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Archives Mensuelles: février 2014
De l’homme et de l’institution
Lettre ouverte à la conseillère fédérale S. Sommaruga, cheffe du DFJP
Madame la conseillère fédérale,
Le 14.12.2013 T. part de Zürich au volant d’un camion d’aide humanitaire qui fait partie d’un convoi humanitaire partant de Suisse et d’Allemagne à destination de Deir Ezzor en Syrie, convoi dont il est le responsable.
Résidant en Suisse avec son épouse et ses enfants depuis 23 ans, titulaire d’un diplôme de théologie de l’Islam, T. a souvent exercé le métier de chauffeur, il a un revenu modeste et effectue régulièrement le trajet vers la Syrie, à titre de chauffeur bénévole.
Ce trajet là a un caractère particulier parce que suite aux mesures d’allègements des formalités décidées par le conseil fédéral le 04.09.13 T. a pu déposer une demande de visa pour sa famille restée en Syrie à Deir Ezzor, qu’il s’attend à retrouver en Suisse à son retour.
Arrivé à Tal-Abyad, le convoi s’engage en Syrie et se dirige vers Deir Ezzor, à 400 km à l’intérieur du pays. Le 21.12.2013 à Tal-Abyad il est stoppé par une patrouille d’EIIL (Etat Islamique de l’Irak et du Levant). T. est arrêté et détenu pendant deux jours. Libéré le 23.12.2013 il continue sa route jusqu’à l’est de Deir Ezzor où il livre le convoi. Il sera de retour en Suisse le 24.01.2014.
En Suisse la réponse à la demande de visa arrive le 07.02.2014, elle est négative (celle déposée précédemment à Beyrouth pour la famille du frère de T. a elle aussi été refusée et un recours est en cours). Pour quel motif? Deir Ezzor est pratiquement détruite et la ville natale T., Mou Hassan a été ciblée par plus de 18’000 roquettes et bombes, la plupart de sa famille n’a plus de maison. A Mou Hassan 17 de ses cousins ont trouvé la mort.
La demande de visa initiale a été déposée fin septembre 2013 à l’ambassade suisse à Ankara, ensuite il a fallu recommencer quelques semaines plus tard auprès du consulat suisse à Istanbul, ceci à la demande de l’ambassade. Sans moyens, la famille de T. se déplace en bus et retourne à chaque fois à Tal-Abyad, en Syrie, craignant de passer une période d’attente prolongée en Turquie.
Notons aussi que les mesures d’allègement ne stipulent plus, à cette époque, de vérification de solvabilité de la famille résidant en Suisse, T. y réside depuis plus de 23 ans, il y est arrivé en tant que réfugié politique, sa famille est bien intégrée, reste le revenu modeste…
Il est vrai que le nombre des membres de la famille de T. est important (trois sœurs avec leurs familles et la famille de deux frères, soit 22 personnes qui ont déposé leur demande à Istanbul dont 14 enfants, et 5 personnes à Beyrouth dont 4 enfants) ; une famille qui a tout perdu en Syrie et qui mérite certainement d’être accueillie avec au moins un permis humanitaire F .
Beaucoup de Syriens se retrouvent aujourd’hui en train d’essayer, parfois à grand risque, de trouver un pays d’accueil temporaire. La plupart ne souhaitent pas en effet devenir des réfugiés mais juste pouvoir rentrer plus tard dans un pays, le leur, avec la garantie du respect de leurs droits les plus basiques. Tous auraient préféré avoir le soutien de l’Occident pendant les six mois de révolte pacifique. Aujourd’hui, ils subissent la violence et la mort dans leur propre pays et sont rejetés par tous les pays du monde, sauf quelques-uns qui les tolèrent dans des camps qui manquent des moyens de survie élémentaires dignes d’un être humain.
Nous vous demandons par la présente de tenir compte de la situation intolérable qui prévaut actuellement en Syrie, une situation qui n’est que le résultat de la tolérance de la communauté internationale vis-à-vis d’un régime criminel mafieux, et de reconsidérer le cas de la famille de T., dont la demande est parfaitement légitime et en conformité avec les mesures d’allègement des formalités décidées par le conseil fédéral le 04.09.14. Après tout il n’est peut-être pas indispensable que l’immigration syrienne en Suisse se limite à la jet-set pro-Assad, certes très riche, mais dont les valeurs ont assez peu à voir avec la liberté, la dignité et la démocratie, alors que T. jouit lui d’un grand respect dans notre communauté immigrée, pour sa solidarité, pour sa disponibilité et pour son courage toujours désintéressés.
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à notre cause, nous vous prions d’agréer, Madame la conseillère fédérale, nos salutations distinguées.
Présidente de FSD