ou le bruit de personnes fuyant leurs maisons vers la rue ou vers une autre maison qui pourrait être bombardée plus tard.

En pensant, j’ai marmonné à voix basse : Comment le monde peut-il comprendre le sens de cette agression sans en faire l’expérience? Je me souviens de mon amie, lors de l’agression de 2014, lorsqu’une délégation étrangère est venue à Gaza. Des amis leur parlaient de la brutalité des voix que nous entendions et de l’horreur des tueries et du sang qui coule, mais ils ne pouvaient pas l’imaginer. Ensuite, mon amie a mentionné sa peur d’aller aux toilettes pendant la guerre et sa peur de voir son chat mourir sous les bombardements. A ce moment, la délégation a commencé à ressentir un peu la cruauté de l’agression, parce que la mort et la douleur ont, eux aussi, des normes.

Depuis 8 mois, j’essaie d’économiser de l’argent pour voyager et terminer mon master afin de pouvoir construire un avenir meilleur pour moi et ma famille. Durant ces mois, j’ai pu économiser à peine 500 $, et en un jour tout a basculé, et mon rêve de voyager pour étudier a quitté ma poitrine et il est passé au stade de l’agonie. Ma seule préoccupation est devenue de sortir vivant de cette agression. J’ai commencé à dépenser ces économies, et c’était comme si le rêve s’effaçait peu à peu sous mes yeux.

Ce monde est brutal, avec toutes ses lois, parce que ressentir la douleur des autres obéit à des normes particulières, qu’il faut maîtriser avant de savoir accepter que, dans cette partie du monde, il y a de l’espoir, dont nous essayons de nous armer, mais vous tuez cet espoir! Si vous voulez redéfinir la douleur à votre convenance, alors vous vous dépouillez de votre humanité et vous vous alignez sur la civilisation moderne qui essaie, toujours, de mettre l’humanité dans un moule rigide.

Jeudi 12.10.2023

Après plusieurs tentatives pour dormir et surmonter les bruits des explosions, le froid glacial vient me réveiller pour me rappeler de ne manquer aucun bombardement. Aujourd’hui, un nouveau massacre dans les tours al-Karama à Gaza a lieu. Les gens appellent les ambulances, mais la zone est toujours sous les bombes. Les informations parlent de personnes brûlées sans qu’aucun secours ne puisse les atteindre, alors que les bombardements n’ont pas cessé et que le phosphore blanc et les missiles à secousses  nous détruisent.

En ce moment, à cause du froid et de brûlures dans la poitrine, en conjonction avec le bombardement de la rue al-Rashid, je me souviens de la mer. Chaque hiver, je ressens des douleurs dans la poitrine dont je ne connais pas la cause. Je n’ai jamais su pourquoi, malgré les nombreux examens que j’ai eu. La rue al-Rashid, surplombe la mer. On l’appelle la Corniche, qui est l’unique débouché pour la population de Gaza. Elle est violemment bombardée!

Avez-vous une mer ?

Le café au bord de la mer qui est notre lieu de rencontre entre amis depuis des années, et qui est témoin de nos voix, de nos cris, de nos rires, de nos pleurs et de nos plaintes, est en train d’être bombardé! L’endroit où les amoureux se rencontrent secrètement et où l’on apprend à tenir la main de notre bien-aimée est bombardé pour la première fois!

Entre chaque mot que j’écris, j’entends le bruit d’une explosion, et pendant que j’écris, je reçois un message de mon ami Muhammad de Nuseirat, me disant que quatre maisons autour de chez moi sont menacées par les bombardements et que les habitants de tout le quartier ont été forcés au déplacement. D’un instant à l’autre, il y a la mort et le déplacement forcé. Notre ami se demande qui a transformé les écoles en abris ?

Les écoles, bien que leur objectif soit éducatif, en particulier celles de l’UNRWA vers lesquelles se déplacent les résidents, sont un autre visage de l’occupation qui contrôle les esprits et de la discrimination. Ils injectent du poison dans les programmes scolaires et empêchent les étudiants de faire preuve de quelque manière que ce soit de leur solidarité avec la cause palestinienne. L’occupation ne se limite pas au contrôle militaire, mais elle tente également d’exercer un contrôle éducatif jusqu’à ce que la race palestinienne soit éradiquée à la racine.

1974 est une année marquée par ce type d’occupation! Je suis né en 1996 et je ne suis pas tombé dans le piège de l’occupation éducative.

Vendredi le 13.10.2023

Le 10 octobre, c’était l’anniversaire de ma mère. Depuis notre déplacement forcé de notre maison située dans le quartier al-Shuja’iya, ma mère reste assise sur une chaise. Le jour de son anniversaire, elle a dit : « Si chaque mère cache son fils, qui défendra la terre ? »

Cette question me rappelle d’autres paroles d’elle. Elle avait l’habitude de nous dire: « Faites vos ablutions avant de quitter la maison. Vous ne savez pas ce qui va vous arriver. » Ma mère a confié son destin à Dieu depuis longtemps, et cela explique ma force psychologique pour faire face à ce qui arrive. La situation est catastrophique. Je ne le nie pas. La mort est partout, les cris montent dans la ville. Ce sont des faits bien  réels que j’entends et que je vois. Il y a aussi une déclaration du ministère de la Santé qui dit :  » Il y a une pénurie de sacs pour les cadavres. ». Mais ça c’est simple, les pays arabes enverront davantage de sacs!

Ma cousine essaie de briser la morosité de la mort avec un gâteau d’anniversaire tout en respectant le caractère sacré de la mort. Ce que je crains, c’est que le gâteau soit réduit en cendres parce que l’occupant assassine la vie, alors que nous aimons la vie et résistons à la mort. Mais ma mère a remplacé le gâteau d’anniversaire par son testament : « Si chaque mère cache son fils, qui défendra la terre ? ».

Nous sommes soumis à un génocide à la vue de tous, et tout ce que j’ai envie de dire, c’est que le spectre de votre culpabilité vous hantera alors que nous serons entre les mains de Dieu.

Samedi 14.10.2023

Nous sommes maintenant dans la maison de ma tante, la maison dans laquelle nous avons été déplacés pour fuir l’agression contre Gaza. À chaque instant, nous entendons les cris des femmes et des enfants dans les rues, venant de loin, comme un monstre dévorant nos âmes.

A quatre heures de l’après-midi, l’armée a appelé la famille du voisin, lui ordonnant d’évacuer la maison, et après des heures de stress, elle n’a pas bombardé. C’est un piège, une guerre psychologique : ils poussent les familles dans la rue la nuit et sèment la terreur dans leurs cœurs pour qu’elles détestent cette terre et la quittent pour toujours.

Il est maintenant huit heures du soir. Nous faisons ensemble la prière du soir. Nous entendons le bruit des enfants et des femmes qui crient dans la rue. Mon cousin a ouvert la porte de la maison et il est entré rapidement. J’ai terminé ma prière et j’ai regardé à ma gauche, il y avait là dix enfants pleurant à briser le cœur. Une fille parmi eux pleurait amèrement, et quand nous lui avons naïvement demandé pourquoi, elle a répondu qu’elle avait perdu ses chaussures dans la rue alors qu’elle fuyait la mort, elle voulait retourner les chercher. Je me suis mis à pleurer. Oh mon Dieu, comment pouvons-nous dire à une enfant que ce qui arrive est plus gros que la perte d’une  paire de chaussures et que nous ne pouvons pas sortir les chercher ? Comment lui dire que nous pouvons acheter une nouvelle paire mais que nous ne pouvons pas acheter la même ? Comment lui expliquer comment le monde nous a laissé tomber et nous laisse mourir ?

Dimanche 15.10.2023

En l’an 2002, le hasard a voulu que mon chemin croise celui de l’un des combattants assiégés dans l’église de la Nativité. Cet homme comprenait bien la situation. J’ai rarement entendu quelqu’un parler comme lui. Il comprenait  ce qui se passait autour et il était bien conscient de la lâcheté des régimes arabes. Après le siège de l’église, Israël a trouvé une solution en déplaçant tous ceux qui étaient assiégés vers des pays européens, mais Abu Ammar (Yasser Arafat) a refusé cette solution. Ils étaient nombreux, 100 personnes parmi eux ont été forcées au déplacement, les scènes étaient sanglantes, les corps des martyrs couvraient la place de l’église, pendant des jours ils mangeaient des feuilles et sont restés sans boire .

Nous avons essayé de dormir un peu pour donner à notre corps une chance de se reposer au cas où nous serions obligés de bouger à nouveau. Nous nous sommes endormis au son des obus et nous nous sommes réveillés également avec eux. Quelques instants après la prière de l’aube, le jeune homme et sa famille ont quitté la maison et la petite fille a couru dans la rue pour chercher ses chaussures perdues hier en s’en fuyant.

L’armée israélienne, à travers des bulletins d’information, demande à la population du nord de la bande de Gaza, qui compte 1,01 millions de Palestiniens, de se diriger vers le sud. Ce qui est inquiétant dans cette affaire, c’est que les Nations Unies, par SMS, ont informé leurs employés et ceux du Croissant-Rouge de quitter le nord de la bande de Gaza vers le sud. Personne ne clarifie la réalité de cette affaire. Personne ne sait si cela est juste une guerre psychologique, mais il y a un délai de 24 heures pour partir.

Les gens ont peur, ils ne veulent pas croire que ce qui se passe n’est que de l’intimidation, mais nous avons déjà vécu ce désastre, et c’est ce qui provoque la peur. En 2014, lorsque le Front Interne nous avait demandé de ne pas quitter al-Shuja’iya, nous avons vécu les massacres les plus horribles. La douleur nous a donné une leçon.

Nous vivons la farce du déplacement forçé devant le monde tout entier depuis 1948. Le monde tout entier est complice et veut se venger de nous. Pourquoi ce déni de la réaction mondiale et arabe ?

Oh mon Dieu, Muzaffar al-Nawab(1) me manque, ses mots violemment dénonciateurs me manquent, parce qu’ils satisfont quelque chose en moi ou peut-être qu’ils apaisent ma colère.

Les régimes sont corrompus, les peuples sont nus maintenant, mais ils sont capables de changer la donne, et l’histoire n’est pas si importante face à la question que Dieu te posera, qu’as-tu fait ?!

(1) Poète arabe d’Irak connu pour ses poèmes critiques envers les régimes dictatoriaux dans le monde arabe. https://en.wikipedia.org/wiki/Muthaffar_al-Nawab (note de FSD)


A venir: La maison de la tante de Issam Hajjaj, où ils ont trouvé refuge, a été bombardée le 27 octobre et plusieurs parmi elleux ont été bléssé-es.

Le Veto sur les Questions Humanitaires Doit Être Aboli

Lettre ouverte à I. Cassis, conseiller fédéral et chef du DFAE:

La Suisse, membre et co-porteplume humanitaire du dossier syrien au sein du Conseil de Sécurité, doit agir en toute urgence pour libérer la question humanitaire du chantage politique.

Dans le nord-ouest syrien lors d’une manifestation le 17.07.2023

Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Le 02.02.2023, notre collectif vous a adressé une lettre co-signée par plusieurs organisations inquiètes de la situation humanitaire dans le nord-ouest syrien ainsi que par une soixantaine de membres de la diaspora syrienne en Suisse. Dans cette lettre nous vous demandions d’oeuvrer pour que la question de l’aide humanitaire et des passages d’acheminement transfrontaliers vers la Syrie soit confiée à l’Assemblée Générale de l’ONU, loin du Conseil de Sécurité et de ses droits de veto, ceci pour donner à l’Assemblée Générale les moyens indispensables pour acheminer l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin qui y ont droit. Votre réponse du 24.03.2023 affirmait simplement le besoin d’une résolution du Conseil de Sécurité pour que ces passages transfrontaliers soient fonctionnels. 

Depuis le récent veto russe du 11 juillet, nos craintes exprimées dans notre dernière lettre concernant la continuité de l’aide humanitaire pour plus de quatre millions de civils sont devenues réalité et c’est insoutenable pour cette population prise au piège et pour tous les syrien.nes touché.es par cette catastrophe.

Pourtant les organisations des droits humains affirment que cette situation est contraire à la loi internationale humanitaire et considèrent qu’il est honteux que « la diplomatie internationale fasse passer la politique avant les intérêts humains », comme le déclare Marc Schakal, responsable des programmes de MSF au Proche et Moyen-Orient. 

Suite à ce veto, le régime syrien vient d’informer l’ONU de son intention de donner son autorisation pour que l’aide humanitaire passe par Bab al-Hawa pendant six mois! Il est évident que ce n’est qu’une ruse de plus de la part de ce régime criminel pour préparer son retour dans le monde international suite à sa réintégration récente et honteuse dans le monde arabe.

Il nous semble important de rappeler ici que la majorité de ces quatre millions de civils dans le nord-ouest syrien, qui viennent de toutes les régions de Syrie, ont déjà subi plusieurs déplacements forcés pour fuir les sièges, les famines provoquées, les bombardements, les arrestations, la torture et les disparitions forcées avant de se retrouver pris au piège dans ces camps. Iels ont été forcé.es de quitter leurs maisons, leurs villes et villages parce qu’un jour iels ont trouvé le courage d’oser le rêve d’une future Syrie démocratique qui protège ses citoyens et garantit leurs droits, quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses. Ce rêve d’un Etat de droit en Syrie leur a valu une répression sanglante de la part d’un régime tyrannique secondé par les milices shiites libanaise, irakienne et surtout iranienne, soutenues par l’aviation russe qui a détruit l’essentiel des infrastructures, tout en expérimentant une panoplie d’armes interdites. 

Il nous est très difficile de croire que le dictateur qui a affamé la population civile dans les régions assiégées par ses forces armées et ses alliés souhaite aujourd’hui aider cette même population qui avait dû fuir ces régions et qui se trouve actuellement dans le nord-ouest syrien! N’oublions pas que cette région dévastée par le séisme de février dernier a été continuellement bombardée par le régime Assad et ses alliés, même pendant les opérations de secours, entravant volontairement la recherche de survivants. Et suite à ce séïsme qui a touché aussi les territoires sous contrôle du régime Assad, ce dernier a dérobé une grande partie de l’aide destinée aux victimes!

Le camp Rukban est par ailleurs un exemple d’actualité de la cruauté du régime Assad qui l’assiège depuis 2016 et qui empêche les organisations onusiennes d’y distribuer l’aide humanitaire.

Aujourd’hui nous espérons que les organisations onusiennes ne tomberont pas dans le piège de ces manipulations russo-syriennes et nous vous adressons notre demande pour que la Suisse agisse rapidement pour empêcher que ce seul passage encore hors du contrôle d’Assad ne tombe sous l’autorité du régime comme ceux du nord et du sud de la Syrie. Nous réitérons également notre demande de sortir le dossier humanitaire du Conseil de Sécurité en le confiant à l’Assemblée Générale de l’ONU ou au Haut Commissariat des Droits de l’Homme, loin du chantage politique.

Dans le cas contraire, il nous paraît indispensable d’oeuvrer sans tarder pour une réelle réforme du Conseil de Sécurité afin d’abolir le droit de veto anti-démocratique qui donne actuellement le moyen aux Etats les plus puissants d’écraser les populations vulnérables comme la population du nord-ouest syrien.

Cette catastrophe syrienne, aggravée par le tremblement de terre de février 2023, perdure depuis plus de 12 ans dans le silence assourdissant de la communauté internationale qui prend sa complexité pour excuse! 

Il est utile de rappeler ici que de multiples procès relatifs aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis en Syrie, par le régime Assad, ont vu le jour dans plusieurs pays occidentaux. Très récemment, les Pays-Bas et le Canada ont saisi la Cour Internationale de Justice qui commence ses audiences dans les jours à venir, pour des crimes de torture et de disparition forcée commis par le régime Assad.

En un mot, ce régime qui a provoqué le déracinement de plus de la moitié de la population syrienne est un régime illégitime!

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse une action concrète et rapide pour rendre à l’aide humanitaire son humanité et pour empêcher que le droit international ne soit davantage bafoué en Syrie. Une action qui empêche la mainmise totale de ce régime criminel sur le dernier point de passage fonctionnel pour l’aide humanitaire, Bab al-Hawa, et qui mette fin aux blocages politiques de l’aide humanitaire par l’un des membres les plus puissants du Conseil de Sécurité!

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations distinguées.

FSD, 15.07.2023

Appel à l’aide des réfugié.es syriens à Arsal au Liban

Le 18 avril 2023, le Centre d’Accès pour les Droits de l’Homme (ACHR) au Liban a tiré la sonnette d’alarme pour attirer l’attention sur les déportations massives forcées récentes de 64 réfugié.es du Liban vers la Syrie. Il est à préciser que ces réfugié.es ont été transféré.es et livré.es directement aux forces du régime syrien. Dans la foulée,  plusieurs articles de presse dénoncent cette action. Récemment, Amnesty International a également appelé le Liban à stopper ces exactions qui mettent ces réfugié.es en danger d’arrestation et de torture.

Le 24 avril 2023, Campagne Populaire des Réfugié.es Syrien.nes à Arsal a diffusé un appel à l’aide, via les réseaux sociaux et la presse arabe, adressé à la communauté internationale, aux organisations de la société civile et à celles des droits humains. Dans cet appel, reproduit ci-dessous et traduit par FSD, on découvre aussi une sélection d’autres répressions dont sont victimes les Syrien.nes à Arsal, comme la fermeture de huit centres éducatifs pour enfants il y a un an et la fermeture récente de quatre centres de soins médicaux.

FSD

Lettre de nos compatriotes réfugiés syriens à Arsal adressée à la communauté internationale et aux organisations humanitaires:

Nos salutations chaleureuses à

  • Monsieur le secrétaire général des Nations Unis
  • Les gouvernements des états engagés dans l’aide aux réfugiés syriens au Liban
  • Le gouvernement des Etats Unis d’Amérique
  • Le gouvernement du Royaume-Uni
  • Le gouvernement de la France
  • Les organisations de la société civile et celles des Droits de l’Homme.

Les réfugiés syriens au Liban en général et ceux des camps de réfugiés de Arsal en particulier souffrent de très grandes pressions exercées par les autorités libanaises. Cette souffrance a empiré encore aujourd’hui depuis la démission de la mairie de la ville de Arsal, et la reprise du dossier des réfugiés syriens par le maire de Baalbek-Al-Harmel, Bachir Khader.

A Arsal il y a 100’000 réfugiés syriens dispersés dans des camps en bordure de la ville et des lotissements. Des camps de misère et de mort. Nous avons fui les barils de la mort lancés sur nous par le régime syrien, sur le Qalamun Ouest et la région de Homs, pour finalement nous retrouver au Liban où nous nous sommes construit des tentes avec des bâches en plastique et du bois et ceci malgré les prix excessifs et racistes pratiqués pour des emplacements de tentes sans accès à l’électricité ni aux rudiments de survie.

Dans la ville de Arsal qui nous accueille vivent environs 50’000 citoyen libanais. Cela fait avec les réfugiés environs 150 mille habitants. 8 centres éducatifs opéraient auprès des réfugiés. Ils ont été fermés il y a un an par le ministère de l’éducation du Liban sous des prétextes fallacieux. Aujourd’hui le maire de Baalbek-Al-Harmel a ordonné brutalement la fermeture de 4 centres médicaux. Il faut savoir que ces centres humanitaires fonctionnaient quasiment sans frais, les médecins et leurs équipes étant syriens et bénévoles.

Oui nous vivons une situation dramatique insupportable. Car en plus des conditions de vie difficiles qui menacent la vie de nombre d’entre nous avec l’arrêt de l’aide alimentaire pour beaucoup, de la part des Nations Unies, sous prétexte d’insuffisance financière, où est censé se rendre désormais un malade après la fermeture de ces 4 centres médicaux: Centre Medical de Arsal, Dispensaire Al Salam, Centre Medical Amal, Centre Medical New Arsal?

Nous demandons 

1- d’accorder protection et soin aux réfugiés syriens de Arsal suite aux menaces de déportation et de les livrer aux services du régime syrien.

2- ou de chercher un état de substitution pour une réinstallation dans un autre pays.

Avec nos remerciements

Campagne populaire des réfugiés syriens de Aras

Réfugiés Syriens: Récentes Déportations Forcées Massives du Liban

Suite aux renvois forcés massifs récents des réfugiés syriens du Liban FSD a choisi de traduire la déclaration urgente du Centre d’Accès pour les Droits de l’Homme (ACHR) à Beyrouth qui documente ces exactions.

Les enfants syriens dans les camps des réfugiés (Photo de JYZ)

Déclaration Urgente

sur les déportations massives forcées des réfugiés syriens du Liban

Centre dʼAccès pour les Droits de lʼHomme, 18.04.2023

Beyrouth, Liban

Les autorités libanaises ont expulsé 64 réfugiés syriens pendant ce mois d’avril, à la suite de rafles arbitraires menées dans différentes régions du Liban. Ces opérations ont été menées sans tenir compte du statut juridique et politique de ces réfugiés en Syrie, violant ainsi le droit international, notamment l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 14 de la Charte arabe des droits de l’homme et l’article 3 de la Convention contre la torture.

Les 10 et 11 avril 2023, l’armée libanaise a procédé à la déportation massive de 29 réfugiés syriens après avoir effectué une descente dans leurs lieux de résidence à Haret Al-Sakher – Jounieh. Ils ont été transférés vers une zone située au-delà de la frontière libano-syrienne, via le poste frontière de Masnaa. Selon l’équipe de l’ACHR, ces raids étaient arbitraires. 

L’armée libanaise a également procédé à une autre déportation massive de 35 réfugiés syriens à Wadi Khaled, dans le nord du Liban. En effet, l’armée libanaise et les services de renseignements de l’armée ont effectué une descente sur leur lieu de résidence à Al Mazra’a, dans le district de Kfardebian dans la région de Kesrouane. Ils ont ensuite été transférés à la caserne militaire de Sarba à Jounieh, puis au poste de contrôle de Shadra à Akkar avant d’être remis à la 4e division de l’armée syrienne (note du traducteur: cette division est sous la direction de Maher Assad).

Lors des raids, les réfugiés ont été soumis à des mauvais traitements dans des conditions inhumaines, alors qu’il y avait parmi eux des malades et des enfants. Certains étaient enregistrés auprès du HCR, et même si les réfugiés déportés n’avaient pas de résidence légale au Liban, ils étaient entrés légalement et régulièrement au Liban. Leur sort en Syrie reste inconnu à ce jour.

Nous craignons que ces actions récentes ne résultent du plan annoncé par le gouvernement libanais fin 2022, dans lequel il a déclaré son intention de renvoyer 15 000 réfugiés par mois en Syrie, sans révéler le contenu du plan, ni les moyens déployés par le gouvernement pour sa mise en œuvre. Ce plan a été largement condamné par les organisations de défense des droits de l’homme, dont l’ACHR, ainsi que par le HCR des Nations Unies, le 29 juillet 2022, dans une déclaration retirée par la suite, dans laquelle il appelait le gouvernement libanais à respecter les conditions d’un retour volontaire, dans la dignité et en toute sécurité.

Toutes ces opérations sont menées dans un black-out médiatique total dont nous craignons qu’il soit délibéré et lié au plan mentionné, car ces deux cas de déportation massive que l’ACHR a suivis n’ont été rapportés par aucun média, contrairement à ce qui est courant dans les agences de presse locales, à savoir de transmettre et couvrir la plupart des incidents qui se produisent au Liban.

Dans le cadre de sa publication périodique, l’ACHR poursuit la documentation des cas de réfugiés systématiquement déportés. Cependant l’ACHR continue d’informer les bureaux du HCR au Liban des cas de personnes déportées, en soulignant les dangers potentiels pour les réfugiés déportés en Syrie, sachant que l’un des rôles principaux du HCR est de traiter les déportations forcées et de s’occuper de tout ce qui pourrait constituer une menace pour les réfugiés syriens.

Malheureusement, le dossier des réfugiés syriens au Liban est plein de violations, et ce qui s’est passé à la date mentionnée ci-dessus représente une escalade dangereuse de la part du gouvernement libanais et de ses institutions de sécurité pour traiter les réfugiés syriens sur son sol avec des méthodes qui sont en contradiction flagrante avec la Charte internationale des droits de l’homme.

Tout individu a le droit de demander l’asile et la protection contre la violence et la persécution, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international, y compris le droit, en tant que réfugiés, d’accéder à la protection et à l’assistance ; leurs droits ne devraient être violés en aucune circonstance et sous aucune forme. L’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que nul ne peut être soumis à l’expulsion ou à la détention illégale, tandis que l’article 14 de la Charte arabe des droits de l’homme interdit la torture, les mauvais traitements et les traitements inhumains, y compris l’expulsion forcée. En vertu de l’article 3 de la Convention contre la torture, les États ne sont pas autorisés à soumettre quiconque à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les États sont tenus d’appliquer les mesures nécessaires pour protéger les individus contre ces formes de traitement. L’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit l’expulsion forcée de toute personne vers tout pays où elle pourrait être poursuivie et n’autorise que l’expulsion des étrangers qui résident illégalement dans le pays, mais cela suppose que l’État remplisse toutes les obligations qui lui incombent en vertu des lois et accords internationaux pertinents. L’État ne peut prendre aucune mesure lui permettant de se soustraire à ces obligations. Les pays qui souhaitent expulser des étrangers doivent vérifier qu’ils ne sont pas persécutés dans leur pays d’origine et qu’ils ne seront pas soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

Selon le ACHR, les réfugiés vivant sur le territoire libanais ne devraient donc pas être expulsés ni transférés arbitrairement vers la Syrie, car ils pourraient être exposés à des risques de torture ou de mauvais traitements, en plus de l’absence de conditions garantissant leur sécurité et une vie décente dans leur pays. De telles expulsions iraient à l’encontre de tous les accords et traités internationaux qui garantissent les droits des réfugiés. Par conséquent, il est essentiel de mettre fin à ces déportations massives et forcées et de permettre aux personnes contre lesquelles des décisions d’expulsion ont été prises de les contester par les moyens légaux appropriés.

Nous appelons également le Conseil suprême de défense du ministère de la Défense à revenir sur la décision publiée en avril 2019, qui a eu un impact significatif sur la légitimation des violations commises par les services de sécurité à l’encontre des réfugiés syriens au Liban. Par conséquent, nous appelons à nouveau les autorités libanaises à respecter pleinement les lois et accords internationaux signés. 

Nous demandons également de ne pas prendre de décision qui ne respecte pas les conditions de retour volontaire approuvées par le HCR dans sa déclaration supprimée, dans laquelle il a exprimé sa profonde préoccupation concernant les pratiques restrictives et les mesures discriminatoires à l’encontre des réfugiés au Liban. A cet égard, nous invitons le HCR à faire des efforts plus significatifs pour lutter contre les violations des droits des réfugiés syriens au Liban, y compris les arrestations arbitraires, les disparitions forcées, la torture et les déportations forcées. 

Enfin, nous appelons la communauté internationale à ne pas ignorer les violations susmentionnées qui exposent les réfugiés à des risques directs. Nous les appelons aussi à activer, dans ses mécanismes de financement, le principe de l’approche conditionnelle basée sur le respect des droits humains, en particulier en ce qui concerne les réfugiés soumis à des pressions de la part des autorités libanaises.

Traduit partiellement de la version anglaise avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Le Croissant Rouge Arabe Syrien est-il un partenaire crédible pour l’aide humanitaire en Syrie?

Une lettre ouverte a été adressée, le 6 mars 2023, par Free Bar Association et Femmes Syriennes pour la Démocratie, à Mme Mirjana Spoliaric Egger, présidente du CICR et à M. Ignazio Cassis, conseiller fédérale et chef du Département des Affaires Etrangères de la Confédération helvétique, ceci à l’occasion de l’annonce de la tenue de la conférence des donateurs en faveur des victimes du séisme en Turquie et en Syrie, organisée par le conseil de l’Union Européenne le 16 mars 2023. Dans cette lettre du 5 mars 2023, la seule demande adressée à la Suisse et au CICR est d’oeuvrer pour l’exclusion du Croissant Rouge Arabe Syrien (CRAS) à cette conférence. En effet, le CRAS est lié directement au régime Assad et ses actions sont dirigées par les services de renseignement du régime syrien qui a commis des crimes de guerre et des crimes contre lhumanité.

FSD

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Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Madame la Présidente du CICR,

Nous souhaitons, par la présente, attirer votre attention sur une lettre de l’union des avocats libres de Syrie qui a été adressée au Président du conseil européen le 3 mars 2023. Vous trouverez, ci-joint, la lettre originale en arabe ainsi que sa traduction en français. Par ailleurs, un groupe de juristes syriens et syriennes en France a également initié une action intitulée « Le Croissant Rouge Syrien, le bras d’Assad pour les violations » à l’attention du parlement français et du parlement européen, accompagnée d’une pétition. 

Ces actions mettent en garde contre toute invitation du Croissant Rouge Arabe Syrien (CRAS), impliqué directement ou indirectement dans les violations des droits humains en Syrie, à participer à cette conférence comme un acteur principal dans l’aide humanitaire aux victimes du séisme en Syrie. Une telle invitation constitue une reconnaissance d’un régime criminel (1) qui a mené une guerre de douze ans contre sa population et qui a commis des crimes atroces contre l’humanité ainsi que des crimes de guerre. Elle met aussi en danger une distribution juste et efficace de l’aide adressée aux victimes syriennes du séisme. En effet, le CRAS est une organisation qui agit sous le contrôle du régime syrien et toute distribution de l’aide humanitaire via le CRAS sera en grande partie détournée (voir le rapport récent du Réseau Syrien des Droits  de l’Homme (2), le témoignage récent d’une employée allemande du Croissant Rouge Kurde(3), The Guardian 2016(4) ).

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse et au CICR d’intervenir pour l’exclusion du CRAS de la conférence des donateurs du 16 mars 2023. 

Nous sommes parfaitement conscients que le CICR travaille étroitement avec le CRAS à l’intérieur de la Syrie comme l’exige ses principes d’action dans l’aide humanitaire. Néanmoins, il peut éviter d’enjoliver l’image d’un régime criminel en ne cautionnant pas la participation cette organisation qu’il a lui-même reconnu précédemment comme organisation sous le contrôle du régime (5).

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, Madame la Présidente du CICR, nos salutations distinguées.

Signée par le représentant en Suisse de l’Union des Avocats Libres et par une membre de Femmes Syriennes pour la Démocratie.

(1) En arabe: https://www.syria.tv/عن-الهلال-الأحمر-السوري-مشاركاً-بمؤتمر-المانحين-في-بروكسل

 Le président du CRAS profite du séisme pour appeler à la levée des sanctions économiques sur le régime Syrien:  https://twitter.com/SYRedCrescent/status/1623058576075005953?s=20

Voir aussi l’article: Le Croissant Rouge et le Régime Assad

(2) https://snhr.org/blog/2023/02/28/a-total-of-7259-syrians-including-2153-children-and-1524-women-died-due-to-the-turkey-syria-earthquake-2534-died-in-non-regime-territories-394-in-regime-territories-and-4331-in-turkey/

(3) https://twitter.com/FadiAmro11/status/1624698309670498305?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1624698309670498305%7Ctwgr%5E47bce7e2fac0527e7630c83f792ac378915e4eb4%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Forient-news.net%2Far%2Fnews_show%2F201924

(4)https://www.theguardian.com/world/2016/aug/29/un-pays-tens-of-millions-to-assad-regime-syria-aid-programme-contracts

(5)


Lettre originale en arabe de l’Union des Avocats Libres en Syrie adressée avec sa traduction en français au conseil de l’union européenne le 3 mars 2023

Traduction en français de la lettre originale en arabe

Lettre de l’Union des Avocats Libres en Syrie

Adressée au Président du conseil européen M. Tobias Billström 

Monsieur le Président du conseil de l’Union Européenne,

Nous vous adressons nos salutations de droit et de justice.

Notre union des avocats libres en Syrie vous exprime son appréciation et sa reconnaissance pour votre intérêt pour la cause du peuple syrien et pour vos efforts pour alléger les souffrances humaines des syrien.nes suite à la catastrophe dûe au séisme qui a récemment frappé le nord de la Syrie.

Nous souhaitons tout d’abord préciser que l’aide humanitaire qui a atteint les zones touchées dans le nord-ouest est encore très limitée et ne répond pas aux besoins.

Nous voudrions également attirer votre attention sur le danger que présente l’éventuelle participation du Croissant-Rouge Arabe Syrien (CRAS) en tant que représentant des Syriens à la Conférence des donateurs qui se tiendra à Bruxelles le 16 mars. Nous précisons en particulier qu’il est très dangereux d’impliquer le CRAS dans l’acheminement de toute aide destinée aux Syriens affligés par cette catastrophe. Cette organisation est affiliée au régime Assad et opère sous les directives des services de renseignement syriens. Elle est même accusée d’avoir contribué à verser le sang des Syriens, selon les rapports d’Amnesty International et Human Rights Watch.

Par conséquent, nous vous demandons d’empêcher sa participation à cette conférence et d’éviter de lui remettre toute aide humanitaire, car cette aide sera détournée pour financer les tueries et la répression que le régime terroriste continue de mener contre la population syrienne.

Nous appelons également à envoyer davantage d’aide dans les zones touchées du nord-ouest de la Syrie.

Avec notre sincère respect et appréciation.

Union des Avocats Libres en Syrie

Syrie, 02.03.2023

Quel avenir pour l’aide humanitaire à Idleb?

Une lettre ouverte a été adressée, le 2 février 2023, par plusieurs organisations syriennes ou amie du peuple syrien, à M. Ignazio Cassis, conseiller fédérale et chef du Département des Affaires Etrangères de la Confédération helvétique. C’est à l’occasion de l’entrée de la Suisse au Conseil de Sécurité que les Syrien.nes de Suisse ont pris l’initiative de rappeler à la Suisse qu’elle a un rôle important aujourd’hui pour sauver les civils dans le nord syrien d’un éventuel veto russe relatif à l’aide humanitaire, mais également pour empêcher une nouvelle attaque chimique en Syrie.

Femmes Syriennes pour la Démocratie a initié cette lettre qui a été co-signée par six organisations et des dizaines de Syrien.nes de Suisse.

Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Nous vous demandons d’oeuvrer pour que la question de l’aide humanitaire et des passages d’acheminement vers la Syrie soient confiés à l’Assemblée Générale de l’ONU, loin du Conseil de Sécurité et de ses droits de veto pour donner à l’Assemblée Générale les moyens indispensables pour acheminer l’aide humanitaire. 

Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt le début des actions de la Suisse en tant que membre élu au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Comme vous pouvez l’imaginer, les Syrien.nes concerné.es par le sort des quatre millions de personnes piégées dans le nord-ouest du pays attendaient avec anxiété l’issue de la prolongation de la résolution relative à l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via le seul passage encore ouvert de Bab el-Haoua. Nous avons donc été soulagé.es d’apprendre que la résolution 2672 a été votée à l’unanimité le 9 janvier 2023. Toutefois, comment attendre avec sérénité le prochain vote de juillet 2023? Nous craignons en effet que le dernier des quatre passages (1), octroyés en 2014, ne soit à son tour fermé et que les quatre millions de personnes piégées dans la région d’Idlib ne soient abandonné.es comme l’ont été les déplacé.es du camp Rukban (2), dans le sud du pays, suite à la fermeture du passage Ramtha en janvier 2020, sous la pression de la Russie. 

Est-il normal que la survie de ces quatre millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ne dépende que des décisions des membres les plus puissants du Conseil de Sécurité qui possèdent un droit de veto sur leurs vies?

Dans tous les conflits armés le droit international coutumier reconnait le droit de tous les civils à toute l’aide nécessaire à leur survie, pourquoi alors laisser les civils Syriens à la merci d’un veto russe qui décide de leur survie, désormais deux fois par an (3)? Cette situation est insupportable pour tou.tes les Syrien.nes concerné.es par la catastrophe humanitaire en Syrie. Nos parents sont là-bas, et nous vivons tous dans la crainte d’un veto russe qui mettrait fin à l’acheminement de l’aide humanitaire pour quatre millions de nos compatriotes.

Il nous semble important de rappeler ici que la majorité de ces personnes, qui viennent de toutes les régions de Syrie, ont déjà subi plusieurs déplacements forcés pour fuir les sièges, les famines provoquées, les bombardements, les arrestations, la torture et les disparitions forcées avant de se retrouver pris en piège dans ces camps. Iels ont été forcé.es de quitter leurs maisons, leurs villes et villages parce qu’un jour iels ont trouvé le courage d’oser le rêve d’une future Syrie démocratique qui protège ses citoyens et garantit leurs droits, quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses. Ce rêve d’un Etat de droit en Syrie leur a valu une répression sanglante d’un régime tyrannique secondé par les milices shiites libanaise, irakienne et surtout iranienne, soutenues par l’aviation russe qui a détruit l’essentiel des infrastructures. Et vous n’êtes pas sans savoir que les Syrien.nes font face aujourd’hui au COVID, mais aussi au Choléra, maladies qui se propagent d’autant plus vite qu’il y a absence de vaccins et d’eau potable.

Cette catastrophe syrienne perdure depuis plus de 11 ans dans le silence le plus assourdissant de la communauté internationale, qui prend sa complexité pour excuse! 

L’OIAC de l’ONU vient de publier son 3e rapport (4) qui rend le régime Assad responsable de l’attaque chimique de 2018 sur Douma. Dans son communiqué du 27.01.2023 (5), le Directeur général de l’OIAC, Fernando Arias dit « Le monde connaît désormais les faits – il appartient à la communauté internationale d’agir, à l’OIAC et au-delà ». La communauté internationale va-t-elle prendre les mesures nécessaires pour empêcher d’autres attaques chimiques, qui pourraient cette fois cibler la population dans le nord-ouest de la Syrie, dont beaucoup sont des survivants des attaques chimiques à Douma (2018), à Khan Cheikhoun (2017) et à al-Ghouta (2013)?

Lausanne 2018, rassemblement de solidarité avec les assiégé.es à al-Ghouta juste avant l’attaque chimique de 2018 à Douma!

Monsieur le Conseiller fédéral, dans votre discours du 12 janvier 2023 au Conseil de Sécurité à New York vous avez mentionné le passage suivant:

Notre Constitution suisse dit que « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ». L’état de droit nous protège toutes et tous, que nous soyons un Etat petit ou grand, un individu fort ou faible. 

Pourtant il est évident qu’au sein de la communauté internationale les membres les plus puissants écrasent les plus faibles, et même les populations déracinées et dans le besoin, en particulier en usant abusivement du droit de veto, directement ou comme moyen de chantage, au sein du Conseil de Sécurité!

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse une action concrète et rapide pour rendre à l’aide humanitaire son humanité et pour empêcher que le droit international ne soit davantage bafoué en Syrie. Une action qui mette fin aux blocages politiques de l’aide humanitaire par les membres les plus puissants du Conseil de Sécurité!

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations distinguées.

Femmes Syriennes pour la Démocratie, le 02.02.2023.

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(1) En 2014, le Conseil de Sécurité a autorisé l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via quatre passages dont  Bab el-Haoua et Bab el-Salam au nord, Yaroubiyé au nord-est et Ramtha au sud de la Syrie (résolution 2165). En 2020 le nombre de passages autorisés a été réduit à un seul (résolutions 2504 et 2533).

(2) Le Camp Rukban a vu le jour en 2016 pour accueillir les 70’000 déplacé.es qui fuyaient la répression, ceci suite à la décision de la Jordanie de ne plus recevoir de réfugié.es syrien.nes. Depuis 2020, ils sont livré.es à elles/eux mêmes en l’absence de toute aide humanitaire transfrontalière. Aujourd’hui il n’en reste que 8’000 qui vivent dans des conditions inhumaines dans le désert!

https://euromedmonitor.org/en/article/5048/Syria:-8,000-IDPs-in-Rukban-camp-need-urgent-humanitarian-intervention

(3) https://snhr.org/blog/2023/01/09/russias-veto-blocking-un-cross-border-relief-aid-is-unlawful-and-its-only-aim-is-to-seize-un-relief-aid/

(4) https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/2023/01/s-2125-2023%28e%29.pdf

(5) https://www.opcw.org/media-centre/news/2023/01/opcw-releases-third-report-investigation-and-identification-team

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Co-signataires:

Les organisations:

UOSSM, Union des Organisations de Soins et Secours Médicaux

Syrian Network for Human Rights 

Syrian Center for Legal Studies and Research

Revivre, association d’aide aux réfugiés syriens et aux détenus d’opinion en Syrie

Free Bar Association in Syrian Arab Republic

The Syrian Detainees Council

Les Syrien.nes de Suisse: 

La liste de 64 noms de syriens de Suisse co-signataires de cette lettre a fait partie de la présente lettre.

Pour une position unifiée du peuple syrien en révolution

Au vu de ce que la Russie, partenaire du régime d’Assad dans ses crimes a fait et continue de faire en faisant obstruction au Conseil de sécurité de l’ONU, en empêchant l’ONU de prendre des mesures concrètes pour résoudre le problème syrien par une solution juste et en inhibant son rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité mondiale en Syrie, et récemment en Ukraine, et au vu des événements récents sur la scène internationale et des changements importants qui se profilent à l’horizon et des répercussions qui en découleront, il est nécessaire de faire entendre notre voix syrienne unifiée et forte.

Nous remettons cette note politique et juridique entre les mains des Syrien.nes pour ceux et celles qui souhaitent la signer.

Elle sera adressée au Secrétaire général des Nations Unies, aux représentants des États membres au Conseil de sécurité, au plus grand nombre de représentations de l’Assemblée générale, au Haut Représentant de l’Union européenne, au Secrétaire général de la Ligue des États arabes, au Secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique et à toutes les parties concernées que nous pourrons contacter.

Manifestation à Idleb le 15.03.2022, à l’occasion du 11e anniversaire de la révolution syrienne (Photo d’Ammar Alzeer)

Déclaration pour signature:

Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, Mesdames et Messieurs  les représentants des États membres au Conseil de sécurité, Mesdames et Messieurs les représentants de l’Assemblée générale, Monsieur le Haut Représentant de l’Union européenne, Monsieur le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique, Mesdames et Messieurs,

Au lendemain de l’invasion flagrante de l’Ukraine par la Russie Poutine prouve qu’il n’a aucun respect pour le droit international. De même, ses arguments relatifs à la légitimité de son intervention en Syrie n’ont clairement aucune valeur tant il est évident qu’il est partie prenante directe au conflit.

– Au cours des onze années qui ont suivi le début de la révolution syrienne, le régime russe a utilisé seize fois son veto contre des projets de résolution liés à la question syrienne qui ont été soumis au Conseil de sécurité. Ceci a conduit à une obstruction systématique du rôle du Conseil de sécurité dans le maintien de la sécurité et de la paix internationale, mais aussi au blocage de toutes les tentatives visant à parvenir à un règlement juste de la question syrienne. Par conséquent, l’escalade et l’aggravation des souffrances du peuple syrien se poursuivent sur tous les plans: les tueries, les arrestations, la torture, les déplacements forcés et l’exode. Sans oublier l’utilisation par le régime d’Assad d’ armes interdites internationalement, en particulier des armes chimiques, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de déplacement forcé. Et  jusqu’à présent, les responsables de ces crimes restent dans l’impunité.

– Le régime russe ne s’est pas contenté de cette obstruction systématique, son intervention militaire du 30 septembre 2015 et son soutien au régime Assad sont flagrants. Sous prétexte de combattre le terrorisme, il n’a pas hésité à bombarder plusieurs régions de Syrie en ciblant systématiquement les hôpitaux, les écoles, les boulangeries, les marchés populaires et les quartiers résidentiels, attaques qui ont entraîné la mort de dizaines de milliers de civils syriens. Aujourd’hui, il utilise la même méthode et avance le prétexte d’éradiquer les nazis en Ukraine pour justifier son agression militaire. Rappelons ici que les civils syriens tout comme les civils ukrainiens sont aussi des êtres humains.

Aujourd’hui, les régimes de Poutine et d’Assad sont devenus des spécialistes de la destruction des infrastructures et des installations civiles, qui sont pour les Syriens vitaux pour la survie, dans ses limites minimales. Tous les rapports des institutions de l’ONU et des organisations internationales rapportent aujourd’hui ces crimes et ces violations flagrantes des droits de l’homme en Syrie.

– Les expériences passées au niveau mondial ont prouvé que l’apologie du fascisme et la clémence envers les fascistes et les dictateurs sont désastreuses pour les peuples et constituent une menace pour la paix et la sécurité internationale.

Il est clair que l’agression russe contre notre peuple et l’abus du droit de veto concernant la cause syrienne sont identiques à ce qui s’est produit il y a quelques jours concernant un projet de résolution du Conseil de sécurité relatif à l’agression russe contre l’Ukraine. En effet, le veto russe a entravé la justice, il a empêché la bonne mise en œuvre de la Charte des Nations Unies, il a fait obstruction à sa bonne marche et il a contribué à empêcher l’établissement des règles nécessaires à la paix et à la sécurité internationales dans ce monde.

En conséquence, nous vous demandons de :

1- Activer l’article 27, ainsi que le troisième alinéa de l’article 52 de la Charte des Nations Unies, pour exiger que le régime russe soit empêché de voter au Conseil de sécurité sur les projets de résolution liés à la question syrienne, car il est partie prenante au conflit.

2- Déférer le dossier syrien à l’Assemblée générale des Nations Unies sous le thème « Unis pour la paix » – Résolution 377 de l’ONU – pour analyser l’aggravation de la situation humanitaire en Syrie, prendre les mesures nécessaires pour un cessez-le-feu et pour mettre fin à la tragédie syrienne.

La souffrance de notre peuple a perduré et elle ne cesse de s’aggraver, entraînant un manque de moyens de subsistance.

3- Activer les articles 5 et 6 de la Charte des Nations Unies et obtenir une décision de l’Assemblée générale pour suspendre l’adhésion du régime d’Assad ou la jouissance de ses avantages, alors qu’il a été prouvé qu’il a commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, y compris le génocide, et l’utilisation d’armes chimiques.

4- Former un organe de gouvernance de transition indépendant du régime d’Assad, qui l’a rejeté dans sa forme et son contenu, et considérer cet organe comme le représentant légal temporaire de l’État syrien, ceci en application du communiqué de Genève, de la résolution 67/262 de l’Assemblée générale de l’ONU et des résolutions  2118 et 2254 émises par le Conseil de sécurité de l’ONU.

5- Emettre une résolution par l’Assemblée générale des Nations Unies visant à déférer les auteurs de crimes de guerre en Syrie à la Cour pénale internationale et à ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par le régime syrien et ses partenaires russes et iraniens en Syrie, ou bien créer un tribunal spécial pour cela.

Enfin, notre sympathie aujourd’hui avec le peuple ukrainien a un goût particulier et extrêmement amer. Les armes qui détruisent aujourd’hui leur rêve de liberté sont les mêmes armes que celles que Poutine a utilisées auparavant contre notre peuple syrien avec une brutalité inimaginable. Poutine s’est même vanté d’avoir expérimenté en Syrie 231 nouveaux types d’armes, sans se soucier d’une communauté internationale qui a détourné son regard de notre tragédie et continue à le faire.

Par conséquent, nous attendons de l’ONU qu’elle assume ses responsabilités et déclare la mise en oeuvre de véritables mesures exécutives pour mettre fin à notre tragédie et à la tragédie de notre peuple, tout comme elle le fait pour la question ukrainienne.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, Mesdames et Messieurs  les représentants des États membres au Conseil de sécurité, Mesdames et Messieurs les représentants de l’Assemblée générale, Monsieur le Haut Représentant de l’Union européenne, Monsieur le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique, Mesdames et Messieurs, l’assurance de notre plus grand respect.

Les signataires :

A ce jour, le texte a été signé par plus de 540 personnes dont des personnalités de l’opposition syrienne de toute appartenance politique et de toutes les communautés religieuses et ethniques.

FSD a traduit cette déclaration de l’arabe