Violences à l’égard des femmes en Syrie, 2e partie

Genève, 25.11.2014
A l’occasion de la journée internationale de l’ONU pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes une conférence spéciale sur la violence contre la femme en Syrie devait avoir lieu à l’ONU le 25 novembre à 10h00 du matin. Les intervenants prévus étaient Noura AL-AMEER, vice-présidente de la coalition nationale syrienne et responsable du dossier des droits humains, Tarek KURDI juriste syrien en droit international et trois anciennes détenues : Alaa, Kinda  et Eman. La conférence devait dénoncer les violences que subit la femme syrienne de la part du régime Assad et de l’Etat Islamique (Daesh). Seule Noura Al-Ameer a pu se rendre à Genève, Alaa a été retenue à l’aéroport d’Istanbul et les trois autres intervenants n’ont pas pu obtenir de visa. Pour cette raison, la conférence à l’ONU a dû être annulée. FemmeS pour la Démocratie (FSD) a maintenu la conférence publique organisée le même soir, avec la présence de Noura Al-Ameer. Conférence soutenue par Amnesty International- Groupe Uni Genève, Mouvement pour le Socialisme (MPS), site alencontre.org, SolidaritéS Genève.
FSD publie ici les interventions de cette soirée en 5 parties:
1. Intervention de Noura Al-Ameer; 2. Intervention de Tarek Kurdi, par skype; 3. Témoignage de Alaa, lu ; 4. Témoignage de Eman, lu ; 5. Témoignage de Kinda, lu.
 
 
Genève 25 novembre 2014 Intervention de Tarek Kurdi par skype.

Genève 25 novembre 2014
Intervention de Tarek Kurdi par skype.

Partie 2/5

Tarek Kurdi, directeur du bureau des affaires légales, ministère de la justice, gouvernement provisoire syrien

Les femmes dans la révolution syrienne :
Dès que la femme a pu rêver de la liberté en Syrie au printemps 2011, elle est sortie pour l’exprimer avec des slogans et des chants et elle a commencé à le payer au prix de sa vie et de la vie de sa famille. Ces slogans venant des femmes étaient insupportables au régime syrien, alors il les a réprimés en utilisant des balles réelles et elles sont tombées mortes ou blessées. Il pensait ainsi faire taire leur voix. Lorsque le régime a réalisé son échec, les membres des services secrets et les chabbiha (milices pro-régime) ont commencé les arrestations, les enlèvements et la terreur. Le monde tout entier a assisté alors à l’humiliation des femmes de Syrie et à leur agression dans les rues. Celles qui ont eu la vie sauve ont subi les bombardements par l’aviation et les barils explosifs qui tuaient les femmes avec leurs familles cette fois. Et finalement ce régime a dépassé toutes les lignes rouges en utilisant l’arme chimique et en commettant un massacre horrible à al-Ghouta à Damas.

Quelques statistiques :
Il s’agit des statistiques du ministère de la justice du gouvernement provisoire syrien qui sont relatives aux exactions contre les femmes en Syrie depuis le printemps 2011 jusqu’au 14 novembre 2014.

Permettez moi tout d’abord de présenter mes excuses à chaque victime et à chaque famille, car je vais utiliser la langue des chiffres tout en étant conscient que chaque chiffre représente ici une âme humaine.
Le tableau ci-dessous montre le nombre de victimes parmi les femmes et les filles et les raisons qui ont conduit à leurs décès :

Victimes Parmi les femmes et les fille du 15.03.2011 au 14.11.2014

Victimes Parmi les femmes et les fille
du 15.03.2011 au 14.11.2014

Toutes ces statistiques ne représentent pas le nombre réel des victimes, car le travail de documentation est très difficile en Syrie et comprend beaucoup de dangers, ceci sans oublier qu’il est difficile d’atteindre toutes les régions de Syrie. D’un autre côté documenter les exactions contre les femmes est encore plus difficile car beaucoup de victimes et beaucoup de familles ne souhaite pas en parler. C’est pourquoi nous estimons que les nombres réels sont bien plus élevés que ceux que nous avons pu documenter.

Conventions et lois internationales :
La communauté internationale est consciente des besoins propres de la femme, c’est pourquoi elle a édicté des lois spéciales pour elle, lui réservant ainsi une attention particulière par rapport aux autres civils. Elle a aussi édicté une loi internationale qui force toutes les parties dans un conflit à respecter ces lois concernant les femmes mais également des conventions spéciales pour elles.

Nous savons tous que les filles et les femmes subissent plus que les autres ces temps de guerre à cause de la place particulière qu’elles occupent dans la société mais aussi à cause de leur sexe. C’est la raison de l’établissement d’articles de loi pour leur assurer une protection supplémentaire concernant leurs besoins médicaux et psychologiques particuliers.
C’est ce qu’on constate dans la 4e convention de Genève qui a donné aux femmes enceintes et à celles qui allaitent des garanties en rapport avec leur état de santé. Quant à la loi relative aux droits humains, qui doit être appliquée en temps de paix comme en temps de guerre, elle oblige les Etats à ne pas relâcher leur engagement de garantir le droit à la vie, d’éliminer la torture et tout comportement inhumain ou qui porte atteinte à la dignité humaine. Aujourd’hui, la loi pour les droits humains s’est enrichie de plusieurs conventions internationales ou régionales qui couvrent un large domaine des affaires civiles ou politiques et qui insistent sur certains droits comme l’arrêt de la torture et qui mentionne spécialement des bénéficiaires particuliers comme les enfants et les femmes.

Exactions du régime syrien contre les femmes :
Depuis quatre ans, le régime syrien mène une guerre contre sa population, ne respecte aucune loi internationale, ni aucun de ses engagements envers la communauté internationale.
De plus, il est allé encore plus loin en utilisant les femmes comme arme de guerre. Femmes et enfants ont été utilisés comme boucliers humains. En plus des arrestations des femmes activistes pacifiques, il a arrêté les soeurs, les mères et les femmes des activistes recherchés, ceci afin de les contraindre à se rendre pour être amenés à la mort. Il a aussi inventé un nouveau crime, celui des « snipers » qui ciblent les foetus dans le ventre de leurs mères. Ceci sans oublier les exactions qui se passent dans les sous-sols des centres de détention contre les femmes détenues, allant de la privation de leurs droits les plus basiques, en passant par la torture corporelle et psychique, le viol, et finalement par des grossesses forcées.

Bien entendu le régime syrien empêche les organisations internationales et à sa tête le CICR de visiter les centres de détention et les prisons en Syrie. Je ne vais pas parler plus longtemps des femmes détenues, il suffit de vous dire que plusieurs cas de viols d’hommes en détention sont documentés et je vous laisse imaginer l’enfer que vivent les femmes en détention retenues par ce régime qui a une grande expérience dans le crime.

Mais tout ce qui précède n’a pas suffi à ce régime qui a pourchassé ses victimes jusqu’à dans leurs villages et maisons en utilisant les bombardements à l’aveugle. Il a même ciblé les abris qui abritaient surtout les civils, femmes et enfants. C’est ce qui s’est passé lors du massacre de al-Maljaa dans le village al-Hbeit à Idleb le 31 août 2014. Et ce massacre n’est qu’un exemple des massacres quotidiens et des dizaines de milliers de cas documentés qui attendent que le dépassement de considérations politiques permette enfin d’accéder au tribunal pénal international.

N’oublions pas aussi le siège appliqué par le régime syrien à plusieurs quartiers, villages ou régions, les privant de nourriture et de médication alors que les habitants des ces régions sont des civils et que la majorité se compose de femmes et d’enfants.

Conditions de vie lors de migration forcée :
Pour ce qui concerne les conditions de vie de la femme et de la fille syrienne en cas de migration forcée vers les pays voisins, elles endurent la difficulté de trouver les moyens de subvenir à leurs besoins et aux besoins de leurs familles, surtout avec la diminution croissante de l’aide humanitaire offerte par l’ UNHCR, qui a accentué leur détresse et les a poussées à quitter le chemin de l’apprentissage pour essayer soit de travailler, soit d’aller dans la rue pour tendre la main.

Qu’attendent aujourd’hui les femmes syriennes ?
J’aurais souhaité vous parler aujourd’hui des moyens à mettre en oeuvre pour aider la femme syrienne à trouver sa place sur la scène politique et accéder aux postes à responsabilité ou encore des moyens pour éliminer les inégalités touchant la femme dans notre société… Mais les criminels en Syrie ont un autre avis et ils nous ont amenés à devoir nous contenter de tenter de protéger son droit à la vie et de stopper les exactions contre elle.

Au nom du ministère de la justice dans le gouvernement provisoire syrien, au nom de tous les juristes syriens pour les droits de l’homme et au nom de tous les hommes et femmes libres dans le monde entier, nous promettons ici aux femmes syriennes que nous poursuivrons les criminels, tous les criminels qui ont commis ces crimes à l’encontre des femmes en Syrie pour les juger dans les tribunaux internationaux pour que ces crimes disparaissent à jamais et partout dans le monde et pour que justice soit faite.

Avant de terminer, il me reste un mot à l’intention des coeurs:
Les femmes syriennes continuent à espérer qu’une main leur soit tendue pour sortir de cette catastrophe considérée comme étant la pire de ce siècle… ceci malgré l’incapacité de la communauté internationale à leur venir en aide jusqu’ici.
Les femmes de la Syrie ont rêvé de liberté, leur rêve a tourné au cauchemar effrayant… si vous ne pouvez pas les aider à accomplir leur rêve, aidez les juste à sortir de ce cauchemar.

FSD

Lire aussi la première partie de cet article:

Partie 1/5

Publié le 30/11/2014, dans Conférences, Femmes de la Révolution, FSD, et tagué , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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