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Appel à l’aide des réfugié.es syriens à Arsal au Liban

Le 18 avril 2023, le Centre d’Accès pour les Droits de l’Homme (ACHR) au Liban a tiré la sonnette d’alarme pour attirer l’attention sur les déportations massives forcées récentes de 64 réfugié.es du Liban vers la Syrie. Il est à préciser que ces réfugié.es ont été transféré.es et livré.es directement aux forces du régime syrien. Dans la foulée,  plusieurs articles de presse dénoncent cette action. Récemment, Amnesty International a également appelé le Liban à stopper ces exactions qui mettent ces réfugié.es en danger d’arrestation et de torture.

Le 24 avril 2023, Campagne Populaire des Réfugié.es Syrien.nes à Arsal a diffusé un appel à l’aide, via les réseaux sociaux et la presse arabe, adressé à la communauté internationale, aux organisations de la société civile et à celles des droits humains. Dans cet appel, reproduit ci-dessous et traduit par FSD, on découvre aussi une sélection d’autres répressions dont sont victimes les Syrien.nes à Arsal, comme la fermeture de huit centres éducatifs pour enfants il y a un an et la fermeture récente de quatre centres de soins médicaux.

FSD

Lettre de nos compatriotes réfugiés syriens à Arsal adressée à la communauté internationale et aux organisations humanitaires:

Nos salutations chaleureuses à

  • Monsieur le secrétaire général des Nations Unis
  • Les gouvernements des états engagés dans l’aide aux réfugiés syriens au Liban
  • Le gouvernement des Etats Unis d’Amérique
  • Le gouvernement du Royaume-Uni
  • Le gouvernement de la France
  • Les organisations de la société civile et celles des Droits de l’Homme.

Les réfugiés syriens au Liban en général et ceux des camps de réfugiés de Arsal en particulier souffrent de très grandes pressions exercées par les autorités libanaises. Cette souffrance a empiré encore aujourd’hui depuis la démission de la mairie de la ville de Arsal, et la reprise du dossier des réfugiés syriens par le maire de Baalbek-Al-Harmel, Bachir Khader.

A Arsal il y a 100’000 réfugiés syriens dispersés dans des camps en bordure de la ville et des lotissements. Des camps de misère et de mort. Nous avons fui les barils de la mort lancés sur nous par le régime syrien, sur le Qalamun Ouest et la région de Homs, pour finalement nous retrouver au Liban où nous nous sommes construit des tentes avec des bâches en plastique et du bois et ceci malgré les prix excessifs et racistes pratiqués pour des emplacements de tentes sans accès à l’électricité ni aux rudiments de survie.

Dans la ville de Arsal qui nous accueille vivent environs 50’000 citoyen libanais. Cela fait avec les réfugiés environs 150 mille habitants. 8 centres éducatifs opéraient auprès des réfugiés. Ils ont été fermés il y a un an par le ministère de l’éducation du Liban sous des prétextes fallacieux. Aujourd’hui le maire de Baalbek-Al-Harmel a ordonné brutalement la fermeture de 4 centres médicaux. Il faut savoir que ces centres humanitaires fonctionnaient quasiment sans frais, les médecins et leurs équipes étant syriens et bénévoles.

Oui nous vivons une situation dramatique insupportable. Car en plus des conditions de vie difficiles qui menacent la vie de nombre d’entre nous avec l’arrêt de l’aide alimentaire pour beaucoup, de la part des Nations Unies, sous prétexte d’insuffisance financière, où est censé se rendre désormais un malade après la fermeture de ces 4 centres médicaux: Centre Medical de Arsal, Dispensaire Al Salam, Centre Medical Amal, Centre Medical New Arsal?

Nous demandons 

1- d’accorder protection et soin aux réfugiés syriens de Arsal suite aux menaces de déportation et de les livrer aux services du régime syrien.

2- ou de chercher un état de substitution pour une réinstallation dans un autre pays.

Avec nos remerciements

Campagne populaire des réfugiés syriens de Aras

Le renvoi des réfugié.es syrien.nes est un crime contre l’Humanité

Dix ans après le début de la révolution syrienne, les Syrien.nes de l’intérieur poursuivent leur résistance contre le régime Assad. Depuis le début de cette année 2021, alors que la presse s’en est largement désintéressée, la Syrie revit les étapes de la révolution, à vitesse accélérée. Tout d’abord l’apparition des messages contre la réélection d’Assad qui ont envahi les murs à Sweida (au sud), ensuite les manifestations populaires, aussi bien à Idleb au nord-ouest que dans la région de Daraa au sud (sous contrôle du régime), qui scandent à nouveau les slogans de la révolution. Sans oublier la grève générale dans la région de Daraa, le jour des « élections » présidentielles, et les autres formes de résistance ailleurs en Syrie, de Damas-campagne à Alep, en passant par Homs. Les réactions répressives du régime ont été immédiates: arrestations partout en Syrie, siège de Daraa et  famine imposée, suivis par les bombardements et le déplacement forcé de la population.

Les événements à Daraa ont été médiatisés et ont suscité des prises de position verbales par plusieurs pays occidentaux (la France, l’Europe et le Canada) pour dénoncer cette répression armée tout comme le refus du régime de laisser passer l’aide humanitaire dans la région assiégée.

Malgré cette résistance qui n’a jamais cessé et malgré la faillite économique de la Syrie d’Assad, le président du CICR Peter Maurer invite la communauté internationale, lors de la conférence de Bruxelles le 30 mars 2021, à augmenter l’aide humanitaire à l’intérieur de la Syrie(via le régime). Curieusement pour P. Maurer la question de la responsabilité d’Assad dans cette catastrophe doit s’effacer devant l’urgence humanitaire. On oublie là que les camps des déplacés internes dans le nord-ouest de la Syrie tout comme dans le sud sont privés d’aide humanitaire suffisante, alors que l’aide véhiculée par le régime n’atteint que très partiellement ceux qui en ont besoin

Récemment, le haut commissaire de l’ONU pour les réfugié.es, Filippo Grandi, a fait une visite de deux jours à Damas. Il a demandé au gouvernement d’Assad d’assurer la sécurité des réfugié.es à leur retour en Syrie! Comment peut-on demander à un criminel toujours actif et à ses services de renseignements de sinistre notoriété d’assurer la sécurité de leurs victimes, qui avaient fui le pays à cause de ce même criminel et de son appareil « sécuritaire » (voir le rapport d’Amnesty International et de celui de HRW au sujet des dangers du retour des réfugiés)? D’ailleurs, une chercheuse de HRW lance une alerte contre le rapprochement visible des organisations de l’ONU avec la Syrie d’Assad.

Alors que les Syrien.nes tentent aujourd’hui encore de fuir leur pays pour trouver refuge en Europe ou ailleurs, ceci malgré les dangers de ce périple (voir le passage de la Biélorussie en Pologne), le Danemark continue de retirer les permis de séjours de certains réfugié.es syrien.nes et de les confiner dans un centre de rétention en attendant (et peut-être pour forcer) leur accord pour un renvoi vers la Syrie. Ces centres de rétention constituent une privation de la liberté de ces gens qui ont le choix entre la mort ou rester pour une période indéterminée en rétention! 

La Cour Européenne pour les Droits de l’Homme a jugé un cas de renvoi de la Russie vers la Syrie, en se basant sur plusieurs rapports récents relatifs à la situation en Syrie. Elle a ainsi rendu sa décision le 14 septembre concluant que tout renvoi en Syrie pourrait mettre la vie des personnes renvoyées en danger ou bien les exposer à des mauvais traitements etc., ceci quel que soit leur statut dans le pays d’asile et quelle que soit la région dont ils sont originaires. Il semble que le Danemark ne voie pas là de raison pour changer ses pratiques.

Mazen Darwish et Mariana Karkoutly, avocat et juriste activistes syrien.es étaient récemment invité.es au Palais fédéral pour témoigner de la situation politique et humanitaire en Syrie, iels ont mis en garde explicitement contre tout renvoi des réfugié.es vers la Syrie1

Aujourd’hui, les Syrien.nes en Europe craignent leur renvoi en Syrie. Plusieurs procès sont en cours en Europe contre les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Procès utiles et nécessaires certes, mais qui ne répondent pas à la question que se posent des centaines de milliers de syrien.nes: où est mon père? où est ma soeur? que sont-ils tous devenus?

Mazen Darwish, Mariana Karkoutly et Ibraheem Malki, activistes pour les droits humains, affirment qu’en Syrie seuls la justice et le principe de la responsabilité permettront à une solution politique d’émerger et d’acheminer le pays vers une paix durable. Iels demandent à la Suisse d’utiliser la compétence universelle dans le cas du dossier syrien1.

Quant à Tawfik Chamaa, médecin d’origine syrienne à Genève, membre fondateur de l’UOSSM, il rappelle que la crise économique en Syrie est aggravée par le COVID, en particulier dans la région nord-ouest qui abrite la majorité des déplacé.es forcé.es. Il appelle la Suisse à l’aide pour obtenir sans délai des doses de vaccin en quantité suffisante dans cette région1.

Ne fermons pas les yeux sur l’évidence que le renvoi des réfugié.es syrien.nes en Syrie serait aujourd’hui un crime contre l’Humanité et que seule une transition politique sans le régime Assad peut changer cette situation.

Assad n’est pas un rempart contre le terrorisme, il en est l’instigateur (voir l’intervention de I. Malki).


1 Voir les interventions de M. Karkoutly, de M. Darwish, de I. Malki et de T. Chamaa