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Le Veto sur les Questions Humanitaires Doit Être Aboli

Lettre ouverte à I. Cassis, conseiller fédéral et chef du DFAE:

La Suisse, membre et co-porteplume humanitaire du dossier syrien au sein du Conseil de Sécurité, doit agir en toute urgence pour libérer la question humanitaire du chantage politique.

Dans le nord-ouest syrien lors d’une manifestation le 17.07.2023

Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Le 02.02.2023, notre collectif vous a adressé une lettre co-signée par plusieurs organisations inquiètes de la situation humanitaire dans le nord-ouest syrien ainsi que par une soixantaine de membres de la diaspora syrienne en Suisse. Dans cette lettre nous vous demandions d’oeuvrer pour que la question de l’aide humanitaire et des passages d’acheminement transfrontaliers vers la Syrie soit confiée à l’Assemblée Générale de l’ONU, loin du Conseil de Sécurité et de ses droits de veto, ceci pour donner à l’Assemblée Générale les moyens indispensables pour acheminer l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin qui y ont droit. Votre réponse du 24.03.2023 affirmait simplement le besoin d’une résolution du Conseil de Sécurité pour que ces passages transfrontaliers soient fonctionnels. 

Depuis le récent veto russe du 11 juillet, nos craintes exprimées dans notre dernière lettre concernant la continuité de l’aide humanitaire pour plus de quatre millions de civils sont devenues réalité et c’est insoutenable pour cette population prise au piège et pour tous les syrien.nes touché.es par cette catastrophe.

Pourtant les organisations des droits humains affirment que cette situation est contraire à la loi internationale humanitaire et considèrent qu’il est honteux que « la diplomatie internationale fasse passer la politique avant les intérêts humains », comme le déclare Marc Schakal, responsable des programmes de MSF au Proche et Moyen-Orient. 

Suite à ce veto, le régime syrien vient d’informer l’ONU de son intention de donner son autorisation pour que l’aide humanitaire passe par Bab al-Hawa pendant six mois! Il est évident que ce n’est qu’une ruse de plus de la part de ce régime criminel pour préparer son retour dans le monde international suite à sa réintégration récente et honteuse dans le monde arabe.

Il nous semble important de rappeler ici que la majorité de ces quatre millions de civils dans le nord-ouest syrien, qui viennent de toutes les régions de Syrie, ont déjà subi plusieurs déplacements forcés pour fuir les sièges, les famines provoquées, les bombardements, les arrestations, la torture et les disparitions forcées avant de se retrouver pris au piège dans ces camps. Iels ont été forcé.es de quitter leurs maisons, leurs villes et villages parce qu’un jour iels ont trouvé le courage d’oser le rêve d’une future Syrie démocratique qui protège ses citoyens et garantit leurs droits, quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses. Ce rêve d’un Etat de droit en Syrie leur a valu une répression sanglante de la part d’un régime tyrannique secondé par les milices shiites libanaise, irakienne et surtout iranienne, soutenues par l’aviation russe qui a détruit l’essentiel des infrastructures, tout en expérimentant une panoplie d’armes interdites. 

Il nous est très difficile de croire que le dictateur qui a affamé la population civile dans les régions assiégées par ses forces armées et ses alliés souhaite aujourd’hui aider cette même population qui avait dû fuir ces régions et qui se trouve actuellement dans le nord-ouest syrien! N’oublions pas que cette région dévastée par le séisme de février dernier a été continuellement bombardée par le régime Assad et ses alliés, même pendant les opérations de secours, entravant volontairement la recherche de survivants. Et suite à ce séïsme qui a touché aussi les territoires sous contrôle du régime Assad, ce dernier a dérobé une grande partie de l’aide destinée aux victimes!

Le camp Rukban est par ailleurs un exemple d’actualité de la cruauté du régime Assad qui l’assiège depuis 2016 et qui empêche les organisations onusiennes d’y distribuer l’aide humanitaire.

Aujourd’hui nous espérons que les organisations onusiennes ne tomberont pas dans le piège de ces manipulations russo-syriennes et nous vous adressons notre demande pour que la Suisse agisse rapidement pour empêcher que ce seul passage encore hors du contrôle d’Assad ne tombe sous l’autorité du régime comme ceux du nord et du sud de la Syrie. Nous réitérons également notre demande de sortir le dossier humanitaire du Conseil de Sécurité en le confiant à l’Assemblée Générale de l’ONU ou au Haut Commissariat des Droits de l’Homme, loin du chantage politique.

Dans le cas contraire, il nous paraît indispensable d’oeuvrer sans tarder pour une réelle réforme du Conseil de Sécurité afin d’abolir le droit de veto anti-démocratique qui donne actuellement le moyen aux Etats les plus puissants d’écraser les populations vulnérables comme la population du nord-ouest syrien.

Cette catastrophe syrienne, aggravée par le tremblement de terre de février 2023, perdure depuis plus de 12 ans dans le silence assourdissant de la communauté internationale qui prend sa complexité pour excuse! 

Il est utile de rappeler ici que de multiples procès relatifs aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis en Syrie, par le régime Assad, ont vu le jour dans plusieurs pays occidentaux. Très récemment, les Pays-Bas et le Canada ont saisi la Cour Internationale de Justice qui commence ses audiences dans les jours à venir, pour des crimes de torture et de disparition forcée commis par le régime Assad.

En un mot, ce régime qui a provoqué le déracinement de plus de la moitié de la population syrienne est un régime illégitime!

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse une action concrète et rapide pour rendre à l’aide humanitaire son humanité et pour empêcher que le droit international ne soit davantage bafoué en Syrie. Une action qui empêche la mainmise totale de ce régime criminel sur le dernier point de passage fonctionnel pour l’aide humanitaire, Bab al-Hawa, et qui mette fin aux blocages politiques de l’aide humanitaire par l’un des membres les plus puissants du Conseil de Sécurité!

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations distinguées.

FSD, 15.07.2023

Quel avenir pour l’aide humanitaire à Idleb?

Une lettre ouverte a été adressée, le 2 février 2023, par plusieurs organisations syriennes ou amie du peuple syrien, à M. Ignazio Cassis, conseiller fédérale et chef du Département des Affaires Etrangères de la Confédération helvétique. C’est à l’occasion de l’entrée de la Suisse au Conseil de Sécurité que les Syrien.nes de Suisse ont pris l’initiative de rappeler à la Suisse qu’elle a un rôle important aujourd’hui pour sauver les civils dans le nord syrien d’un éventuel veto russe relatif à l’aide humanitaire, mais également pour empêcher une nouvelle attaque chimique en Syrie.

Femmes Syriennes pour la Démocratie a initié cette lettre qui a été co-signée par six organisations et des dizaines de Syrien.nes de Suisse.

Monsieur le Conseiller fédéral, chef du DFAE,

Nous vous demandons d’oeuvrer pour que la question de l’aide humanitaire et des passages d’acheminement vers la Syrie soient confiés à l’Assemblée Générale de l’ONU, loin du Conseil de Sécurité et de ses droits de veto pour donner à l’Assemblée Générale les moyens indispensables pour acheminer l’aide humanitaire. 

Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt le début des actions de la Suisse en tant que membre élu au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Comme vous pouvez l’imaginer, les Syrien.nes concerné.es par le sort des quatre millions de personnes piégées dans le nord-ouest du pays attendaient avec anxiété l’issue de la prolongation de la résolution relative à l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via le seul passage encore ouvert de Bab el-Haoua. Nous avons donc été soulagé.es d’apprendre que la résolution 2672 a été votée à l’unanimité le 9 janvier 2023. Toutefois, comment attendre avec sérénité le prochain vote de juillet 2023? Nous craignons en effet que le dernier des quatre passages (1), octroyés en 2014, ne soit à son tour fermé et que les quatre millions de personnes piégées dans la région d’Idlib ne soient abandonné.es comme l’ont été les déplacé.es du camp Rukban (2), dans le sud du pays, suite à la fermeture du passage Ramtha en janvier 2020, sous la pression de la Russie. 

Est-il normal que la survie de ces quatre millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ne dépende que des décisions des membres les plus puissants du Conseil de Sécurité qui possèdent un droit de veto sur leurs vies?

Dans tous les conflits armés le droit international coutumier reconnait le droit de tous les civils à toute l’aide nécessaire à leur survie, pourquoi alors laisser les civils Syriens à la merci d’un veto russe qui décide de leur survie, désormais deux fois par an (3)? Cette situation est insupportable pour tou.tes les Syrien.nes concerné.es par la catastrophe humanitaire en Syrie. Nos parents sont là-bas, et nous vivons tous dans la crainte d’un veto russe qui mettrait fin à l’acheminement de l’aide humanitaire pour quatre millions de nos compatriotes.

Il nous semble important de rappeler ici que la majorité de ces personnes, qui viennent de toutes les régions de Syrie, ont déjà subi plusieurs déplacements forcés pour fuir les sièges, les famines provoquées, les bombardements, les arrestations, la torture et les disparitions forcées avant de se retrouver pris en piège dans ces camps. Iels ont été forcé.es de quitter leurs maisons, leurs villes et villages parce qu’un jour iels ont trouvé le courage d’oser le rêve d’une future Syrie démocratique qui protège ses citoyens et garantit leurs droits, quelles que soient leurs appartenances ethniques ou religieuses. Ce rêve d’un Etat de droit en Syrie leur a valu une répression sanglante d’un régime tyrannique secondé par les milices shiites libanaise, irakienne et surtout iranienne, soutenues par l’aviation russe qui a détruit l’essentiel des infrastructures. Et vous n’êtes pas sans savoir que les Syrien.nes font face aujourd’hui au COVID, mais aussi au Choléra, maladies qui se propagent d’autant plus vite qu’il y a absence de vaccins et d’eau potable.

Cette catastrophe syrienne perdure depuis plus de 11 ans dans le silence le plus assourdissant de la communauté internationale, qui prend sa complexité pour excuse! 

L’OIAC de l’ONU vient de publier son 3e rapport (4) qui rend le régime Assad responsable de l’attaque chimique de 2018 sur Douma. Dans son communiqué du 27.01.2023 (5), le Directeur général de l’OIAC, Fernando Arias dit « Le monde connaît désormais les faits – il appartient à la communauté internationale d’agir, à l’OIAC et au-delà ». La communauté internationale va-t-elle prendre les mesures nécessaires pour empêcher d’autres attaques chimiques, qui pourraient cette fois cibler la population dans le nord-ouest de la Syrie, dont beaucoup sont des survivants des attaques chimiques à Douma (2018), à Khan Cheikhoun (2017) et à al-Ghouta (2013)?

Lausanne 2018, rassemblement de solidarité avec les assiégé.es à al-Ghouta juste avant l’attaque chimique de 2018 à Douma!

Monsieur le Conseiller fédéral, dans votre discours du 12 janvier 2023 au Conseil de Sécurité à New York vous avez mentionné le passage suivant:

Notre Constitution suisse dit que « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ». L’état de droit nous protège toutes et tous, que nous soyons un Etat petit ou grand, un individu fort ou faible. 

Pourtant il est évident qu’au sein de la communauté internationale les membres les plus puissants écrasent les plus faibles, et même les populations déracinées et dans le besoin, en particulier en usant abusivement du droit de veto, directement ou comme moyen de chantage, au sein du Conseil de Sécurité!

Aujourd’hui, nous demandons à la Suisse une action concrète et rapide pour rendre à l’aide humanitaire son humanité et pour empêcher que le droit international ne soit davantage bafoué en Syrie. Une action qui mette fin aux blocages politiques de l’aide humanitaire par les membres les plus puissants du Conseil de Sécurité!

En vous remerciant d’avance pour l’attention que vous porterez à cette lettre, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations distinguées.

Femmes Syriennes pour la Démocratie, le 02.02.2023.

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(1) En 2014, le Conseil de Sécurité a autorisé l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire via quatre passages dont  Bab el-Haoua et Bab el-Salam au nord, Yaroubiyé au nord-est et Ramtha au sud de la Syrie (résolution 2165). En 2020 le nombre de passages autorisés a été réduit à un seul (résolutions 2504 et 2533).

(2) Le Camp Rukban a vu le jour en 2016 pour accueillir les 70’000 déplacé.es qui fuyaient la répression, ceci suite à la décision de la Jordanie de ne plus recevoir de réfugié.es syrien.nes. Depuis 2020, ils sont livré.es à elles/eux mêmes en l’absence de toute aide humanitaire transfrontalière. Aujourd’hui il n’en reste que 8’000 qui vivent dans des conditions inhumaines dans le désert!

https://euromedmonitor.org/en/article/5048/Syria:-8,000-IDPs-in-Rukban-camp-need-urgent-humanitarian-intervention

(3) https://snhr.org/blog/2023/01/09/russias-veto-blocking-un-cross-border-relief-aid-is-unlawful-and-its-only-aim-is-to-seize-un-relief-aid/

(4) https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/2023/01/s-2125-2023%28e%29.pdf

(5) https://www.opcw.org/media-centre/news/2023/01/opcw-releases-third-report-investigation-and-identification-team

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Co-signataires:

Les organisations:

UOSSM, Union des Organisations de Soins et Secours Médicaux

Syrian Network for Human Rights 

Syrian Center for Legal Studies and Research

Revivre, association d’aide aux réfugiés syriens et aux détenus d’opinion en Syrie

Free Bar Association in Syrian Arab Republic

The Syrian Detainees Council

Les Syrien.nes de Suisse: 

La liste de 64 noms de syriens de Suisse co-signataires de cette lettre a fait partie de la présente lettre.

“Dans la forêt je vois mourir les réfugiés et avec eux meurt notre dignité”

Témoignage de Nawal SOUFI

Article publié le 12.11.2021 en italien sur le site Striscia Rossa et traduit en français par FSD

La situation à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne s’aggrave d’heure en heure. Désormais, les migrants, en réalité des réfugiés fuyant la guerre qui devraient être protégés par le droit international, sont devenus des «armes non conventionnelles», des otages innocents de ce qui se trame dans leur dos et à leurs dépens. En attendant que les institutions européennes prennent des décisions, c’est aux volontaires et aux activistes qu’incombe la tâche de rendre leur situation moins difficile et d’essayer d’éviter la mort de milliers de personnes bloquées dans la forêt.

Nawal Soufi par exemple, militante italo-marocaine engagée pour la défense des droits humains des migrants, que l’on connaît déjà pour l’avoir suivie sur la route des Balkans, est là pour documenter, images et témoignages effroyables à l’appui, les conséquences du jeu politique cynique où prévalent les intérêts partisans au mépris des principes humanitaires.

« Les bébés sont sans lait et les mères ne peuvent plus allaiter, car elles vivent dans des conditions inhumaines depuis longtemps » explique Nawal dans son journal de frontière. Les volontaires ne réussissent même pas à aider tous ceux qui sont dans les bois en territoire polonais : certains à seulement trois kilomètres de la frontière, d’autres plus loin, voire vingt kilomètres à l’intérieur. Pour ceux qui se trouvent sur le territoire biélorusse la situation est encore plus dramatique : ils sont complètement livrés à leur sort.

Grands coeurs

Nawal est parfois aidée par un chauffeur de taxi local pour transporter les gens à Minsk. Des trajets pour sauver la vie de ceux qui n’ont pas mangé depuis des jours. En fait, il n’y a plus grand-chose à faire à part acheter de la nourriture et la livrer à cet homme bon, qui l’apporte ensuite aux migrants.

Avant-hier une femme, après 25 jours de cet enfer, a réussi à arriver à Varsovie. Nawal a donc demandé à ses contacts sociaux de lui chercher un endroit où dormir dans cette ville. La réponse d’Italie est arrivée : heureusement, il y a beaucoup de gens au grand cœur.

La volontaire a devant les yeux des images terribles, auxquelles s’ajoutent les récits d’autres témoins : la police bloquant des familles entières, avec des enfants effrayés et affamés auxquels on refuse même de l’eau ; de jeunes Syriens arrêtés en Pologne et hospitalisés en raison de leur état critique : dès qu’ils se rétabliront, ils seront expulsés. Il semble que certains d’entre eux aient demandé l’asile politique et le droit international exige que leur volonté soit respectée. Mais il est peu probable que cela se fasse.

Une femme errant depuis des jours dans la forêt, avec la faim, le gel, la solitude, et son téléphone portable presque déchargé, était en danger de mort, heureusement elle a été rejointe et secourue. Une parmi beaucoup. Et encore, une famille de 10, petite communauté à laquelle s’ajoute chaque jour quelqu’un d’autre : « Ils ont déjà tenté huit fois de franchir la frontière polonaise et à chaque fois, après avoir demandé l’asile, ils ont été ramenés dans la forêt. Il y a des femmes dans le groupe, dont une femme âgée. Mais hier soir quelque chose de très grave s’est produit et le groupe a disparu après nous avoir envoyé ce message : un chien policier a attaqué un garçon de Deraa (Syrie) et l’ a mordu à la tête. A partir de ce moment, je n’ai plus de nouvelles. Je ne peux pas décrire ce que je ressens », explique Nawal.

Colère et frustration

On ne peut que l’imaginer, mais elle est là, suivant de près cette tragédie humanitaire, avec de la colère et un sentiment de frustration. Et puis encore des enfants, de plus en plus frigorifiés, qui ont besoin de manger : « Cette nuit entre 3 et 4 h., un hélicoptère a terrifié les petits. C’était la première fois qu’ ils ont pu s’endormir après une journée terrible », raconte-t-elle. D’autres suppliant : Dieu, j’ai faim. Et les destins individuels deviennent le paradigme d’un échec tragique. « Cet enfant – dit Nawal en choisissant un exemple parmi tant d’autres – est aux portes de l’Europe. Il est de ceux qui enterreront la dignité d’une Europe unie. Oui, l’Union européenne a perdu sa dignité à cette frontière. L’enfant tente encore de sourir, il a été amputé des deux jambes et n’a pas pu obtenir de l’eau et de la nourriture depuis trop longtemps. Peut-être qu’un jour il retournera dans son pays d’origine ou peut-être mourra-t-il près de cette frontière à cause du froid et de la faim et il nous restera la tâche ardue de nous regarder dans le miroir au cours des prochaines années ».

Oui, elle a raison, Nawal, et lorsque nous nous regarderons, nous verrons le visage de celui qui a fermé ses yeux et son cœur : le visage du bourreau et de son complice.

Situation Humanitaire et Politique en Syrie: Témoignages au Palais Fédéral (3/4 T. Chamaa)

Quatre intervenant.es syrien·nes, engagé.es dans la défense des droits humains du peuple syrien, étaient présent·es au Palais fédéral jeudi 30 septembre 2021, à l’invitation du parlementaire Christian Dandrès, pour témoigner de la situation humanitaire et politique en Syrie, et parler des procès menés en Europe contre des responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Syrie. Les conséquences terribles du COVID ont aussi été au centre de la discussion. Dix ans après le début du soulèvement populaire, les activistes de la société civile et la population civile résistent toujours face à un régime dictatorial et criminel. 

Les intervenant·es sont selon l’ordre d’intervention: 

Mariana KARKOUTLY, juriste syrienne exilée en Allemagne, enquêtrice pour la poursuite des crimes commis en Syrie depuis 2011

Mazen DARWISH, avocat syrien exilé en France, fondateur et président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression

Tawfik CHAMAA, médecin suisse d’origine syrienne, membre fondateur de l’Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM) 

Ibraheem MALKI, avocat et activiste syrien exilé en Suisse, membre de la Commission de défense des détenus d’opinion arrêtés à la suite de l’arrestation des membres de la déclaration de Damas en 2006 et membre du Centre syrien pour la justice et pour l’obligation de rendre des comptes.

Les interventions ont été traduites en français par FSD et sont publiées ci-après. 

Intervention de Tawfik Chamaa 3/4

La situation humanitaire en Syrie est la catastrophe humanitaire la plus importante depuis la 2e guerre mondiale.

Dès le début des manifestations en 2011, l’action humanitaire en soi a été prise en otage. Les civils qui manifestaient pacifiquement dans la rue étaient pris pour cible et tirés à balles réelles, Les médecins et les soignant.es qui voulaient soigner les premiers blessés, étaient capturés, médecins et infirmier.es. C’est ainsi que notre organisation l’UOSSM a vu le jour. 

Les quartiers d’où sortaient les manifestations étaient bombardés, quelques hôpitaux aussi. Même les soignant.es du croissant rouge, qui étaient en faveur de l’égalité des soins pour tous, ont été exfiltré.es, capturé.es et liquidé.es

Cette situation a continué pendant les dix ans qui ont suivi, ce qui a créé une catastrophe humanitaire qui n’a pas d’équivalent depuis la 2e guerre mondiale. Le bilan aujourd’hui est lourd: 70% des infrastructures pour les services aux civils ont été détruites, les hôpitaux, les stations d’épuration de l’eau, les stations électriques, etc. Alors que des images des centres villes, qui n’ont pas été touchés, circulent pour la propagande spécialement. 

Tout au long de cette période, des régions ont été assiégées en continu. Lorsque le siège de certaines régions était rompu d’autres régions étaient assiégées par la suite. Et jusqu’à très récemment, nous avions environ un million de personnes qui étaient assiégées dans le sud. Vous en avez sans doute entendu parler pour la région de Daraa, qui a été bombardée et où la population souffrait de manque de pain et de nourriture. Les sièges qui ont duré longtemps n’ont pas eu d’équivalents dans l’histoire, car même les Nazis ne bombardaient pas les hôpitaux et laissaient les soins accessibles aux deux parties. 

L’aide humanitaire qui parvenait à être livrée dans les régions assiégées étaient amputée de tout ce qui est médical, médicaments et kits de chirurgie, même suite à des accords signés. 

Lorsque vous entendez dire que la population a été transférée dans le nord c’est que ces résidents des régions assiégées n’avaient pas le choix. Comment feriez vous si vous aviez une famille et des enfants pour rester sans soins? C’est la  façon de faire la plus efficace pour parvenir à ce qu’on peut appeler l’épuration ethnique ou l’évacuation ou simplement vider ces régions de leurs habitants.  Vider des villages et des villes entières tout simplement en les privant d’accès aux soins médicaux.

Cibler des hôpitaux avec des bombardements était systématique, c’est prouvé et ça a fait l’objet de plusieurs rapports. Les médecins ont été ciblé.es, nous avons plusieurs témoignages. Des milliers ont été tués ou blessé.es et aucun ne portait une arme. 3’300 personnes du corps médical ont été arrêtés ou sont disparus forcés. 

Bern, le 30.09.2021

La moitié des Syriens ont été obligés de fuir leur pays ou leur région dont la moitié sont des réfugiés et l’autre moitié sont des déplacés internes. 350’000 morts jusqu’ à aujourd’hui c’est le chiffre qui a été donné en dernier en 2014 par l’ONU et c’est là que le compteur a été arrêté. C’est ce même chiffre qui est apparu il y a quelques jours dans la presse mondiale. Je me permets de vous proposer de le multiplier par deux ou par 3 parce que la tuerie en Syrie ne s’est pas arrêtée et chaque jour les bombardements continuent. 

En dix ans nous avons eu 300’000 handicapés physiques et nous avons dû créer des centres pour les appareiller avec des jambes ou des bras, ceci avec l’aide internationale. Jusqu’aujourd’hui nous n’avons pas fini de les appareiller. Jamais une guerre n’a produit proportionnellement autant d’handicapés. Il faut savoir que les snipers, jusqu’il y a encore deux ou trois ans ciblaient la colonne vertébrale pour créer une paraplégie. Ces snipers étaient entrainés pour créer des handicapés. Les atrocités commises n’ont pas d’équivalent dans l’histoire. Des millions d’handicapés psychologiques, psychiatriques et psycho-sociaux sans oublier qu’on a 300’000 orphelins. 600 des familles qui s’occupent d’une partie de ces orphelins sont soutenues par l’UOSSM suisse , à la frontière de la région d’Idleb. Nos centres de soutien pour les cas psychiatriques et psycho-sociaux ne sont absolument pas suffisants pour cette catastrophe. Tous les Syriens réfugiés, déplacés internes ou même ceux qui se trouvaient déjà à l’extérieur de la Syrie depuis longtemps sont traumatisés.

Concernant le COVID, pour la région du nord-est de la Syrie sous contrôle des forces kurdes et zone d’influence des américains, il y a 1.1 million d’habitants et le nombre de doses arrivées dans cette région pourtant accessible est de 17’500. Le taux de vaccination est inférieur à 1 pour mille. Dans le seul nord ouest de la Syrie, nous comptons 50 à 100 morts par jour et la vaccination est quasi inexistante. Les 300 à 400 000 premières doses arrivées en Syrie sont toutes allées à l’armée.

Si il y a une situation grave c’est celle dans la région controlée par le régime. J’ai de la famille là-bas et ils ne savent pas comment obtenir du pain. Ce mois, en 17 jours, plus de 70’000 syriens ont quitté la Syrie. Le chanceux est celui qui quitte le pays, 45% sont allés en Egypte qui a ouvert la frontière et c’est pour leur survie qu’ils partent. 

J’espère qu’à court terme, on  pourra recevoir des doses de vaccin dans la région du nord syrien. Arriver à 50 à 100 morts par jour, pour une population de 4 millions d’habitants, c’est  une véritable catastrophe. 

A moyen terme, on espère que la Suisse soutiendra des positions qui vont dans le sens d’empêcher la transformation de la Syrie en une 2e Corée du nord, ce qui serait une catastrophe pour toute l’Humanité et pas seulement pour la Syrie.


Situation Humanitaire et Politique en Syrie: Témoignages au Palais Fédéral (1/4 M. Karkoutly)

Situation Humanitaire et Politique en Syrie: Témoignages au Palais Fédéral (2/4 M. Darwish)

Situation Humanitaire et Politique en Syrie: Témoignages au Palais Fédéral (4/4 I. Malki)

Que fait le bureau humanitaire suisse à Damas pour les civils d’al-Ghouta?

Depuis le 19 février, al-Ghouta orientale, assiégée et affamée, subit une intensification féroce de l’offensive militaire menée par le régime syrien et ses alliés russes et iraniens. Toutes sortes d’armes conventionnelles et interdites sont utilisées par l’aviation et par l’artillerie lourde. Al-Ghouta orientale, qui souffrait déjà de famine et de bombardements depuis 2013, vit actuellement des conditions humanitaires catastrophiques. Les civils et les services médicaux sont ciblés et l’intensité des bombardements ne permet pas aux populations de se déplacer pour chercher de quoi se nourrir.

Les Syriens de suisse qui assistent à ces crimes de guerre et contre l’Humanité  à al-Ghouta se demandent ce que fait ou fera le bureau humanitaire suisse qui se trouve à quelques km de cette région! Nous savons tous qu’il ne pourra rien faire par manque d’autorisation du régime criminel.

FSD et la communauté syrienne en Suisse ont alors adressé une lettre ouverte au Conseiller fédéral Ignazio Cassis, chef du DFAE, pour demander des actions effectives pour éviter à tout prix le déplacement forcé des 400’000 habitants d’al-Ghouta.

La lettre est reproduite ci-après.

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Photo prise à al-Ghouta le 22.02.2018

 

Monsieur le Conseiller fédéral,

Le communiqué de presse du DFAE du 21.12.2017 affirmait que le but du bureau humanitaire suisse à Damas serait d’assurer un accès humanitaire aux populations sinistrées, en particulier celle d’al-Ghouta. Nous nous demandons aujourd’hui quelles démarches ont été ou seront faites afin de venir en aide à la population d’al-Ghouta.

Cette région, assiégée et affamée par le régime Assad depuis 2013, subit actuellement une offensive militaire féroce menée par Assad et ses alliés russes et iraniens. Depuis l’intensification de l’offensive militaire qui a commencé le 19 février, l’accès aux soins médicaux à al-Ghouta est devenu quasi impossible après le ciblage des services médicaux par l’aviation, qui a conduit à leur arrêt total. Nous recevons chaque jour des témoignages de femmes[1], d’enfants[2] et d’activistes[3] sur place qui glacent le sang, et les Syriens de Suisse regardent horrifiés le massacre des leurs sans pouvoir leur venir en aide. Ces témoignages sont nombreux, et vu le peu d’espoir qui leur reste, les gens d’al-Ghouta parlent à visage découvert, et ne cachent plus leur nom, rien à voir avec les prétendus terroristes qu’Assad et Putine prétendent cibler.

Après l’adoption de la résolution du conseil de sécurité No 2401 du 24.02.2018, et un rapide examen du texte, nous sommes certains qu’elle sera contournée, elle l’est déjà, puis ira rejoindre les précédentes aux oubliettes. Elle comprend par ailleurs suffisamment de lacunes pour servir utilement à la mise en place du plan du régime, déjà annoncé par son représentant Jaffari, à savoir le même scénario à al-Ghouta que précédemment à Alep, en décembre 2017, soit l’extermination d’un grand nombre de civils avant de forcer le reste à se déplacer vers Idleb, où le même scénario se répétera une fois de plus. Les habitants d’al-Ghouta supplient la communauté internationale de tout faire pour empêcher une tellle issue, qui d’ailleurs est un crime contre l’humanité.

Rassemblement devant l’ONU à Genève le 23.02.2018

Le DFAE pourra-t-il aider les gens d’al-Ghouta dans les jours à venir à partir du bureau de Damas? Nous le souhaitons tellement. Mais en cas d’échec, il faudra bien constater que rien de positif ne pourra jamais se faire avec pour partenaire un régime barbare, criminel et totalement illégitime[4], qui vise à achever un changement démographique déjà largement commencé, par l’intermédiaire d’un génocide et du déplacement forcé des populations qui lui sont indésirables. Le régime Assad se sent fort avec le soutien militaire de la Russie et de l’Iran, et renforcé par le retour des pays occidentaux à Damas, la Suisse en tête. Mais un régime fantoche n’est pas forcément appelé à durer.

La détresse de la population syrienne sur place s’accentue chaque jour à cause de cette sale guerre menée contre les civils principalement. Si la Suisse souhaite vraiment apporter son aide pour soulager la population civile syrienne, elle serait certainement plus utile en oeuvrant pour stopper cette guerre. Ceci ne peut se faire qu’en agissant pour une réelle solution politique, exigeant que la justice passe[5], et qui permette aux Syriens d’avoir une vraie transition politique, sans le régime du boucher de Damas, pour construire leur futur Etat démocratique basé sur le principe de la citoyenneté pour tous. Aucune autre solution ne mettra fin à la violence, aucune autre solution ne permettra au peuple syrien de vivre dignement en Syrie. Ceci ne sera possible que si les pays occidentaux, y compris la Suisse, font passer la justice et les droits humains de la population syrienne devant leurs intérêts à court terme et font pression sur la Russie et l’Iran pour obtenir le départ du régime syrien, des élections libres et leur propre départ du territoire syrien.

La révolution syrienne continue.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations les meilleures.

 FSD et 90 membres de la diaspora syrienne en Suisse ont signé la lettre

[1] https://www.theguardian.com/world/2018/feb/24/syria-eastern-ghouta-the-women-sharing-news-of-war

https://www.facebook.com/WomenNowforDev/videos/1380296635407577/?hc_ref=ARTSSgDxO7MkOZrqF-KX2cr4PcRtAvoLAYMk9PCsVxB-DB65UBhhfiEJchsA4neUzZU&pnref=story

https://www.facebook.com/nivin.hotary

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1795506950531632&id=100002170345981

[2] https://www.facebook.com/ong.syriacharity/videos/1765699186783922/

[3] Minute 23 :20 de la vidéo https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1795506950531632&id=100002170345981

https://www.facebook.com/ActForGhouta/posts/1860708250628345

[4] https://info.arte.tv/fr/bachar-el-assad-reelu-comme-prevu

[5] Le fait de mener à terme le dossier de Rifaat el-Assad serait un signal fort https://www.letemps.ch/suisse/un-procureur-crimes-guerre-claque-porte?utm_source=facebook&utm_medium=share&utm_campaign=article

https://trialinternational.org/fr/latest-post/affaire-rifaat-al-assad/

Non à l’ouverture par la Suisse d’un bureau humanitaire à Damas!

Depuis le début de la révolution syrienne le régime Assad a choisi d’utiliser la répression barbare, les arrestations massives, la torture, le tir à balles réelles sur les manifestants pacifiques, la persécution des manifestants blessés et des médecins qui les soignaient, la punition collective des régions de protestation, etc. En réponse à cette répression, la Suisse, pays défenseur des droits humains, fût parmi les premiers pays démocratiques à avoir rappelé son ambassadeur à Damas en 2011 avant de fermer sa représentation au printemps 2012. Elle se trouve aujourd’hui parmi les premiers pays qui font un pas vers la normalisation des relations avec le régime dictatorial sanguinaire et responsable de crimes  de guerre épouvantables et de crimes contre l’humanité. Ce pas c’est l’ouverture d’un bureau d’aide humanitaire de la Suisse à Damas même.

FSD et la communauté syrienne de Suisse a alors réagi en adressant une lettre ouverte, reproduite ci-après, au Conseiller fédéral Ignazio Cassis, chef du DFAE, pour exprimer sa grande déception.

Les cartons de l’aide humanitaire ciblés par l’aviation du régime le 15.11.2017, peu de temps après leur entrée à Douma assiégée. Photo de la page FB d’un résident de Douma. Voir aussi à ce sujet l’article du Point.

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Monsieur le Conseiller fédéral,

Par un communiqué de presse du DFAE du 21.12.2017 nous avons appris à notre grande déception que la Suisse a ouvert un bureau d’aide humanitaire à Damas même. Cette démarche ne peut que réjouir Assad, le boucher de Damas, qui se voit aujourd’hui en voie de réhabilitation auprès de la communauté internationale ; cependant, elle ne contribuera en rien à l’amélioration de l’efficacité de l’aide humanitaire suisse en Syrie.

En effet, chacun sait que depuis 2011 le CICR n’a jamais obtenu d’accès aux détenus en Syrie, sauf pour des visites toilettées à son intention. En outre, la plupart de l’aide humanitaire internationale est allée dans les poches du régime, directement ou après revente sur les marchés locaux, ceci malgré la présence sur place des organisations de l’ONU, et cet état de fait va en empirant.

Vouloir composer aujourd’hui avec le régime syrien répond à une logique à court terme sans intérêt pour l’aide humanitaire, pour la paix, pour le Moyen-Orient, pour la Suisse, pour le Monde, et insultante pour la justice. Accessoirement, c’est aussi le plus sûr moyen de contribuer à la pérennisation du terrorisme. Le régime syrien est un régime mafieux, Assad est un promoteur du terrorisme, on ne peut tendre la main à ce genre de régime sans renier ses propres valeurs et devenir, en quelque sorte, complice des crimes qu’il continue à perpétrer contre sa population.

Le régime syrien est aujourd’hui un régime fantoche. Dès fin 2012, à l’agonie, il a dû faire appel à l’aide de la Russie et de l’Iran pour se maintenir en place contre une révolution populaire sans extrémisme. Il n’est aujourd’hui que le pantin sans légitimité de ses deux parrains, devenus depuis des envahisseurs. Moins de 15% du peuple syrien lui accorde encore une quelconque légitimité, en majorité par crainte ou par intérêt, moins de 10% si l’on inclut la diaspora[1].

La Russie ment en prétendant s’attaquer au terrorisme, elle ne vise qu’à étouffer la révolution populaire, en ciblant les civils[2] dans les régions de protestation, qui constituent la vraie alternative à Assad, avec des noyaux de démocratie instaurés dans ces régions dès leur indépendance du régime. Le plus grand mensonge russe concerne aujourd’hui la formation de zones de désescalade, toutes bombardées à tour de rôle. Actuellement c’est la Ghouta de Damas et Idleb qui sont sous les bombes du garant russe, provoquant de nouveaux déplacements forcés des populations.

Si la Suisse souhaite vraiment apporter son aide pour soulager la population civile, elle serait certainement plus utile en oeuvrant pour une réelle solution politique qui permette aux Syriens d’avoir une vraie transition politique, sans le régime Assad, pour construire leur futur Etat démocratique basé sur le principe de la citoyenneté pour tous. Aucune autre solution ne mettra fin à la violence, aucune autre solution ne permettra au peuple syrien de vivre dignement en Syrie. Ceci ne sera possible que si les pays occidentaux, y compris la Suisse, font passer les droits humains de la population syrienne devant leurs intérêts à court terme et font pression sur la Russie et de l’Iran pour obtenir le départ du régime syrien et des élections libres.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller fédéral, nos salutations les meilleures.

[1] Avant la révolution, la diaspora syrienne comptait déjà au moins 18 millions de personnes alors que la population à l’intérieur de la Syrie comptait 23 millions ; ceci est un indicateur fort du disfonctionnement du pays.

[2] En 2017 seulement, 900 institutions civiles ont été ciblées, en majorité par l’aviation russo-assadienne http://aa.com.tr/en/middle-east/syria-nearly-900-civil-facilities-targeted-in-2017/1025533

Le Croissant Rouge et le régime Assad

Bien des doutes planent sur la relation entre le Croissant Rouge Arabe Syrien, qui devrait rester complètement neutre, et le gouvernement syrien. Il est intéressant de rappeler ici la déclaration de Peter Maurer -Président du CICR- à Swissinfo à ce sujet, en 2012 suite à sa visite à Damas :
«Le Croissant-rouge est peut-être à Damas plus proche du gouvernement, il peut être ailleurs plus proche des besoins de la population. Le dialogue entretenu depuis deux ans a permis d’établir une situation de confiance et dans des endroits nous pouvons agir seul, sans accompagnateur du Croissant Rouge syrien. Mais rien n’est parfait. ».
Il est aussi intéressant de mentionner le témoignage de Majd al-Dik, ancien membre du Croissant Rouge à Douma et auteur du livre « A l’Est de Damas », à ce sujet:
« Les groupes humanitaires basés à Damas ne parviennent pas à traverser ces lignes. Ils sont obligés de passer par le Croissant Rouge, inféodé au régime. Son bureau à Douma a été fermé le jour même où les révolutionnaires ont pris la ville. Certains volontaires sont cependant restés pour respecter leur serment. Mais ils ne reçoivent plus de médicaments. Le dernier convoi qui leur était destiné a été bombardé par le régime. »
A Homs, au début de la révolution, le Croissant Rouge répondait en effet aux besoins de la population, spécialement pour apporter les secours médicaux aux blessés, en conséquence plusieurs ambulances ont essuyé des tirs des forces du régime, par exemple l’ambulance ciblée à al-Hamidyeh le 07.09.2011 qui a conduit au décès du secouriste Hakam Drak-Sibai.

Pour apporter d’autres témoignages à ce sujet, FSD a traduit de l’arabe un article publié sur le site alsouria.net, site proche de la révolution syrienne.

Le 27 décembre 2016, Khaled Hboubati, un homme d’affaire proche du régime et externe à l’organisation, a été nommé comme président du CRAS pour remplacer Dr Abd al-Rahman Attar. Pour pouvoir effectuer cette nomination le règlement interne de l’organisation a dû être modifié en dernière minute, une méthode qui n’est pas sans ressemblance avec la nomination de Bachar al-Assad.

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Bras invisible des Moukhabarat en Syrie, à l’intérieur du Croissant Rouge:

comment la direction de l’organisation contribue à l’arrestation des déplacés

Par Karam Mansour, article du 09.11.2016

Source en arabe: alsouria.net

Camion d’aide humanitaire du CRAS dans une région sous le contrôle du régime

Wissam (24 ans), un des volontaires du Croissant Rouge Arabe Syrien (CRAS), entre à l’Hôtel Carlton à Damas pour suivre une session de formation pour le programme Concorde pour l’archivage des données. Cette formation est organisée par le CRAS à l’intention de ses bénévoles.

L’atelier a été suivi par des bénévoles et des employés de l’organisation dans la capitale syrienne. Les participants y apprenaient comment utiliser les formulaires du programme pour l’archivage des données, comment enregistrer les informations concernant les bénéficiaires de l’aide humanitaire et celles des volontaires, ainsi que les méthodes de stockage des données et comment les envoyer aux sections concernées.

Ces ateliers de formation d’une semaine sont organisés dans les hôtels les plus luxueux de Damas et ils sont offerts aux bénévoles du CRAS. Ils sont supportés financièrement par le CRAS. La gestion de ces ateliers a soulevé et soulève encore beaucoup de questions aussi bien sur leur importance, que sur la nécessité de les organiser dans ces hôtels luxueux.

« ALSOURIA.net » à Damas a interrogé un certain nombre de participants à ces ateliers, dit Amani (pseudonyme): “le CRAS organise ces cours régulièrement, ceci constitue un bénéfice pour beaucoup de bénévoles qui séjournent alors dans l’hôtel le plus luxueux de la capitale qui leur offre les meilleurs services et tout cela à la charge du CRAS, de sorte que ces cours sont devenus un outil de favoritisme et il faut être pistonné pour y accéder, surtout avec la crise économique qui sévit en Syrie « .

Elle ajoute: «Tous les volontaires sont en lice pour une place dans ces cours et l’intérêt de la formation n’est pas le premier objectif, qui est de passer une semaine complète aux frais du CRAS dans l’hôtel le plus luxueux de la capitale. »

Buts cachés
Wissam s’étonne que ces cours aient lieu dans des endroits de luxe qui coûtent environ mille dollars par jour pour la location des salles de formation, tandis que les salles des locaux du CRAS, qui sont entièrement équipées pour accueillir ce genre de conférences et de cours, restent inutilisées.

« ALSOURIA.net » a mené une enquête pour comprendre le mécanisme de l’organisation de ces ateliers, et la raison de faire la formation des volontaires à l’extérieur des locaux du CRAS, ceci malgré la misère terrible dont souffre le pays. Lors de cette enquête des sources spéciales du CRAS ont affirmé que plusieurs raisons sont à l’origine de ces choix organisationnels:
“L’organisation de ces ateliers en dehors des locaux du CRAS nécessite l’approbation de la direction pour chaque bénévole. Ainsi la direction peut refuser la participation à certains de ces bénévoles. Selon des informations croisées provenant de plusieurs bénévoles, ces ateliers sont utilisés comme couverture pour un grand nombre d’opérations de détournements de fonds, afin de ne pas éveiller les soupçons.”

Selon des sources privées, qui ont informé « ALSOURIA.net» et qui ont demandé l’anonymat pour leur sécurité, un appel d’offres a été lancé pour l’achat d’un programme pour archiver les données du CRAS et c’est la société Concord qui a été finalement sélectionnée pour le fournir.
Certaines informations indiquent que Abd al-Rahman Attar, responsable du CRAS, détient 60% de la société « Concord » qui contribue au traitement des données et à l’archivage du CRAS. Ces informations ont été suivies par d’autres, confiées par des membres du CRAS, affirmant que a plupart de ces ateliers ont lieu à l’Hôtel Carlton, qui appartient à Attar.

Le programme fourni par Concord est distribué à toutes les branches et à tous les points du CRAS en Syrie, en plus des dispensaires mobiles exploités par le CRAS dans les zones rurales qui se trouvent sous le contrôle du régime.

Informations pour le « service de renseignement »
Jamal, 28 ans, ambulancier paramédical dans un dispensaire mobile du CRAS à Damas-campagne, qui se déplace dans un certain nombre de villes et de régions qui sont sous le contrôle du régime, dit: «On nous a demandé depuis le début de l’année d’enregistrer toutes les données nous concernant (adresse, études, n° de téléphone et degré de formation) via le programme Concorde ».

Il ajoute « il a aussi été demandé aux volontaires de conserver des données précises sur les bénéficiaires des services du CRAS, ainsi que de recueillir suffisamment d’informations sur toutes les familles que nous visitons, dont le nombre de membres de la famille, leurs allées et venues, les zones qu’ils ont fuit et le travail de chacun d’entre eux. »

Jamal conclut: «Dorénavant toutes les informations sur les personnes déplacées sont stockées sur ce programme, et tandis que beaucoup de familles ne divulguent pas d’informations précises aux institutions sécuritaires, ni aux agents du recensement officiel par crainte de poursuites sécuritaires, elles donnent très volontiers tous les détails de leur vie aux bénévoles du CRAS, afin d’obtenir de l’aide humanitaire.  »

Nous avons poursuivi nos recherches qui nous ont conduits au service des données et des statistiques au sein du CRAS. Nous avons alors découvert que l’ensemble de ces données sont stockées sur les serveurs de l’organisation et ensuite stockées dans une section spéciale appartenant aux services de sécurité , à disposition en cas de demande d’information.
Des informations croisées à partir de plusieurs sources parmi les membres du CRAS indiquent que de nombreuses arrestations des employés/ bénévoles du CRAS ont eu lieu. En effet, les forces de sécurité du régime surveillent l’activité du bénévole avant de l’ arrêter pendant une mission qui lui a été confiée, ceci en utilisant les données enregistrées par le CRAS.

« ALSOURIA.net » a rencontré trois des volontaires qui avaient démissionné à cause de l’intrusion des forces de sécurité dans le travail du CRAS et de la mainmise de ces forces sur toutes les données recueillies par l’organisation, qui devraient rester la propriété de l’organisation, qui prétend être une organisation neutre, indépendante et impartiale dans son travail.

Le dysfonctionnement du CRAS dans les régions sous le contrôle du régime ne se limite pas aux arrestations rendues possibles par les données mises à disposition des services de renseignement. Il s’y ajoute également les circulaires internes émises par Abd al-Rahman Attar interdisant de donner des certificats de travail et d’expérience aux volontaires du CRAS sans l’approbation personnelle et préalable d’Attar, privant ainsi des centaines de personnes de certificats d’expérience, alors qu’ils se sont portés volontaires pour des motifs humanitaires. Ces personnes finissent par renoncer à leur engagement humanitaire au sein du CRAS à cause de l’intrusion de l’organisme sécuritaire.

Restrictions autour des bénévoles
Ahmed, 28 ans, dit à « ALSOURIA.net»: Je me suis engagé au CRAS à Damas depuis 2011 car je désirais aider les personnes touchées, qui sont dans le besoin, qui ont commencé à quitter leurs villes ou leurs villages suite à la répression violente du régime. Trois mois après, j’ai été renvoyé car mon compte Facebook a été surveillé et mes écrits sur mon mur ont été photographiés, et j’ai donc été accusé de ne pas être neutre ».

Il ajoute: «Mon renvoi de l’organisation a conduit à ce que mon nom figure sur les listes noires du CRAS. Pour cette raison l’organisation n’a pas voulu émettre des certificats pour les cours que j’ai suivi, ni pour mes activités. Je n’ai même pas pu obtenir une attestation qui certifie l’expérience développée pendant mon bénévolat, pour des raisons « sécuritaires » liées à mon avis politique. »

Le magazine britannique « New Internationalist » avait d’ailleurs critiqué de son côté l’étroite relation entre la tête du CRAS, Abd al-Rahman Attar, et la tête du régime de Bachar al-Assad. Par ailleurs, certains membres de la commission parlementaire britannique sur les affaires syriennes ont demandé à leur gouvernement de procéder à un « examen sérieux » des moyens utilisés pour acheminer l’aide humanitaire en Syrie.

La famille du président du CRAS, Abd al-Rahman Attar, possède des intérêts et d’énormes monopoles économiques en Syrie, en commençant par le secteur pharmaceutique, les services bancaires et le tourisme, et dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie.

La famille Attar détient également des agences commerciales et industrielles, représentant les intérêts d’ entreprises et de banques non-syriennes, comme « Novartis » et «Roche » de l’industrie pharmaceutique suisse, les banques « Bemo » et « la Syrie et le Golfe », la compagnie « United Insurance » et de nombreuses entreprises de change.

Attar représente également le groupe hôtelier Carlton, la compagnie aérienne Alitalia, Sony Ericsson, et IBM pour la technologie.

Le magazine britannique avait souligné que « un tel succès commercial en Syrie ne peut provenir que d’opérations illégales, mais qu’une relation très forte doit exister entre les commerçants et l’Etat pour en assurer le succès. »

Le magazine avait cité également des militants syriens au Canada qui avaient accusé Attar, qui détient d’ailleurs la citoyenneté canadienne, d’avoir permis aux services de renseignement syriens d’utiliser ses locaux commerciaux comme centres pour torturer des détenus syriens.

Le CRAS a fermement démenti ces «allégations» et a dit que ces dernières « offensent les équipes de volontaires du Croissant-Rouge qui fournissent une aide humanitaire à tous les Syriens quelle que soit leur religion, leur appartenance ethnique et leur appartenance politique.

Genève: Syrie « Pourparlers de Paix » pourquoi et pour qui?

Appel à un rassemblement pour faire entendre la voix du peuple syrien

Genève, place de nations, le vendredi 29.1.2016 de 15h30 – 17h30

avec un stand de 11h00 à 17h30 le vendredi 29 et le samedi 30 janvier 2016

Le Peuple veut

Recommençons l’histoire dès le début:                       « Le peuple veut la chute du régime« 

A l’occasion des pourparlers de paix de Genève, qui réuniront les délégations de l’opposition syrienne et du régime syrien en Janvier 2016, nous appelons à un rassemblement pour faire entendre la voix des Syriens et Syriennes en lutte, pour réaffirmer leurs revendications légitimes qui doivent être à la base des négociations pour mettre fin à la souffrance extrême de la population civile, après près de cinq années de lutte.

Depuis l’échec des pourparlers de Genève II, la situation en Syrie ne cesse de se détériorer, avec l’augmentation des interventions militaires, qui a conduit à de nombreuses victimes parmi les civils, et récemment l’intervention de la Russie, en coordination avec Israël, et avec le consentement tacite de la communauté internationale, contre les civils syriens et l’opposition armée.

Plus de la moitié de la population a été déplacée, on compte aujourd’hui plus de 300’000 morts, plus de 300’000 arrestations et disparitions forcées, plus de dix milles morts sous la torture, plus de 500’000 blessés. À l’heure actuelle, 600’000 civils souffrent de famine dans les zones assiégées. Face à cette énorme souffrance de la population, infligée essentiellement par le régime Assad, seule la justice peut aider à obtenir une véritable solution politique. Sans oublier que l’apparition de Daech (EI) et de ses semblables est une conséquence directe de la politique du régime Assad.

En effet, les pourparlers de paix de Genève doivent conduire à la satisfaction des aspirations du peuple syrien pour la liberté, la dignité et la justice sociale dans un Etat démocratique. Ces objectifs doivent être garantis et protégés contre les intérêts et les manipulations des puissances régionales et mondiales qui ont démontré, par leurs actions et leurs positions respectives au cours des cinq dernières années, leur indifférence à la situation difficile du peuple syrien, et leur attachement exclusif à leur stratégie régionale, qui ne garantit que leurs propres intérêts, comme le fait le régime Assad, à la fois sur le terrain et dans les couloirs de l’ONU.

Nous appelons à séparer les questions humanitaires des négociations et à les traiter enfin sur la base des lois internationales.

Le défi est donc d’établir les droits fondamentaux des citoyens, dans le cadre d’une Syrie unie, démocratique, libre et souveraine, rassemblant toutes les composantes de sa population, basés sur le concept de la citoyenneté avec des droits égaux pour tous.

Nous Syriens exigeons:

  • Un départ immédiat du dictateur Bachar Assad afin d’établir un gouvernement de transition représentatif des différentes composantes du peuple Syrien, en vue de tenir des élections libres et équitables pour une véritable assemblée constituante.
  • La fin du siège de toutes les régions assiégées et affamées.
  • La fin des bombardements par l’artillerie, l’aviation et les missiles sur les quartiers et villages, bombardements qui continuent à tuer des civils en masse et chaque jour.
  • Le départ de tous les combattants étrangers présents en Syrie et la fin de l’intervention russe en Syrie.
  • L’organisation de l’aide médicale et la reconstruction des services de santé.
  • Une aide massive aux réfugiés dans les pays voisins et au sein de la Syrie, en vue de leur réinsertion volontaire dans leur pays d’origine.
  • La libération de tous les prisonniers politiques, des militants, des journalistes, des civils et des combattants de la liberté qui sont emprisonnés dans les geôles du régime tyrannique d’Assad ou celles de tout autre groupe armé.
  • L’arrestation des criminels de guerre et des personnes en charge de la répression sanglante durant le règne des Assad sur le pays pendant 40 ans, et leur jugement par un tribunal compétent et indépendant.
  • La reconstruction du pays dans le respect des personnes, et la création de conditions saines et sûres pour le retour des personnes déplacées à leurs domiciles.

Les négociations avec le régime tyrannique de Bachar Assad ne devraient en aucun cas conduire à une négation des demandes légitimes du peuple syrien, sinon les Syriens n’auront d’autre choix que de continuer leur combat avec force et détermination, même au prix exorbitant de la souffrance actuelle, jusqu’à la construction d’un nouvel Etat libre et démocratique.

Hommage aux victimes de la tyrannie. Vive la révolution syrienne !

Organisé par: FemmeS pour la Démocratie avec la collaboration du Réseau des FemmeS Syriennes, Collectif des Amis d’Alep, Mouatana (citoyenneté), Conseil national kurde, Zaytoon, The Syrian American Council « SAC.

Soutenu par: Mouvement pour le socialisme/Bewegung für Sozialism (MPS/BFS), alencontre.org, le Cercle La brèche, SolidaritéS.

Tempête de neige sur les camps de réfugiés syriens

L'Occident est inconsolable!

L’Occident est inconsolable!

Violences à l’égard des femmes en Syrie, 4e partie, Témoignage d’Eman

Genève, 25.11.2014
A l’occasion de la journée internationale de l’ONU pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes une conférence spéciale sur la violence contre la femme en Syrie devait avoir lieu à l’ONU le 25 novembre à 10h00 du matin. Les intervenants prévus étaient Noura AL-AMEER, vice-présidente de la coalition nationale syrienne et responsable du dossier des droits humains, Tarek KURDI juriste syrien en droit international et trois anciennes détenues : Alaa, Kenda  et Eman. La conférence devait dénoncer les violences que subit la femme syrienne de la part du régime Assad et de l’Etat Islamique (Daesh). Seule Noura Al-Ameer a pu se rendre à Genève, Alaa a elle été retenue à l’aéroport d’Istanbul et les trois autres intervenants n’ont pas pu obtenir de visa. Pour cette raison, la conférence à l’ONU a dû être annulée. FemmeS pour la Démocratie (FSD) a maintenu la conférence publique organisée le même soir, avec la présence de Noura Al-Ameer. Conférence soutenue par Amnesty International- Groupe Uni Genève, Mouvement pour le Socialisme (MPS), site alencontre.org, SolidaritéS Genève.
FSD publie ici les interventions de cette soirée en 5 parties:
1. Intervention de Noura Al-Ameer; 2. Intervention de Tarek Kurdi, par skype; 3. Témoignage de Alaa, lu ; 4. Témoignage de Eman, lu ; 5. Témoignage de Kenda, lu.

Partie 4/5

Eman, ancienne détenue, de Homs, 30 ans,
“Je me suis impliquée dans la révolution syrienne depuis son début, dans l’action civile et dans les manifestations pacifiques qui ont eu lieu dans le quartier d’al-Khaldia à Homs.
J’ai travaillé dans le domaine des soins médicaux et j’ai participé aux efforts d’aide à la population. J’ai participé à la distribution d’habits, de nourriture et d’argent aux déplacés, aux familles pauvres et aux familles de détenus et de martyrs.
J’ai été arrêtée une première fois le 24 juin 2012 pour une période de 3mois par les Chabbiha (connus actuellement comme “armée de défense nationale”), qui sont en fait des groupes de mercenaires dont le rôle est de réprimer les manifestations civiles pacifiques.
On nous a emmenées vers des destinations et des maisons dédiées spécifiquement à l’emprisonnement des femmes, on ne nous a pas emprisonnées dans les prisons du régime ou dans les centres de détention des services secrets. Les buts de notre détention étaient, comme les gardiens nous l’ont dit, de nous échanger contre rançon, de nous échanger contre d’autres kidnappées, ou de nous violer.
Pendant notre détention nous avons été torturées physiquement et psychologiquement d’une manière inimaginable, que je n’avais jamais pensé pouvoir exister.
Les gardiens utilisaient l’électricité, le harcèlement sexuel, ils nous brulaient le corps avec des cigarettes et de l’eau bouillante. On nous frappait aussi avec des câbles électriques et des tuyaux. Ils ont coupé nos cheveux, ils nous ont violées collectivement et à répétition. Ils ont aussi tenté plusieurs fois de nous noyer dans l’eau. Par deux fois j’ai eu de forts saignements vaginaux. J’étais très effrayée par les voix et les cris des autres détenues qui étaient continuellement et violemment torturées.

Violences atroces dans les centres de détention pour les femmes enlevées par les Chabbiha.

Violences atroces dans les centres de détention pour les femmes enlevées par les Chabbiha.

Ils ont tué notre humanité, nous avons perdu la volonté de vivre, nous appelions la mort chaque jour. J’ai vu des femmes brutalement déshabillées et violées. Les gardiens les violaient devant nous et les battaient violemment, pour certaines jusqu’à la mort. On laissait alors leur corps dans la même cellule pendant un jour, avec pour conséquence que beaucoup d’entre nous ont tenté de se suicider.
Les gardiens étaient de vrais monstres assoiffés de sang, de revanche et de volonté de tuer. Ils nous donnaient juste assez de nourriture pour ne pas mourir dans la journée.
Des maladies sont apparues parmi les détenues à cause des infections et des blessures laissées sans soins, les poux et la saleté s’ajoutant à l’eau et aux aliments contaminés que consommions ont dégradé notre santé et provoqué de nombreuses entérites.
Lorsqu’on m’a relâchée on m’a mise dans un conteneur d’ordures.
J’ai été arrêtée pour la seconde fois le 3 février 2013 par des brigades armées sectaires non-syriennes, et détenue pendant 10 jours, au cours desquels on m’a volé toutes mes affaires, et l’on m’a battue et fouettée avec des câbles métalliques. »

FSD

Lire aussi les trois premières partie de cet article:

Partie 1/5

Partie 2/5

Partie 3/5